Persona 5: Royal
8.9
Persona 5: Royal

Jeu de Atlus (2019PlayStation 5)

L'étrange mariage entre le visual novel et le RPG au tour par tour.

Lien de ma critique complète sur mon blog : « Persona 5 Royal » des studios Atlus : le mariage entre visual novel et RPG au tour par tour !


Premier plan d’ouverture : une caméra aérienne sur l’horizon et se redressant jusqu’à dévoiler un Casino de luxe dont l’enseigne est des plus étranges, révélant une femme tenant une balance de la justice penchée sur sa gauche, avec les lettres W.I.N. pour vainqueur en anglais. A l’intérieur, une silhouette dans la pénombre surplombant les joueurs du casino, prenant la fuite face à des agents de sécurité se métamorphosant lorsqu’il se rapproche de la silhouette. Cette silhouette a pour nom : Joker, leader des voleurs fantômes, un groupe de voleur dont l’allure n’a rien à envier à un certain Arsène Lupin, le voleur gentleman. Tout semble se dérouler selon les plans du groupe de voleurs dont on ne devine pas encore le nombre de membres, mais alors qu’il est sur le point de fuir, Joker est piégé à la sortie du Casino, enfermée, battue puis interrogé par une procureure chevronnée.


Ce qui nous amène à 7 mois en arrière lorsque notre voleur captif commençait une nouvelle vie de lycéen durant une période de probation imposée… pour un crime qu’il n’a pas commis, pour s’en être pris à la mauvaise personne et pour avoir voulu défendre une personne qui ne s’était même pas rangé de son côté au moment où cela aurait été nécessaire. Oui, nous sommes dans une œuvre ou l’injustice est un point de départ, mais va l’aborder sous divers traits pour parler de la société japonaise, mais surtout de nous et de notre société en générale.


Initialement lancé en 1996 avec le premier volet sur Playstation première génération, la licence Persona est un dérivé d’une autre saga de RPG ultra populaire sur le sol nippon, les Shin Megami Tensei (qui, lui, a débuté en 1987 sur la Famicom de Nintendo, l’équivalent japonaise de la Super Nintendo). Lui-même inspiré d’une série de roman japonais écrit par Aya Nishitami. SMT, le principe est simple : on incarne un jeune adolescent dans un monde postapocalyptique avec la capacité de soumettre de nombreux démons à sa volonté pour parvenir à ses fins.


De ce que j’en sais, les Shin Megami Tensei sont connus pour leurs univers post-apo et torturé. Mais Persona, en revanche, a entrepris un affranchissement progressif. Et qui semble quasi définitif à partir de Persona 4 (l’un des premiers, si ce n’est le premier, à avoir bénéficié d’une sortie européenne avec des textes en français… et dont un ami sera content de me faire la pub). Bien qu’il réutilise le bestiaire très particulier des SMT, il a trouvé sa propre identité en mêlant à la fois le visual novel (des jeux vidéos consistant en romance visuelle ou les choix du joueur sur les réponses de son avatar ont des effets sur l’histoire), RPG, vie lycéenne, psyché humaine et monde parallèle influençant sur notre réalité.


Les deux derniers opus sont considérés comme étant les plus accessibles pour le grand public, et sont également les plus adulés par leur fanbase. Mais surtout, le titre de cette licence, Persona, tire son inspiration des masques portés par des acteurs de théâtre. Mais aussi d’une étude du psychiatre suisse Carl Gustav Jung qui disait, grosso modo, qu’en société : chacun portait un masque social afin de s’adapter à l’interlocuteur qu’il a en face de soi. Après, je ne suis pas un spécialiste en psychiatrie et psychologie profonde, ceux qui ont des connaissances moins profanes que les miennes vous informeront sûrement mieux que moi : ici, on parle de jeu vidéo.


