Persona 5: Royal
8.9
Persona 5: Royal

Jeu de Atlus (2019PlayStation 4)

Je n’avais pas spécialement envie d’écrire sur ce jeu. Après tout, que dire de plus qui n’ait déjà été dit, et peut-être même mieux dit ?
Mais après l’avoir terminé (Platiné dès la première partie), et lu tout ce qu’on en disait un peu partout, je me suis rendu compte que mes sentiments à l’égard de ce jeu n’étaient pas franchement partagés.
Attention, loin de moi l’idée de dire que c’est une daube ou quoi que ce soit (il suffit de voir ma note), là n’est pas la question. Non, il s’agirait plus du status qu’aurait pris ce jeu au sein de la franchise...
Donc voici mes impressions sur l’importance et la place légitime de Persona 5 Royal dans la saga, le tout sans révélations majeures sur l’intrigue.

3615 MYLIFE



En fait, Persona et moi, c’est une longue histoire.
Pour replacer les choses dans leur contexte, je m’en vais de ce pas vous la conter.
J’ai grandi dans un monde où l’on croisait des boutiques de jeux vidéo toutes les trois rues, où le marché de l’occasion et de l’import étaient nettement plus importants qu’aujourd’hui, où Score-Games et Dock Games étaient encore concurrents de Micromania.
J’étais le genre de jeune qui savait ce qu’était un Game Genie, qui avait un adaptateur double-cartouches pour jouer aux imports japonais sur Super Nintendo, et qui avait évidemment posé une puce sur sa Playstation dès que ce fut possible.
Ce devait être au début de l’année 1997 que je jouais pour la première fois à Revelations: Persona, JRPG en import, version américaine, et chalereusement recommandé par le vendeur.
Je ne vais pas vous mentir, étant plus habitué aux jeux Squaresoft, cette première expérience s’est révélée assez austère et plutot complexe.
Quelques années plus tard, je suis tombé par hasard sur Persona 2: Eternal Punishment, toujours en import américain, et là ce fut une énorme claque... Ça fait sûrement un peu cliché de dire ça, mais c’était tellement mature, tellement sombre, tellement moderne... C’est devenu (avec Parasite Eve à l’époque) le jeu que je recommandais le plus à tout le monde (et un de mes plus gros regrets vu que je l’ai prêté et qu’on ne me l’a jamais rendu..).
Le genre de jeu qui changerait presque votre vision de ce que doit être un ‘bon’ jeu.
Du coup, je me suis intéréssé à la franchise mère, Shin Megami Tensei, mais bon, des jeux sur NES et SNES intégralement en japonais, ça n’allait pas le faire. Enfin, jusqu’en 2005 avec la sortie sur Playstation 2 de Lucifer's Call (ou Nocturne Maniax pour les puristes), et là encore ce fut une belle claque (qui me poussera à faire les suites et les Devil Survivor sur DS/3DS et les Digital Devil Saga sur PS2), mais ce n’est pas du tout la même ambiance, même si on reconnait franchement la patte des studios.
Arrive alors l’année 2008, étrange année car en février sortait Persona 3 qui révolutionnait un peu la franchise en installant des codes et des gimmicks qui seront repris dans les opus suivants. Mais l’étrangeté vient surtout du fait qu’en octobre de cette même année sortait Persona 3 FES...
Sur le coup je n’ai pas bien compris l’idée ni l’interêt... Mais bon, je l’ai acheté quand même, car vendu comme la version ultime du jeu avec tout un tas de contenu inédit.
Alors, honnetement, pour la partie The Journey, sans avoir la version vanilla en tête, ce n’est pas si évident que ça de voir les différences et les ajouts. L’avantage, c’est que les deux versions sont sorties à peu de temps d’intervalle, et le jeu était encore très frais pour moi. Dans la version FES, on avait donc plus de Personas, certains Social Links ont été repensés, on pouvait promener le chien, le système du temple de Naganaki a été modifié, on avait de nouvelles quêtes annexes, de nouveaux events, et un mode Hard. C’était pas fou-fou, mais pour l’époque c’était déjà bien, et c’était surtout sans compter le fameux épilogue inédit : The Answer.
D’aucun lui repprocheront sûrement de n’être, en gros, qu’une succession de nouveaux donjons assez corsés qui viennent juste gonfler le temps de jeu d’une petite trentaine d’heures... C’est pas faux. Mais quand on a passé plus de cinquante heures avec ces personnages et qu’on prend part à cet épilogue, ça en vaut vraiment la peine.
