Lion d'or

Je n'aime pas les animaux et ils me le rendent bien : cela fait des mois que dame nature, réincarnée en pigeons malveillants, vient chier sur le rebord de ma fenêtre en roucoulant de plaisir sadique. Malgré une récente tentative de réconciliation achevée en eau de boudin, j'ai pas lâché l'affaire. Oui, gagner des ronds en enfermant des animaux dans des cages au beau milieu de la savane allait forcément amener quelques rayons de soleil au beau milieu de ce mois de décembre morose et plus fienteux que jamais. C'est donc la fleur au fusil que j'ai claqué mon budget détergent 2020 sur ce Planet zoo prometteur.

En vrai je savais pas trop à quoi à m'attendre, n'ayant pas touché à Planetcoaster ni à Jurassic World. Et ben au niveau de la prise en main j'ai été particulièrement étonné. Un jeu de zoo je pensais que ça s'adressait plus à Corentin 8 ans qu'aux vieux geeks chelou comme moi. Ouais bah Corentin il va vite déchanter quand il va lancer le bordel et se rendre compte que c'est pas fait pour les petits branleurs qui préfèrent jouer à fortnite plutôt que faire leurs devoirs de CM1. Nan, franchement, on a là un vrai putain de jeu de gestion, bien plus complexe que ce à quoi je m'attendais. C'est pas que c'est spécialement difficile hein, mais ya vraiment des trucs à gérer dans tous les sens et c'est un sacré bordel au premier abord : des curseurs et des barres de satisfaction sur tel ou tel trucs on va en bouffer. Par contre c'est beau putain. Les animations des animaux sont hyper travaillées et faut reconnaître que le boulot accompli est impressionnant. Heureusement qu'ils ont pas implanté les volatiles sinon j'aurai fait des cauchemars à base de pigeons à n'en plus finir.

Bon globalement ya pas dire, on est sur un excellent jeu de gestion. Je reviens pas sur les besoins des animaux et visiteurs on est sur du classique à la Zoo Tycoon en plus poussé. La quantité de bestioles est déjà très honorable et toutes ont eu droit à un grand soin pour donner des animations bluffantes. La "zoopédie" comme ils appellent ça se débloque progressivement en faisant des recherches, et ça m'a appris plein de trucs. Genre les males alpha dominants c'est la norme dans le règne animal par exemple. Ça m'a donné sur un plateau tout un argumentaire royalement ficelé pour discuter féminisme avec ma moitié. Rien que pour ça je regrette pas l'achat. Dans le jeu ça a une conséquence importante : pour les 3/4 des espèces on ne pourra garder qu'un seul mâle adulte à la fois dans l'enclos sinon ils se défoncent la gueule. Ce qui veut dire qu'il va falloir refourguer des tas de poils à n'en plus finir quand ils deviennent adultes pour acquérir des "crédits de conservation" qui nous permettront d'acquérir les espèces les plus rares et souvent les plus cools. J'ai vite intégré le concept : un seul grand enclos "savane" au départ dans lequel j'ai mis des phacochères et des zèbres est très rapidement devenu une usine à fric (à "crédit de conservation" pour faire écoresponsable) tant les machins se reproduisent comme des lapins. Une telle manière d'appliquer le capitalisme débridé au trafic de boules de poils, ça m'a tout de suite plu.

Pour le reste on construit nos petits stands, on prend plaisir à bichonner nos tas de poils, on engage du personnel pour gérer tout ça, on leur construit des salles pour qu'ils puissent bosser sans faire grève. Une fois qu'on est plein aux as on se dit qu'on va faire les choses bien, choper les bestiaux avec les meilleures caractéristiques. Car oui, parmi les multiples détails pris en compte, chaque individu a ses gènes de fertilité, taille, immunité aux maladies etc. qu'il va refourguer à sa progéniture. Sachant que la consanguinité favorisera l'infertilité et la vulnérabilité aux maladies, on essayera de renouveler les stocks de mâles dominants de temps à autres. Bref, tout roule, j'ai l'impression de faire de l'import/export de (bio)masse qui fait graou, je kiffe grave.