Mais si les jeux Persona se sont détachés de l’atmosphère de base des SMT, cela ne veut pas dire que les thématiques qu’ils abordent sont moins pesant. Si il y a une chose qu’on devrait rappeler avec le média du jeu vidéo, c’est qu’en plus d’être à la base un jeu et un loisir : il y a des éditeurs qui s’en servent pour parler de notre rapport à l’humain, à la société, à nos problèmes mais par des voies détournées de celles employés par d’autres médias ou de notre éducation conventionnelle (qu’il soit scolaire, ou issus de nos parents).


Undertale de Toby Fox, par exemple, jouait avec les codes du J-RPG pour confronter le joueur à ses décisions avec ses conséquences et jouer avec sa curiosité pour découvrir d’autres voies que celle qu’il a tracé à l’origine. NieR : Automata de PlatinumGames et de Yoko Tarô confrontait le joueur et ses personnages à l’absurdité de leur monde et surtout à leur impuissance face à cette absurdité. Quant à Final Fantasy VII (le titre original comme le remake), c’était une sonnette d’alarme avant-gardiste sur les dilemmes écologiques de notre monde avec, certes, un monde ultra-fantaisiste mais si beaucoup parlent encore des FF 7 à l’heure actuelle au-delà de ses personnages, de ses scènes iconiques et de sa rénovation graphique pour l’époque, c’est pas sans raison.


Persona 5 Royal, qui est l’édition Deluxe (et donc complète du jeu avec les textes français) est de ceux-là. Et même si on peut se montrer hermétique avec certains aspects du jeu : ce qu’il fait sur plusieurs dizaines d’heure de jeu, il le fait à merveille et surtout, il parvient à faire énormément avec des moyens moins dense qu’un gros studio mais en exploitant avant tout son média avec tout ce que les 2 genres qu’il exploite ont à lui offrir. Ici : le visual novel, et le RPG au tour par tour dont on est déjà bien accoutumé, ici, en occident mais avec une vraie sensation de redécouverte !


Les premières heures de jeu vont être celles qui détermineront si oui, ou non, on est prêt à accepter la proposition globale de Persona 5, à voir au-delà de sa forme pour en savourer le fond. Tout d’abord, Persona 5 est un jeu dense et très chargé sur tous les plans : chargé au niveau de son interface dans les combats au tour par tour, chargé dans ses mécaniques de jeux tous simple pris individuellement mais qui peuvent vite intimider une fois mis ensemble, chargé dans les possibilités accordées au joueur pour gérer l’emploi du temps de notre avatar, et aussi chargé en matière de dialogue et de discussion. Mais alors, très, vraiment très chargé.


En premier lieu, il faut compter au moins une vingtaine d’heures, voire vingt-cinq heures de jeu. Cela fait beaucoup, et ça peut vite lasser un joueur sans aucune expérience d’un Persona surtout quand on incarne un lycéen nouveau venu dans un établissement ou les mauvaises rumeurs à son encontre et l’hostilité des professeurs n’est pas des plus motivants. Encore plus quand notre premier ami semble être un autre cas à problème du bahut. Cela dit la partie RPG au tour par tour a le mérite d’être lisible et limpide en matière de tutoriel et surtout d’ajouter ses mécaniques de manière échelonnée et progressive sans jamais étouffer ou asphyxier le joueur.


De même, tout le contenu de l’univers peut faire très peur en matière de compréhension quand on regarde de loin. Etant donné qu’on parle beaucoup de monde psychique avec le méta-vers, le principe de « Palais » ou les désirs pervertis des gens particulièrement obscène se reflètent dans les décors et la direction artistique absolument flamboyante du jeu (le palais de la luxure de Kamoshida et son apparence de château, celui de Kaneshiro pour la cupidité, ou encore celui de Shido pour l’orgueil, tous tellement spécifique et tordu dans leur apparence mais bien pensé dans leur game design), le pouvoir de nos Persona qui sont le reflet de l’esprit de révolte de notre groupe d’adolescent, les principes de faiblesses, de technique et de transfert pour augmenter les dégâts et les armes à feu, tout cela fait beaucoup… mais Atlus et son développeur semblent clairement savoir quand tenir le joueur par la main avant de la lâcher pour le laisser s’envoler de ses propres ailes, et donner un retentissement narratif vis-à-vis du gameplay.