Enfin bref, une étrange année, donc, qui voit pour la première fois dans nos contrées l’arrivé d’une version ultime d’un jeu de la franchise. Ils l’avaient déjà fait pour Shin Megami Tensei III, qui a connu quatre ou cinq versions au Japon, mais chez nous il n’y a eu que Lucifer’s Call...
Début 2009 sortait Persona 4, excellent jeu si il en est, mais j’ai tout de même trouvé le scénario moins prenant que celui de Persona 3. Néanmoins, on saluera ses nouveautés et ses quelques améliorations. Par contre, chose curieuse, alors que la Playstation 3, sortie au Japon en 2006, est en train de confortablement s’installer et d’annoncer de plus en plus de gros titres, ce jeu n’est sorti que sur Playstation 2 ! Autant pour Persona 3, vu les dates de développement, c’était peut-être un peu juste, ça se comprend. Mais là, aucune véritable raison, et aucune version ultime à l’horizon...
En 2010 sortait Shin Megami Tensei: Persona sur Playstation Portable, qui n’était pas qu’un portage de qualité, mais bien une meilleure version du jeu que ne l’était ma version américaine sur PS1. Après, ça reste un portage du tout premier opus de la saga, et c’est vraiment le moins bon des Persona.
En 2011, ce fut au tour de Shin Megami Tensei: Persona 2 - Innocent Sin. Là c’est un peu particulier car il existe bien deux Persona 2 différents. Celui-ci n’était pas sorti sur PS1 en Europe ou aux USA à l’époque, et ce fut donc fabuleux de pouvoir enfin y jouer. Ce jeu est véritablement bon sur bien des aspects, mais je l’ai trouvé un poil en deça de Persona 2 : Eternal Punishment qui lui, hélas, n’est pas ressorti chez nous sur PSP... Si il y a bien un épisode de la franchise qui mériterait un HD remaster, c’est pourtant lui.
En 2011 sortait également P3P - Persona 3 Portable. Là aussi, la surprise n’était pas des moindre. Le scénario est quasi identique à la version Journey sur PS2, mais pour ce portage, l’intégralité du gameplay a été repensée ! Du coup, le coté RPG classique prend des airs de Visual Novel, tandis que les donjons restent en 3D à la trosième personne. En plus de ces changement techniques, viennent s’ajouter de vraies améliorations issues de Persona 4, comme le mode Direct dans les combats qui permet de faire jouer les 4 personnages et pas seulement le protagonniste, le fameux One More lorsqu’on tape un point faible, deux nouveaux modes de difficultés (dont Maniac pour les plus aguerris), de nouvelles Personas, etc... Mais, cerise sur le petit cake, pour la première fois dans la franchise, nous avons le choix du protagonniste. En effet, ici vous pouvez choisir entre un personnage masculin ou un personnage féminin. Et si le masculin ne change quasiment pas vis à vis de la version PS2, il est beau de voir à quel point ils ont poussé le souci du détail pour le personnage féminin, que ce soit dans les dialogues, les Social Links, etc. La refonte du gameplay et l’introduction de ce personnage féminin valent à eux seuls le coup de replonger une fois de plus dans Persona 3.
En 2012, nouvelle grosse surprise avec l’arrivée sur PS Vita de P4G - Persona 4 Golden.
Alors autant pour Persona 3 FES, sans The Answer on peut dire que les différences sont minimes, autant pour Persona 4, les différences entre la version vanilla et la version Golden, c’est de l’eau et du vin. Nouveau personnage, nouveaux Social Links, nouveaux lieux, nouveaux events, nouvelles activités, sorties nocturnes, nouvelles musiques, nouveaux doublages, nouvelles cut scenes, nouvelles Personas, nouveau système de fusion, possibilité de changer de costumes, calendrier plus long, nouveau donjon, nouvelles fins, systeme de soutien en ligne (SOS et activités), galerie, meilleurs graphismes... C’est simple, la majorité des différences entre Persona 4 et Persona 5 se trouvaient déjà dans Persona 4 Golden.
Si j’avais bien aimé Persona 4 sans être pour autant transporté, ce n’est pas du tout le cas avec Persona 4 Golden que j’ai tout bonnement adoré. Je pourrais lui reprocher quelques petites choses, comme son scénario moins mature que celui de Eternal Punishment, ou peut-être de ne pas avoir été aussi percutant et de ne pas avoir autant joué au yoyo avec mes sentiments que Persona 3. Mais avec son histoire et dans le registre qui lui est propre, Persona 4 Golden comble largement les lacunes de la version vanilla et fait presque un sans fautes à tout points de vue.

