« L’oiseau ! Tuez-le ! C’est un démon ! »
Sur Portal 2, tout a probablement déjà été écrit. Sa drôlerie, l’inventivité de ses mécanismes ou encore sa narration étonnante sont globalement saluées. Revenir dessus avec plusieurs années de retard (trois ans et demi quand même) n’a donc pas beaucoup de sens. Pourtant, après l’avoir refait cette semaine, il me vient à l’esprit que je pourrais bien avoir envie d’en parler, moi aussi. Pour le plaisir.
Ce jeu, c’est d’abord des locaux à perte de vue. Tous vides, souvent immenses. Leur fonction ? Tester. Un laboratoire démesuré. Contrairement au Portal premier du nom, l’endroit périclite. Malgré son ancienneté pourtant, tout y fonctionne plutôt bien. A commencer par le maître des lieux, une intelligence artificielle presque omnisciente qui ne cesse de vous insulter mesquinement. GladOS, qu’elle s’appelle, et elle ne vous aime pas. Pire : elle se souvient de vous. Vous l’avez tuée, naguère, et elle ne vous le pardonnera pas de sitôt. Heureusement, cette fois, vous avez un allié : Wheatley. Il est un peu envahissant, un peu maladroit, mais son aide est précieuse et il est inoffensif. Quant à savoir qui vous êtes, c’est une autre histoire. A travers les portails que vous ouvrez un peu partout pour vous glisser un chemin dans ces lieux déshumanisés, vous arrivez parfois à vous apercevoir. Mais encore ? Ni identité, ni idée de ce que vous faites là. Seuls des messages pré-enregistrés vous suggèrent que la possibilité d’une voix humaine n’est pas sortie de votre imagination. Alors vous passez de test en test. Comme un rat.
Au fil de votre progression, vous prenez la mesure de l’énormité des lieux que vous tentez d’échapper. C’en serait presque grotesque. Cette espèce d’agglomérat de salles ressemble à une expérience qui aurait échappé à ses concepteurs. Qui a construit cette chose ? De vieilles inscriptions font remonter l’existence des plus anciens locaux aux années cinquante. Votre escapade vous a emmené dans les entrailles du monstre, là où tout semble avoir commencé. Pour éventuellement en voir un jour le bout, vous ouvrez des portails, activez des pompes, trimballez des cubes, bondissez et jouez avec la gravité à travers des salles immenses éclairées par dieu sait quelle source d’énergie. Et vous avancez inexorablement vers le monde extérieur. A condition qu’il reste un monde extérieur à contempler.
Le joueur, lui, se creuse la tête et rigole tant qu’il peut, tant cet endroit semble avoir complètement sombré dans la démence. Au rire succède la contemplation. Puis la réflexion. Puis le rire encore. Et puis le malaise lorsqu’un processus inexorable en vient à vous faire ressentir de la pitié pour d’horribles chimères robotiques. Elles ne sont que tôle et circuits imprimés, mais impossible de se départir de l’affreuse sensation qu’elles vous supplient d’achever leur abominable existence, fruit de l’esprit dégénéré d’une IA stupide et ivre de puissance. L’ironie de la situation vous oblige à les utiliser pour activer des mécanismes. Froidement. Votre survie en dépend, qu’importent leurs crissements suppliants. Vous ne pouvez même pas les aider, vous n’avez pas d’arme. Juste un générateur de portails, ô merveille technologique. Comment ne pas vous sentir un peu responsable ?