Tu tombes sur le métavers (le monde de la psyché incarné par les pensées et désirs humains) et ton avatar est dans une situation critique : bim, sa Persona (qui est un esprit prenant son apparence en fonction de son détenteur) s’éveille ainsi que son esprit rebelle et les bases sur le contrôle de ton Persona sont révélé. Ton nouveau pote Ryuji Sakamoto t’emmène dans une boutique d’airsoft pour prendre une fausse arme à feu afin de l’utiliser comme outil de dissuasion : bim, Morgana le chat bipède te révèle que dans le métavers selon l’inconscient de l’adversaire, une fausse arme peut en devenir une vraie et ça devient un outil de combat en plus pour le joueur. Tu découvres une ombre sensible à un type d’attaque spécifique après l’avoir attaqué ? Boum, si tu contrôle Morgana et Ryuji également, tu découvres le principe de « transfert » permettant de donner le relais à un autre personnage et d’augmenter les dégâts infligés à tes ennemis. Et petit à petit l’interface du joueur s’enrichit mais lui paraît beaucoup moins bordélique ou brouillon que ne laissaient croire les tests ou les premières impressions. Et je vous assure qu’une fois qu’on contrôle tout cela, les combats de Persona 5 Royal sont un vrai régal de feeling.


Le principe est le même lorsqu’on est lâché en plein quotidien ordinaire dans Tokyo : au début on a 3 zones auxquels on pourra se rendre quand le jeu nous lâchera un peu la main pour mener notre quotidien à notre guise. Yongen-Jaya, Shibuya et le lycée de Shuujin ou on devra participer au cours comme tout étudiant ordinaire. Mais à plus d’un titre, le jeu laissera le joueur libre de mener ses fins de journées et ses soirées comme il le veut. Et la liste d’activités est large : entre les sorties au cinéma, les parties de base-ball en cage, les parties de fléchettes avec les potes, participer au concours du Big Bang Burger en réussissant à finir un burger énorme ou encore travailler à mi-temps pour gagner de l’argent et améliorer vos stats sociaux, sans oublier passer du temps avec vos amis et d’autres confidents que vous pouvez apprendre à connaître au 4 coins de la ville, le jeu jouit d’une finie de possibilité pour chaque joueur voulant développer son propre avatar.


Et c’est là qu’on en vient à la première grande force de Persona 5 Royal : aucune partie ne ressemblera vraiment à une autre. Chaque joueur est libre de constituer son propre profil et de s’intéresser aux personnages qui l’attirent le plus en priorité. Et surtout de développer les stats sociales qui l’intéressent pour avoir son propre personnage : par exemple si vous vous appliquez dans les questions en cours qui vous sont donnés ou que vous étudiez le soir au café Leblanc (qui vous sert de nouvelle maison), vous marquerez des points en « Intelligence » et vous attirerez plus tard l’intention d’une certaine déléguée de terminale avec qui vous pourrez créer des liens plus profonds et qui deviendra une alliée en combat capable de vous aider au moment opportun. Idem pour Ryuji et Ann qui seront veux deux premiers alliés au bahut : si vous améliorez votre stat de « Gentillesse », vous pourrez approfondir votre relation avec Ann et en combat celle-ci pourra dissiper une altération ou même faire bouclier pour vous éviter un game over en milieu d’aventure.


Mieux encore, aucun des personnages secondaires n’est superflu, tous ont leur petit quelque chose à apporter sur le plan émotionnel ou sur le plan du gameplay. D’abord parce que, comme notre avatar Joker, ils ont tous en commun d’avoir été victime ou de devenir une future victime d’une injustice face à laquelle la société se révèle complice malgré elle ou bien de manière volontaire. Et deuxièmement parce que plus vous établiez une relation de confiance, d’amicalité ou même fraternelle avec certains d’entre eux, plus vous aurez d’armes et de possibilité pour infiltrer les palais et aussi explorer le monde psychique dans sa globalité.