The Royal



Après cette monstrueuse tartine, venons en aux faits.
En avril 2017, soit cinq ans après P4G (huit ans après Persona 4), nous avons enfin eu le tant attendu Persona 5. Eh ben il m’a fait un peu le même effet que le 4 à sa sortie...
C’est un excellent jeu, on ne va pas le nier, mais on ne va pas se mentir non plus : il est souvent verbeux pour pas grand chose, il s’éparpille souvent pour rien (les twist et autres fausses pistes sont clairement poussifs et mal amenés), on a souvent l’impression que les sessions dans le Memento ne sont là que pour gonfler artificiellement la durée du jeu tellement il ne s’y passe rien (à part défier la Faucheuse pour le fun), le rush final est d’une longueur abyssale (d’ailleurs un personnage fait commentaire à ce sujet qui aurait pu être drôle sans l’ironie de la chose), et comparé aux opus précédents, il m’a paru bien léger, et manquant cruellement de personnalité (personnages qui sont des redite de redite, activités loin d’être fun, events pas à la hauteurs des anciens opus, humour souvent trop forcé, propos faussement matures balayés par des évidences et/ou des clichés)... Heureusement qu’il ne verse pas trop dans la mièvrerie et la sensiblerie à outrances, et qu’il possède quand même tout ce qui fait le charme et la recette d’un Persona, sans ça il n’aurait guère vallu mieux qu’un Tokyo Mirage Sessions♯FE bien trop tout public...
Là où le bas blesse, c’est que trois ans plus tard arrivait la fameuse version ultime, le jeu qui vaudrait le coup de mettre une fois de plus la main au portefeuille, le messie qui supplanterais allègrement Persona 3 FES et Persona 4 Golden : le fameux Persona 5 Royal !
Force est de constater que non, le miracle tant attendu ne s’est pas produit...
Alors oui, il rectifie le tir de Persona 5 qui avait le cul entre deux chaises et se refait une beauté en devenant une exclu Playstation 4, mais quand on y regarde de plus rès, il ne fait absolument rien de plus que ce que Person 4 Golden avait fait pour Persona 4, et souvent il le fait moins bien...
L’ajout d’un nouveau trimestre ? La version vanilla s’achève grosso modo à Noël, et P5R s’achève en février. Dans Persona 4, le rush final débutait début décembre, et dans P4G le jeu s’achève en février...
De nouveaux personnages ? Oui, trois ! Un qui est totalement accessoire, et deux qui ne sont là, et uniquement là (sans ça ils ne servent absolument à rien), que pour ajouter un nouveau donjon lambda qui est même plus facile que les deux derniers donjons de la vanilla. P4G ajoutait un nouveau personnage qui approfondissait la trame globale, et qui permettait de débloquer le donjon le plus technique et le plus difficile du jeu...
De nouveaux lieux ? Oui ! Là c’est vrai qu’avec Kichijoji, on gagne vraiment un nouveau quartier avec de nouvelles activités. Dans P4G, on gagnait Okina, et plage de Shichiri, certes moins bien fournis, mais tout de même...
Nouvelles activités, nouveaux events, nouvelles cut-scenes, etc ? Oui ! Même si c’est loin d’être folichon, c’est vrai qu’il y a pas mal de changements de ce côté là par rapport à la vanilla. Le truc c’est que les ajouts étaient nettement plus marquants lors du passage de Persona 4 à P4G. Les cut-scenes y étaient plus interessantes, souvent plus drôles, et les events (comme la sortie au ski) apportaient un vrai plus...
Je pourrais continuer comme ça avec pratiquement toutes les ‘nouveautés’ apportées dans P5R.
Alors le fait de gonfler le jeu pour en sortir une meilleure version, je suis totalement pour, tant que ça sert réellement le jeu.
C’est finalement là qu’on note un fossé (voire un canyon) entre deux versions ultimes qui semblent pourtant reprendre les même recettes.
Là où le nouveau trimestre de P4G s’intégrait parfaitement et où les derniers donjons coulaient de source, le nouveau trimestre de P5R fait presque tâche et ne convainc jamais vraiment. Le rush final (Palais de décembre/Cœur du Memento/Palais du nouveau trimestre) nous ramène d’ailleurs aux principaux repproches que l’on pouvait faire à The Answer dans Persona 3 FES.
Déjà, sans rien dévoiler, le contexte de ce nouveau trimestre est plus que douteux, et l’idée de cette espèce de twist est totalement navrante, vue et revue tellement de fois un peu partout (cinéma, jeu vidéo, serie TV, etc) que c’est presque aussi pitoyable que de faire au public le coup du ‘jumeau maléfique’ simplement pour ajouter un retournement supplémentaire à l’intrigue.
Ajoutons à ça qu’en dehors du dernier (pitoyable) donjon, ce dernier trimestre est abyssalement creux. Même les nouveaux event (Nouvel An, St Valentin, White Day, etc) sont expédiés et n’apportent pas grand chose. Si vous avez géré convenablement votre emploi du temps, il ne vous reste rien à faire d’important, et ça les scénaristes eux-même devaient s’en douter vu qu’ils nous ont collé une semaine complète qui consiste simplement à : sortir, parler à un ami, aller se coucher. Tous les jours. Sans exception. Une semaine de perdue alors que ça aurait pu se faire en une journée. Ceci permet également de pointer le coté parfois trop dirigiste de la saga, avec certaines aberrations incompréhensibles, comme le fait de ne pas pouvoir retourner chez Leblanc après les cours au risque de perdre la demi-journée à ‘se reposer’... Pas de possibilité de lire, regarder un DVD, jouer à la console, s’entrainer, fabriquer des objets, surfer sur le marché noir, etc. Non, c’est ‘se reposer’ uniquement. Mais bon, ce coté dirigiste était déjà présent, donc rien de neuf, cela permet simplement de mieux s’en rendre compte, vu que pour débloquer des points pour le Repaire des Voleurs, il est bon de compléter ses collections, en lisant tout, ou en terminant les jeux.
Le coté dirigiste poussé à son paroxysme, l’absence quasi totale de nouveauté, et le décalage presque brutal avec le reste du jeu font que, globalement, ici le troisième trimestre se détache du reste du jeu et fait presque figure d’add-on vulgairement greffé là par un neurochirurgien tetraplégique qui opérait avec seulement un marteau et une clef de douze...
Là où P4G s’employait à combler les vides, développer certains points, rendre ses personnages plus attachants tout en y ajoutant une pièce qu’on jurerait manquante tant sa place y est logique et tombe sous le sens, P5R se contente d’imbriquer grossièrement une nouvelle intrigue dans une trame qui n’en navait pas besoin, et brode un max en brassant de l’air tout en usant d’une ficelle tellement énorme qu’on ne voit plus que ça. Et on s’en serait bien passé...
Car ça ne s’arrête pas là, non, le pire repproche qu’on pourrait encore faire à cette nouvelle intrigue de P5R reste peut-être la nouvelle True End, la plus commerciale de la saga. Un changement tellement vide de sens et injustifié qu’il ferait presque pâlir Georges Lucas d’envie de ne pas avoir eu une idée pareille pour une de ses versions remasterisées.
Là où P4G offrait un épilogue justifié et mérité aux termes de donjons prenants d’un bout à l’autre, le tout ponctué de scènes dont la dramaturgie fait mouche à chaques fois, P5R renie complètement la fin de l’opus original aux termes d’interminables heures de dialogues/donjons/dialogues/donjons/dialogues/donjons/dialogues (sérieusement, de décembre à la fin du jeu, on trouve le temps trèèès long) suivies de fausses fins à répétition façon Le Retour du Roi, tout ça pour nous pondre une conclusion digne de la saison 8 de Game of Thrones dans le seul but de mieux coller avec leur futur spin-off (Persona 5 Scramble : The Phantom Strikers).
Bref, un sacré gâchis...

