Si Final Fantasy et plus largement toutes les productions d’Enix et Square ont accaparé l’attraction du public dans les années 90, Sega a de son côté de manière plus confidentiel pourtant proposé sa vision du JRPG 16 bits.

N’allez pas croire que je suis un nostalgique de la Megadrive, cette console m'est totalement inconnue ou presque, mais je suis cependant un amateur de longue date de la série des Phantasy Star.

Découvert sur Dreamcast avec Phantasy Star Online Episode 1 & 2 et plus largement sur sa version GameCube (qui reste encore aujourd'hui un de mes jeux favoris), Phantasy Star dans sa forme originelle, c’est à dire un jeu au tour par tour et proche d’une formule comme on la connaît chez Final Fantasy, ne m’était pas familier. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir lu et entendu de nombreuses louanges à propos de la quadrilogie sur Master System et Megadrive depuis une décennie, si ce n’est plus…


Une fois n’est pas coutume et en suivant les conseils glanés à droite à gauche, j’ai simplement voulu me lancer dans le quatrième épisode de la série “End of the Millennium”. Objectivement plus jolie que ses prédécesseurs aux accents 8 bits, bien plus accessible et à la durée de vie maîtrisée, la quatrième itération de cette licence m’a accaparé pendant près de 21 heures et m’a remué au-delà des espérances.


Résumer Phantasy Star IV est relativement simple, une volonté d’aller à l’essentiel. L’aventure est linéaire avec de rares embardées et les dialogues “straight to the point” sont bien souvent plus utiles et enrichissants que simplement là pour du remplissage, comme bien trop souvent dans les JRPG.

C’est bien la première chose que j’ai appréciée avec ce Phantasy Star IV, il respecte mon temps libre et ne m’emmène pas vers une histoire tarabiscotée aux embranchements par centaine pour finir en eau de boudin le tout au bout de 80 heures.

Tout est là par nécessité et bénéficie d’une mise en scène comme je ne l’avais pas encore vu. Au revoir les sprites fixes qui se regardent dans le blanc des yeux, place à une mise en scène par cases graphiques proche de ce que l’on retrouve dans un manga.

Cela apporte un vrai dynamisme à l’histoire et permet une vraie identification aux personnages qui bien souvent dans d’autres séries ne sont réellement visibles que via les artworks dans les livrées des boîtes pour réellement avoir un aperçu de leurs designs.


En lui-même, le monde de Phantasy Star IV n’est pas extraordinaire, il est bon, mais d’un point de vue du pixel art, on a déjà vu un peu mieux sur SNES. À noter que Phantasy Star IV arrive aussi une année avant FF6 au Japon et prêt de deux avant Chrono Trigger. Dans un marché qui évoluait à toute vitesse, la sortie en 95 aux USA et en Europe paraît complètement hors propos malheureusement.

Cependant Phantasy Star IV se déroule sur plusieurs mondes et nombreuses sont les surprises au cours de l’aventure nous amenant à découvrir plusieurs planètes et lieux énigmatiques dans le système solaire d’Algo.

Les quelques fulgurances sur la fin donnent elles aussi le tournis, de par la beauté des lieux, accompagné par ce character design qui respire les productions d'animation japonaises des années 90, procurant comme une sensation de madeleine de Proust fortement agréable.


Côté mécaniques de jeu, Phantasy Star IV est à l'image du reste, rapide, puissant et sans fioritures. Les personnages sont au nombre de 11, chacun possédant leurs techniques propres et des avantages et inconvénients bien distincts. L’équipe sera bousculée de nombreuses fois au cours de l’histoire et hormis dans la toute dernière ligne droite, c’est avant tout le scénario et ses rebondissements qui conditionnent la constitution de votre équipe.

Les combats sont vite expédiés pour la plupart et il est facile à la fois de faire du grind tout comme esquiver ces derniers, même si les allergiques aux combats aléatoires risquent de pleurer des larmes de sang.

Les boss sont bien entendus de la partie et sans entrer dans une zone qui vous divulgâcherait quelques points intéressants, sachez que nombreux sont les antagonistes que vous prendrez malin plaisir à combattre avec comme toujours une mise en scène aux petits oignons.

J’ai beaucoup aimé la présentation même des combats en alignant votre équipe en bas d'écran donnant toute la latitude au reste de l'écran pour mettre en avant le bestiaire ainsi que les arrière-plans qui composent chaque zone de combat.


Mais ce qui m'a particulièrement marqué avec Phantasy Star IV, c’est la maturité et l’intérêt même du scénario, et cela, encore en 2024. Si bien entendu tant d’autres lui ont emboîté le pas sur ses 30 dernières années, End Of The Millennium derrière sa façade qui semble se couper de beaucoup d'éléments pour aller à l'essentiel, regorge pourtant de références et de détails passionnants.

En entremêlant la fantaisie et la science-fiction tout en intercalant les croyances au milieu, Phantasy Star IV aurait pu se prendre les pieds dans le tapis comme plein d’autres JRPG, mais c’est bien tout le contraire.

C’est plutôt rare que je trouve mon compte en termes de profondeur scénaristique sur les JRPG 16 bits, mais avec des sujets bien actuels comme les croyances aveugles, l’IA et la justesse de mélanger cette fantaisie d’un point de vue de ceux qui n’ont pas connaissance des sciences et des autres pour qui cela parait être juste des technologies normales donne une justesse comme je ne l’avais que peu vu sur 16bits.

On notera aussi ce côté archéologie, presque à la manière d’un Alien ou Prometheus en fouillant dans les vestiges d’un système solaire qui a vécu plusieurs millénaires agités et qui cachent en son sein une horreur apocalyptique.

Et tout ceci n’est exprimé que par l'intermédiaire de lignes de dialogues qui ne représentent pas 1/10 en termes de volume de celles présentes dans d’autres séries bien connues. La différence, c’est que du simple villageois aux protagonistes de l’équipe, chaque échange aura un intérêt pour en apprendre plus sur le monde ou faire progresser l’aventure.


Pour ce qui est des légères ombres au tableau, je citerai en premier lieu la tendance au grind sur certaines parties de l’histoire comme évoqué plus haut, mais cela ne dure généralement que peu de temps donc je ne considère pas cela comme un grand défaut.

Les musiques pour leur part manquent aussi cruellement de variété et ont tendance à faire mal au crâne au bout de plusieurs heures du fait d’une répétitivité un peu trop présente. Malgré la qualité objective des pistes et de la sonorité entraînante de la Megadrive, c’est l’un des rares points que je soulignerai inférieur à d'autres séries phares de la période.


En somme, Phantasy Star IV reste parfaitement viable aujourd'hui dans la forme comme dans le fond. Il y a même beaucoup à apprendre de ce dernier car la volonté de Sega d’abandonner la formule telle qu'elle était sur Megadrive et Master System nous donne droit à une capsule temporelle, une vision presque unique du JRPG, très dynamique avec une mise en scène incomparable pour l’époque.

Le mélange des genres donne à l’histoire ce petit plus qui efface la lassitude que l’on pourrait avoir face à d'autres propositions de jeu de rôle japonais des années 90.

J’ai adoré Phantasy Star IV et le seul regret, c’est de ne pas l'avoir découvert plus tôt ou que Sega ne se décide pas à continuer la série sous cette forme, car il y a bien de la place pour Phantasy Star Online et Phantasy Star V, mais c’est Sega l’échec fait parti de leur ADN.

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le 5 oct. 2024

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Sajuuk

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