Par exemple : si vous approfondissez votre relation avec Toranosuke Yoshida le politicien déchu et confident du soleil, vous aurez la possibilité de gagner plus d’argent après un combat, de négocier avec plus de facilité avec vos ennemis pour les recruter dans votre équipe, ou même de les pousser à se joindre à vous sans avoir à faire des choix de dialogues. Autre exemple, vous rencontrerez plus tard une joueuse de Shogi aimant s’isoler dans l’église de Kinda : si vous créez une relation de confiance avec elle, vous aurez la possibilité de fuir plus facilement un combat, d’interchanger les membres de votre équipe ou même de fuir si vous êtes pris en sandwich par les ombres d’un palais.


Persona 5 est un jeu qui pousse le joueur à s’investir socialement et personnellement avec son entourage et ceux qui négligeront les relations ou les stats sociaux finiront très probablement par se retrouver face à un mur. A vous de trouver un bon équilibre entre vos statistiques sociaux, vos relations avec vos confidents, vos emplois à temps partiel afin de gagner de l’argent ou de grailler des informations pour mener à bien vos missions dans le monde psychique. Ceux qui s’investiront à fond pourront même mener une romance avec une confidente de leur choix et de ce côté-là, vous avez largement le choix d’autant que les dialogues ont été soignés avec chacune d’elle en principe (par contre, évitez de toutes les draguer… vraiment, évitez !).


Vous l’aurez compris, Persona 5 est un visual novel qui fait beaucoup appel à la sensibilité du joueur ainsi qu’à son imagination et aussi sa part de fantasme. Pratiquement tous les personnages que l’on côtoie de près ou de loin ont une histoire personnelle qui vaut le détour en plus d’avoir un minimum de similitude avec la situation contrariée de notre avatar, et surtout ils ont impact aussi bien sur le gameplay du jeu et du joueur que sur l’histoire du jeu (notamment avec un certain Akechi sur qui je ne vais pas m’attarder). Ceux qui font cet effort sont hautement récompensé, et surtout constatent que le jeu se souvient inévitablement de nos aventures, des actions de notre groupe de voleurs fantômes et ça il le fait savoir par bien des éléments visuels.


D’abord le sondage du Fan-Site tenu par un de nos confidents, ou la popularité de notre groupe de voleurs fantômes de cœur évoluent selon l’histoire et surtout l’humeur du public. Ensuite par ses plans de quelques secondes sur un quartier de Tokyo comme Kichijōji ou Akihabara avec quelques bulles de dialogues révélant la pensée des citoyens de Tokyo. Ou même le fait de devoir choisir minutieusement nos activités puisque notre jeu s’étend sur une année scolaire japonais (d’avril jusqu’à mars de l’année suivante, 3 trimestres différemment réparti par rapport à chez nous) et que notre temps est parfois limité, nous imposant parfois de gérer nos moyens et nos objets comme des livres, jeux vidéo ou DVD pour améliorer nos stats.


Atlus et Katsura Hoshino, le directeur créatif derrière ce projet, ont effectué un travail d’habillage incroyable pour qu’on nous fasse croire. En développant une série de petits plats dans un grand plat afin que notre année scolaire parte du crédible jusqu’à nous donner la sensation de vivre (ou revivre) quelque chose de grand sur lequel on laissera inévitablement une empreinte quel que soit nos choix. Mais là ou le bas va inévitablement blesser, comme souvent avec les jeux vidéo faites par des studios « secondaires » ou visant un public de niche, c’est le graphisme même du jeu et de ce côté-là : c’est pas une dinguerie.


Graphiquement le jeu n’est pas non plus une laideur mais on voit rapidement qu’il est très plan-plan, profondément économe dans sa mise en scène durant les scènes de dialogues. La raison pour laquelle j’ai relevé la durée des dialogues, c’est parce qu’à côté on est très souvent sur un ou deux plans fixes dans un même décor le temps d’une scène et certaines scènes peuvent faire plusieurs minutes. Et si on n’est pas habitué au visual novel, ça ne joue pas à notre avantage et on peut facilement s’ennuyer. Surtout qu’ici, les dialogues ont parfois tendance à être redondant avec des infos déjà connus.


