A moins que tu sois devenu dentiste...
Editeur : Interplay
Développeur : Black Isle Studios
Type : RPG
Sortie : 2000
Sorti entre les deux Baldur's Gate, Planescape s'est fait taper sur les doigts pour sa résolution assez basse, son menu radial (sorte de prototype au look bizarrement plus fouillé que celui de Neverwinter Nights) et ses dialogues abscons et interminables si on est pas un minimum familier du multivers de ce qui était encore AD&D. Ajouter à cela une ambiance à peu près tout sauf consensuelle avec son argot bien à elle, à la croisée des chemins entre le post-apo déglingué des premiers Fallout, la Midgard de FFVII et le medfan bon-enfant de Baldur's Gate, et on obtient une oeuvre glauque, barrée, parfois malsaine mais à l'univers et à l'ambiance trop bizarres pour être mainstream. Ceci expliquant peut-être cela, le côté opaque de l'univers est peut-être ce qui lui a coûté le succès.
Car en dehors de ces aspects qui peuvent rebuter, ce jeu est une tuerie. Pour peu qu'on parvienne à rentrer dans cet univers, le monde du jeu, quoique pas particulièrement vaste, profite de toute la richesse du multivers de la licence Ad&D. Le principe est une multitude de plans d'existence, schématiquement disposés autour d'un anneau central: Sigil, la cité des portes. C'est là que commence et que ce passe l'essentiel de l'histoire. L'intro vous promène dans une morgue, où vous êtes... mort, sur un corbillard, poussé par un zombie. A la fin de la cinématique, vous vous réveillez, et dès le prologue, le clou est enfoncé au marteau piqueur pour vous faire comprendre que vous n'irez pas tuer des gobelins dans la forêt: un crâne volant sort d'une commode pour vous expliquer la vie, et ce n'est que le premier d'une galerie de personnages torturés que vous pourrez prendre dans votre équipe.
Les dialogues avec vos coéquipiers sont bien écrits, à l'occasion teintés d'humour noir, et ne sont jamais dénués de récompenses pour votre personnage. Planescape est un archétype déjà très poussé de ce qu'a ensuite fait Bioware dans Jade Empire et autres Mass Effect. A ce propos, pour une fois dans un jeu de ce genre, le charisme, l'intelligence et la sagesse sont extrêmement utiles pour débloquer les options de dialogues les plus intéressants. A noter également que si l'on commence guerrier par défaut, il est possible d'apprendre les métiers de voleurs et de magiciens, d'en changer à loisir. Toutefois, étant donné l'énorme soin prodigué aux sorts, la plus intéressantes reste celle de magicien, car certains sorts ne pourront être appris que par vous et vous seul; les effets sont flashy façon Icewind Dale, mais en plus soigné et spectaculaires, les plus puissants sont en cinématique, bref, un régal pour l'époque.
Au cours des combats, vous serez également amenés à utiliser de nombreux objets. Ici, point de potion: tout a été pensé dans l'ambiance générale du titre, et on utilise des queues de rat, des mouches, des gouttes de sang, etc. Tout revient au vaguement malsain, et l'intrigue tourne énormément autour de ce qui fait l'homme, à travers l'amnésie du héros, les atrocités qu'il a pu commettre et les réactions des gens, le glauque dans le relationnel au zombie et au mort-vivant en général. Lorsqu'on en arrive au milieu de l'intrigue, après être parvenu à quitter Sigil, une question est posée par une vieille sorcière, la question centrale du jeu, aussi forte que la thématique portée par le deuxième mot du titre: Torment.
Les relations entre les personnages, y compris le votre, tournent autour de cette idée, mais ce n'est qu'en fouillant que vous vous apercevrez de la richesse qu'elle sous-tend. Les quêtes annexes sont très nombreuses et pas toujours évidentes à dénicher où à résoudre, en particulier pour les factions: disséminées dans la ville, vous ne pouvez faire partie que d'une seule à la fois, et elles réagiront à l'occasion sur votre alignement, que vous ne choisissez pas au départ, mais que vous construisez par vos actions, à la manière d'un Fallout 2.
Une histoire inhabituelle, un univers fort, des personnages tourmentés bien campés, un gameplay classique mais efficace, une bonne musique bien bizarre, bref, un chef-d'oeuvre.