Ce que devrait toujours être une suite
(Il peut y avoir quelques spoils très mineurs sur le scénario du jeu dans ce texte.)
La campagne solo est magistrale...
Du point de vue de la narration, tout d'abord. Dès le départ, sans savoir où on se trouve, qui on est, ni ce qu'on « veut » faire, on se laisse embarquer dans l'aventure avec enthousiasme, comme dans un bon film. De l'apparition de Wheatley aux retrouvailles avec GLaDOS, en passant par les dialogues avec l'un et l'autre au gré des salles de test, on en apprend plus sur qui on est (Chell) et sur les évènements qui bouleversent la stabilité des laboratoires Aperture. Mais la première partie de l'aventure n'est rien à côté de la chute après le combat contre GLaDOS, de la découverte des premiers locaux historiques d'Aperture, des voix préenregistrées de Cave Jonhson et des affiches placardées au gré des bureaux. L'univers s'offre alors une toute autre profondeur à mesure qu'on en apprend plus sur les origines d'Aperture et sur les prémices du développement des portails. Tout cela est évidemment sublimé par les habituels recoins cachés et les tags muraux disséminés au fur et à mesure du parcours qui avaient déjà fait le succès et l'ambiance de Portal.
Là où Portal avait mis en place une ambiance presque angoissante, jouant sur la solitude, la claustrophobie, la folie et un humour terriblement vicelard, Portal 2 a gardé tout cela et en a relevé la saveur avec une histoire, un contexte et de véritables enjeux.
Du point de vue du gameplay, ensuite, vient le second émerveillement. On pouvait craindre un appauvrissement et une baisse du challenge en se privant des puzzles nécessitant des réflexes (on devait souvent poser plusieurs portails en plein vol dans Portal – aspect qui aurait été bien difficile à intégrer sur les versions console sans souris), mais le jeu s'est rattrapé sur la richesse complexe de sa logique et les multiples nouvelles utilisations possibles des portails. Catapultes, ponts, tunnels, gels aux effets variés, cubes prismatiques, cubes sans bords... Autant de moyens pour multiplier les combinaisons possibles dans l'élaboration des salles de test.
On ne reste donc plus bloqué longtemps dans une salle à cause de mauvais réflexes mais on peut tâtonner, essayer, regarder, étudier, et repartir fier de soi une fois le test terminé (il n'y a bien qu'un humain pour être fier de réussir un test conçu pour être réussi...).
Ma préférence va tout de même à la seconde partie du jeu, aux tests « humains » d'Aperture, ou aux séquences « hors parcours officiel » de la première partie. Même si ce n'est qu'une illusion (et c'est là la force de cette narration grandiose dont je parlais), on a plus l'impression de se débrouiller avec les moyens du bord, avançant et reculant pour profiter de l'environnement croisé précédemment qu'à l'intérieur des salles de test où l'on se sait confiné dans les limites imposées par l'IA au contrôle.
Du point de vue des décors, également. On retrouve l'aspect propre, hermétique et bien entretenue des salles de test déjà croisées dans Portal, et c'est un réel plaisir, mais on en croise aussi des versions délabrées, tour à tour investies par la végétation ou en train de se désagréger. Chaque étage du laboratoire possède sa propre ambiance, sa propre disposition... Le level design est vraiment riche, on voit du pays (et même un peu plus lors du combat final).
Du point de vue de la durée de vie, enfin, les 8 heures annoncées et confirmées à l'usage me semblent parfaites pour une campagne solo. Juste ce qu'il faut pour développer la profondeur de l'histoire du jeu (et celle des locaux d'Aperture Science), se sentir impliqué dans celle-ci, mettre en place les différentes mécaniques de puzzles (qui sont introduits un à un, avec logique, humour et cohérence) et parvenir à les maîtriser. Arrivé à la fin, pas de frustration, juste le sentiment du plaisir accompli (et l'envie de se lancer dans la campagne coop, et l'envie d'acheter des DLC dès qu'ils sortiront !).
La campagne coop, parlons-en...
On retrouve toutes les qualités de la campagne solo, avec quelques ajustements. Côté histoire, les tenants et aboutissants semblent bien moindres la majorité du temps puisqu'on contrôle ici des robots créés spécifiquement pour les tests de GLaDOS, mais on découvre à chaque fin de niveau qu'elle se sert de nous pour un but un peu plus mystérieux que ça (quoi qu'on s'en moque, on est des robots), jusqu'à la révélation finale. L'humour, à mon sens, est à son paroxysme ici, GLaDOS n'en loupe pas une et a toujours le mot pour rire aux dépends de l'humanité, tandis que les robots qu'on joue ne tardent pas à en rajouter des couches.
Pas de surprises du côté du Level Design, on traverse peu ou prou le même type de décors que dans la campagne solo, globalement dans le même ordre.
Par contre, c'est dans le gameplay que ce mode coop s'illustre réellement. Si les mécanismes de jeu son strictement les mêmes qu'en solo, le fait de devoir jongler avec 4 portails au lieu de 2 et de devoir transporter à chaque fois les deux robots d'un point A à un point B relève nettement la complexité de certaines salles (il va de soi que les salles sont totalement différentes de celles du solo et qu'elles sont prévues spécifiquement pour une progression en coopération). On doit vraiment avancer pas à pas, faire confiance à son partenaire, attendre la même chose de lui. Et pour cela, Valve a mis les petits pots dans les grands en confiant aux joueurs des outils dignes de ce nom : possibilité de cibler facilement une zone pour demander à son compagnon de la regarder, d'y placer un portail, de s'y déplacer, possibilité de lancer un compte à rebours pour les actions coordonnées, possibilité de voir par les yeux de l'autre robot pour mieux visualiser une salle...
On doit donc interagir avec les différents mécanismes classiques du gameplay mais aussi parfois directement entre robot, mettant à certains moments notre logique à rude épreuve (on est tellement conditionné à mettre en place une réaction en chaine complexe que la simplicité nous échappe).
La durée de vie est la même que celle de la campagne solo : 8 heures. Ce qui est amplement suffisant pour un jeu qui nécessite en permanence la présence de son partenaire, ce qui peut freiner la progression pour les joueurs occasionnels (j'ai dû taper des pieds pour pouvoir finir vite cette campagne).
Au bout du compte, Portal 2 est une de mes meilleures expériences vidéo-ludiques. Si Portal était une bonne surprise, sa suite concrétise toutes ses bonnes idées, en rajoute de nouvelles et se place dans la catégorie si sélective des jeux qui s'offrent les moyens de leurs ambitions.
Ce jeu est un véritable bijou, je le recommande à tout le monde. Il FAUT y jouer.