Sans compter qu’en plus de cela, les limites de budget sur le plan graphique se voit aussi une fois en ville. Parfois il y a des choix de designs qui sont justifiés et servent la narration (les PNJ en noir, blanc et gris représentant la masse et leurs opinions), mais pour d’autres ces limites sont très visibles : les textures sont pas hideuses mais font le strict radical, les personnages même les principaux ont l’expressivité d’une moule, le clipping dans les rues de tel ou tel quartier est alarmant à voir, les mouvements des personnages font trop mécanique durant les cinématiques avec l’esthétique du jeu (les cinématiques en animation sont propres et superbement foutus par contre, ça aucun souci) en plus d’être très limité. Même dans le Métavers et les palais, on n’est pas à l’abri de ces limites graphiques qui sont assez désolant à constater.


Cela dit les palais s’en tirent mieux grâce à leur direction artistique absolument atypique et chacun unique en leur genre. En plus d’être chacun le reflet de la représentation d’un monde selon une personne précise (on a un château pour Kamoshida, mais plus tard on pourra tout aussi bien avoir une banque, un casino ou même un Paquebot). Et le doublage japonais permet de faire vivre tout cet immense casting et de faire oublier ces problèmes graphiques, mais il faut aussi noter que le doublage anglais s’en tire tout aussi bien que la VO et dans les deux cas, à défaut d’avoir des voix françaises : le doublage est absolument excellent.


En principe je fais généralement l’éloge des doublage français qui me restent en mémoire, mais ici on va changer un peu nos habitudes. Dans un visual novel ou les moyens sont clairement plus limités pour Atlus par rapport à un Ubisoft ou à un Square Enix, je tiens vraiment à saluer la performance de tout ce casting dans les deux langues : Nana Mizuki porte superbement Ann avec son caractère étincelant et ses faiblesses personnelles quant à la situation de son amie proche, mais Erika Harlacher ne démérite nullement et retranscrit brillamment les émotions d’Ann (surtout au vu de la manière avec laquelle on peut faire évoluer sa relation, d’amitié à petite amie justement).


Robbie Daymond, la voix d’Akechi, est surtout connu pour jouer un autre personnage masqué chez Sailor Moon mais il est particulièrement doué pour jouer les deux extrêmes du personnage et ne démérite pas par rapport à Soichiro Hoshi (alias Kira Yamato dans Gundam Seed). Je pourrais aussi citer Aoi Yuuki (alias Madoka dans Puella Magi et Diane dans l’animé Seven Deadlys Sins) et son homologue américaine Erica Lindbeck tout aussi convaincante dans la peau de la nerd souffrance du traumatisme de sa mère soudainement morte. Mais je ne connais pas assez le doublage américain pour en dire beaucoup et comme j’ai souvent joué au jeu en japonais, je préfère m’en tenir à tout ce que j’ai revu en vidéo sur youtube et à mon expérience de jeu pour partager mes impressions.


Mais puisqu’on en est à parler des qualités sonores de Persona 5 Royal : la musique de Shojiro Megumo, putain ! Est-ce qu’on en parle assez de cette musique ? Mais quelle orgasme auditive, nom de Dieu !


Persona 5 OST 100 - Rivers In the Desert


Je ne sais pas quel qualificatif unique je pourrais employer pour dire à quel point je me suis familiarisé et entiché de la bande originale de Shojiro Meguro, et des performances vocales de **Texte en gras**Lyn Inaizumi tant l’ambiance musicale de ce jeu a réussit à me faire entrer dans chacune de ses ambiances. Je pense surtout aux musiques de combat et aux morceaux clés de moments phares du récit, mais rien que le fameux thème « Beneath the Mask » et ses variantes tantôt instrumentale, tantôt chanté, tantôt plus douce musicalement en accord avec la météo dans le jeu, m’a mis dans une forme de transe inconsciente dont j’ai pris conscience à partir d’un moment.