Bon, évidemment tout n'est pas parfait et ya quelques trucs qui font tâche. En fait le plus complexe, c'est pas la partie gestion en soit, puisqu'il y a beau y avoir des tonnes de trucs à gérer dans tous les sens, pour que le zoo parte en cacahuète une fois bien lancé il faut quand même vraiment envoyer. A part au début où le budget est serré. Nan, la vraie difficulté c'est d’appréhender ces putains d'outils de construction. Alors attention hein, les possibilités sont absolument monumentales. Mais ils ont réussi à nous pondre un machin inutilement complexe et franchement pas ergonomique pour un sous. La construction des allées c'est un vrai délire : pour faire une petite place il faut faire 40 000 clics à base de "sélectionner la grille"/je sélectionne l'allée qui va me servir de référentiel/je pose tant bien que mal mes 3 bouts d'allées en rond autour (souvent ça marche pas et on sait pas pourquoi)/ je fais "désélectionner la grille"/je refais "sélectionner la grille"/je sélectionne le carrée d'allée 3m plus loin/etc... Au bout d'une demi-heure j'ai une place de 50m² avec ses 3 stands de bouffe et de sodas dégueulasses. Alors oui on peut aussi cliquer aléatoirement pour poser ses allées plus ou moins en rond en espérant que ça marche, mais y aura plein de trous moches au milieu. C'est totalement exaspérant et surtout je comprends pas l’intérêt. On dirait un logiciel du taf en encore plus mal foutu. Pour tout le reste, si l'on s'en tient à des choses assez basique (genre poser des stands ou façonner basiquement ses enclos) c'est globalement beaucoup plus simple heureusement. Pour les motivés il y a la possibilité de TOUT construire soit même de A à Z : des stands aux abris pour animaux aux bâtiments du personnel... Je me répète, si c'est votre kiff le potentiel est gigantesque, mais il faudra se battre avec ce mode de construction particulièrement laborieux. J'imagine qu'après quelques temps (dizaines d'heures ?) à farfouiller tout ça on finit par s'y faire mais j'ai fui cette partie du jeu comme la peste, j'ai peut être du temps à perdre mais je suis pas au chômage non plus moi hein. On pourra aussi gueuler sur plein de petits détails qui, espérons le, seront en partie corrigés avec les futurs patchs. En vrac : les 40 clics à faire pour accéder à certaines infos, la liste d'animaux sans le moindre filtre qui n'est même pas classée par ordre alphabétique dans le marché aux puces, les tonnes d'avertissements qui nous popent à la gueule frénétiquement dès qu'on a plus de 3 enclos parce que Biscotte et Pipette vont s'écharper pour le statut de mâle alpha, quelques retours windows embarrassants... Et aussi cette "campagne" loin d'être passionnante même si dans ce genre de jeu c'est pas le plus important.

Nan par contre, en plus du bordel pour la construction (notamment des allées si vous avez bien suivi) ya un deuxième gros défaut dans ce jeu que je suis obligé de mentionner. On est la tête dans le guidon, on fait plein d'enclos, notre zoo s’agrandit, on jouit quand on revend notre premier tigre à 1000 boules... Et puis dès qu'on passe un certain nombre de visiteurs dans le zoo ça se met à ramer. Mais ramer genre comme un discours de la chargée de comm' de Monsanto sur l'écologie hein. Ca dépend essentiellement du CPU d'après ce que j'ai pu voir, donc ça a commencé à bien ralentir vers 4500/5000 visiteurs pour moi. Même avec une machine de guerre vous pourrez certes espérer monter un peu plus haut mais n'espérez pas jouer confortablement au dessus de 6/7000. Pour donner un ordre d'idée, à 5000 visiteurs j'avais en gros 1/3 des espèces dispos dans mon zoo, autrement dit un truc grand mais pas non plus gigantesque. Alors il y a bien une option pour limiter le nombre de visiteurs simultanés dans le zoo mais si vous continuez à vous agrandir les recettes apportées par les visiteurs seront bien vite insuffisantes pour combler le gouffre financier lié aux frais de fonctionnement (bouffe pour les animaux/salaires, etc.). Ce qui veut dire qu'il est aujourd'hui impossible de compléter tout un zoo en dehors du mode bac à sable où l'argent est désactivé, et où tout paraitra de toute façon bien vide sans une quantité de visiteurs proportionnelle à la taille de votre parc à tas de poils. Voilà donc un défaut loin d'être négligeable, qui me semble être difficile à régler par un simple patch, et qui fait clairement perdre 1 point à la note que je lui attribue. Oui, sinon j'aurais mis 9, j'aime bien râler mais c'est un putain de jeu.

D'ailleurs il m'a tellement plu que j'ai intégré quelques uns de ses concepts. Par exemple, j'envisage très sérieusement de fabriquer des produits bio-écoresponsables hors de prix à base de fientes de volatiles "élevés en plein air" pour les revendre sur le marché du coin. Ca y est, je ne vois plus la nature en ville comme une menace répugnante mais comme une opportunité. Je crois qu'en plus de ses qualités vidéoludiques, Planet Zoo œuvre plus que jamais pour le bien commun.

Bref: Planet zoo est un jeu au gameplay bien plus mature et exigeant que ce à quoi je m'attendais. Alors on n'est pas non plus devant un truc imbitable mais je ne peux m’empêcher de penser au nombre de bambins qui ont dû déchanter quand il l'ont lancé après l'avoir reçu sous le sapin. En dépit de quelques petits bugs et autres défauts d'ergonomie

ou d'optimisation on a là une version infiniment plus complète et jouissive que les antiques Zoo Tycoon, qui vient combler haut la main le vide inexplicable qui s'éternisait sur ce créneau depuis plus d'une décennie. Malgré une politique de DLC qui s'annonce au mieux discutable (10 balles les 4 animaux recyclés ils sont sérieux ?), les types de chez Frontier ont fait bien plus que le minimum syndical en apportant une vraie profondeur de gameplay à un concept qui n'en avait pas besoin pour se vendre comme des petits pains. Bref, Planet Zoo c'est pas juste un simulateur de boules de poils qui font graou, c'est surtout et avant tout un excellent jeu de gestion.