Le mot de la fin



Non, Persona 5 Royal n’a pas volé sa note, mais je trouve relativement lassant de lire ça et là que c’est le "meilleur JRPG de ces dix dernières années", ou encore "le meilleur opus de la saga", parce que c’est loin d’être le cas.
Si au niveau technique, il est évident qu’il est aujourd’hui au dessus de ses prédécesseurs, c’est clairement loin d’être le cas sur bon nombre d’autres points, à commencer par le scénario, et c’est encore plus flagrant avec ce trimestre supplémentaire et cette conclusion.
Ceci n’a rien à voir avec un sentiment subjectif, un simple ‘j’aime/je n’aime pas’, ce sont des faits : la version ultime (Golden) de Persona 4 est bien mieux construite que cette version Royale de Persona 5. Tant du point de vue de la trame narrative que de la complexité du scénario ou de la richesse des Social Links, des events et des quêtes annexes.
Quant à l’histoire en elle-même, celle de Eternal Punishment reste bien au dessus du lot, et même celle de Persona 3 tient largement la dragée haute à celle de Persona 5, et ce, sur quasiment tous les aspects possibles.
Persona 5 n’est que le dernier opus en date d’une saga bien plus riche que ça, et les maladresses accumulées dans la version Royal me feraient presque craindre le pire pour un éventuel Persona 6.
En tout cas, je croise les doigts pour que le futur Shin Megami Tensei V ne suive pas cette voie, mais reste au contraire dans les traces de ses illustres aînés, de Lucifer’s Call au IV - Apocalypse en passant par Strange Journey (Redux ou pas).
Réponse l’an prochain (avec en prime le HD remaster de Lucifer’s Call).


P.S: Si tu as lu jusqu’au bout, t’as le droit à un bisous.

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le 15 août 2020

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DocteurKi

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