Mais ce sont surtout les thèmes des palais et des combats qui m’ont vraiment impacté à tel point que c’était difficile de ne pas se trémousser ou de se lancer dans une performance dansante endiablé tout en jouant un combat contre les ombres ou les boss. Du thème de réveil des personnages à leur Persona jusqu’à l’orgasmique « Rivers in the Desert », en passant par l’inévitable « Take Over » ou « Blooming Vilain » jusqu’aux morceaux récents crée pour l’extension de Persona 5 tel que « I Believe », la BO du jeu est l’un de mes plus gros coups de cœur musicale avec celle de NieR : Automata, Xenoblade Chronicles ou Undertale pour parler de mes expériences de jeux sur ces dernières années.


Inspirées, trippantes, émouvantes, galvanisantes, engageantes, nostalgiques, ça n’est plus un simple habillage sur la durée mais une part d’identité de Persona 5 qui aide à faire reluire le traitement de ses thématiques loin d’être bien joyeuse malgré son humour très présent et ses situations cocasses généralement très bien amené. N’oublions pas que la base du jeu, c’est une injustice et surtout l’impuissance ou l’incompétence de la société (surtout japonaise ici avec des traditions différentes de chez nous) à punir ceux qui le méritent mais échappent à la justice pour des raisons diverses et malheureusement, bien trop réelle dans notre propre monde.


Jusque là je ne me suis pas tellement attardé sur le principe même des infiltrations au sein des palais dans ce jeu. Ni sur les péripéties vécues par notre avatar dans Persona 5 : qui consiste à provoquer des « métanoïas », des sortes de choc psychique par un procédé très précis afin de pousser les mauvaises personnes à confesser leurs crimes en public afin qu’ils soient traduits en justice (ou bien à les remettre sur le droit chemin pour des cas moins extrême dans des missions secondaires). Comme Kamoshida le professeur du club de volley-ball de Shujiin, à avouer ses crimes et surtout pour éviter un renvoi injuste et qui n’aurait pas provoqué beaucoup de regret au sein de l’académie à cause de la réputation de nuisible collant à la peau de notre premier ami, Ryuji, et de notre héros.


Car au-delà de sa DA exceptionnel et de sa construction en binôme entre visual novel et RPG au tour par tour : Persona 5 Royal nous confronte aux travers d’une société tellement habitué aux travers de la justice, aux failles judiciaires et aux scandales qu’elle en devient indifférente, voire apathique quitte à délaisser son libre-arbitre pour vivre paisiblement. Dans le cas de Kamoshida : on a un prof d’EPS tyrannique mais dont les élèves sont trop terrifiés pour se confier à qui que ce soit, et dont le corps enseignant ainsi que les parents d’élèves font la politique de l’autruche quant à cela au nom de l’avenir pérenne de leurs enfants (même si ce sont ceux qui subissent les brimades voire le harcèlement sexuel du professeur), ou pour le prestige de l’académie Shuujin. Et sans la « métanoïa » et le « métavers » pour le pousser à la confession, cette situation perdurerait encore parce qu’une majorité fait passer l’intérêt personnel et l’avenir au détriment du moment présent et du bien-être de ceux qui souffrent de la situation.


Mais cette « métanoïa » peut aussi prendre la forme d’un traitement contre une phobie et un syndrome post-traumatique pour quelqu’un en faisant l’objet : c’est totalement le cas de Futaba Sakura, hackeuse agoraphobe et maladroite mais qui, au-delà de son apparence de nerd et d’otaku pur jus, a souffert de la mort de sa mère et du fait qu’une poignée d’individus mal avisés ait fait une mise en scène monstrueuse pour lui rejeter la faute, au point que la pauvre gamine a été jusqu’à croire qu’elle était la cause de sa mort. Et ce niveau mal-être, il se voit aussi bien dans la forme que le fond avec sa piaule encombré de détritus et une incapacité à faire face à autrui qu’il lui faudra, tôt ou tard, surmonter.


Le « métavers » et « la métanoïa », ce sont des réponses fictives souvent mis à contribution du jeu en effet. Mais Persona 5 ne tombe pas dans le piège d’en faire la solution à tous les problèmes, ni d’en faire une assurance pour les voleurs fantômes ou le joueur : plus d’une fois, on verra cette bande de voleur grandissant douter et se questionner même sur le sens de l’existence de leur groupe. Tantôt héros de l’ombre, tantôt vu comme des criminelles, tantôt considérés comme un effet de mode ou même une imposture, le statut du groupe est instable tout au long du jeu. Et surtout chacun a son propre combat à mener pour se reconstruire après avoir subi les affres et déboires de leur existence (souvent causé par des adultes mal intentionnés).


Ryuji, par exemple, mènera son propre combat pour éviter qu’un autre cas similaire à Kamoshida se produise dans son lycée. Futaba devra apprendre à lutter contre son agoraphobie et à gagner en autonomie en se détachant du joueur qui l’aura accompagné dans chaque étape de sa reconstruction. Yusuke Kitagawa un jeune artiste cherchera sa voie dans le monde de l’art tout en évitant de succomber au besoin financier et sans céder aux mêmes travers que son maître. Quant à Ann, elle devra soutenir son amie Shido victime de Kamoshida tout en gérant sa vie de mannequin et en essayant de construire son assurance et une confiance en elle-même sans être dépendante d’autrui.


Cette lutte personnelle, elle touchera aussi les confidents secondaires. Et qui démontre aussi que Persona 5 ne tombe pas dans le piège bête et méchant de faire de tout les adultes des crapules de première :


entre le professeur Kawakami contrainte d’avoir un second emploi pour « rembourser » la mort d’un de ses élèves auprès de parents peu scrupuleux et rancunier, Hifumi objet des rêves et désirs de sa mère quitte à truquer ses matchs de Shogi, le marchand de la boutique Airsoft Iwai qui a eu un parcours contrarié ou encore la journaliste Ohya victime d’un surmenage imposé par son boss, tous sont inexorablement liés aux problématiques soulevé par le jeu et à la lutte des cambrioleurs de cœur qui cherche avant tout à se reconstruire face à une société sombrant dans l’indifférence.


La lutte, elle se fait autant dans le métavers que dans la vie de tout les jours, et ça Atlus nous le rappelle fort bien.


Persona 5 Royal, au-delà de ses quelques soucis d’adaptation pour un nouveau venu et de ses limites de technique par rapport à un triple A, n’est pas crédule ou naïf sur son propos et sur ses questionnements (puisque dans cette édition, nos actions sont également remise en question par certains nouveaux rôles dont une certaine Kasumi Yoshizawa le temps d’un dialogue ô combien important malgré son apparence mineur).


Car comme tout bon jeu vidéo qui transcendent à mes yeux leur contenu : il apporte des éléments de réponse aux problématiques qu’ils soulèvent. En plus d’être l’un des RPG les plus cool de ce siècle (oui, vous avez bien lu) avec l’une des galerie de personnages les plus rattachables qui soit, une liberté de parcours narratif épatante, une BO de très haute volée, une écriture soigneuse et un gameplay stylé qui est progressivement enrichie sans frôler l’indigestion, le titre d’Atlus nous questionne sur notre rapport à la société et comme un certain Undertale avec sa « voie neutre », nous confronte au choix et aux conséquences de nos choix, en plus de pousser à l’interrogation sur les travers judiciaires et sociales à plus d’un titre, et pas exclusivement avec la société japonaise.


Et pour tout cela : je pense qu’avec le temps, Persona 5 Royal pourrait sans mal faire partie de mes titres préférés du jeu vidéo. En tout cas, il a marqué suffisamment de point pour faire partie de mes immenses coups de cœur vidéoludique en 2023 aux côtés d’Undertale de Toby Fox, de Portal 2 de Valve Corporation et de Zelda Tears of the Kingdom de Nintendo.

Maxime_T__Freslon
9

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Créée

le 29 oct. 2023

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