2035, station spatiale Talos 1. Au rapport.
Retour dans le passé, suite à la tentative d'assassinat manquée sur JFK, le Macron de l'époque (humour, je précise) décide de s'investir plus que de raison dans la recherche spatiale, soutenu par d'autres nations.
Cette sympathique uchronie nous mène donc jusqu'en 2035, l'aboutissement de plusieurs décennies de recherches intensives est concrétisé par cette station orbitale, vitrine technologique d'une époque pleine de rêves et décrite comme huitième merveille du monde.
Dans ce monde fantasmé, nous incarnons Morgan(e) Yu, scientifique qui travaille visiblement en binôme avec son frère Alex. Les esprits les plus brillants, attirés par le prestige de Talos 1 sont conviés à participer aux recherches sur le comportement humain, du moins en apparence...
Evidemment ce joli petit projet foire bien comme il faut, les expérimentations menées à bord de la station ouvre la porte à un danger inconnu et mortel : les Typhons.
Et c'est là que tout commence, avant d'obtenir des réponses sur ce passé flou pour notre héros, il va falloir survivre.
Alors qu'on aurait pu s'attendre à un shooter classique, se résumant à éliminer sans réfléchir la moindre chose qui bouge, Prey se distingue assez rapidement.
En même temps, on est chez Arkane, les papas de Dishonored, la liberté d'action laissée aux joueurs est un véritable leitmotiv pour ce studio.
Mais un doute aurait pu subsister, est-ce qu'une telle place accordée à l'instinct du joueur est-il compatible avec le concept du jeu, à savoir un "survival/action" game jouant sur la paranoïa ? Spoiler alert : tout à fait.
Une fois passée la première zone qui fait office de tuto déguisé, les possibilités se démultiplient très rapidement. Le combo coup de canon Glue (idée absolument géniale, j'y reviendrai) + coup de clé à molette laisse vite la place à d'autres approches. On peut d'ailleurs souligner que l'héritage de l'école Looking Glass (System Shock puis Bioshock) est parfaitement assumé, jusqu'à même s'approcher d'un reboot à moitié camouflé.
Pour en revenir aux possibilités, Arkane Studios ne se renie pas, et continue de faire dans l'immersive sim. Il y a souvent des situations types dans les jeux, pour ne pas dire une boucle de gameplay qui se répète la majeure partie du temps, sans vraiment chercher à se renouveler.
Dans Prey, c'est tout l'inverse. On arrive dans une pièce, on sait qu'il y aura des ennemis à se farcir (ou peut être pas), le reste c'est à nous de jouer.
Même si, pour être honnête, l'équilibre entre le stealth et l'action est beaucoup moins présent par rapport à un Dishonored par exemple. Très souvent, le combat est quand même inévitable, à moins d'être un Sam Fisher en herbe.
Le parti-prix du jeu est clairement orienté action, mais elle a au moins le mérite d'être libre. On nous encourage vivement à imaginer moult embuscades afin d'échapper à un destin funeste.
Détourner des tourelles de sécurité (coucou Bioshock, acte 23), lancer un leurre en face, attendre que les ennemis arrivent comme par hasard à côté d'une bonbonne de gaz, et profiter du spectacle en étant posté en hauteur grâce à une plateforme de fortune.
Ce genre de montage se compte par dizaine, tant l'arsenal est varié. Et si ça ne suffisait pas, les pouvoirs Typhon viennent se greffer à la liste de possibilités, histoire que la fête soit complète.
Entre le bouclier, les attaques psychiques, l'attaque de zone enflammée et bien plus, l'éventail ne fait que s'agrandir au fur et à mesure.
Le plus grisant et drôle reste le pouvoir du mimic : c'est-à-dire prendre la forme d'à peu près n'importe quel objet, au hasard une godasse ou un mug, la masse dudit objet faisant même parti du gameplay.
Exemple simple, la porte d'un bureau de sécurité est verrouillée, un code ou une carte d'accès est nécessaire, mais une petite interstice dans la vitre est visible. Défi relevé, suffit de trouver le moindre petit objet qui traîne (ou jeter un item de notre inventaire), prendre son apparence, et se glisser par l'ouverture pour mieux réapparaître derrière.
L'exécution est immédiate, et nous donne un sentiment d'accomplissement assez grisant. Cette science chez Arkane de faire croire aux joueurs qu'il a été plus malin que le jeu, alors que les différentes combinaisons sont méticuleusement pensées en amont est vraiment fascinante.
On en revient au canon Glue, trouvaille superbe dont la première utilisation est de "geler" les ennemis sur place pendant un court laps de temps, ou encore de colmater les fuites de gaz ou électriques.
Dans les faits, on s'en sert le plus souvent pour se créer des plateformes de fortune sur les murs, nous permettant d'accéder à des zones qu'on croyait inaccessibles.
L'autre gros point fort de Prey, c'est sa capacité à nous immerger dans son monde, et surtout la cohérence de ses environnements. La direction artistique est admirable, sorte de mix entre l'art déco de Bioshock en mode rétro futuriste, teintée par des inspirations cinématographiques, tel Alien, The Thing ou Total Recall.
Comme souvent dans ces jeux, l'immersion visuelle se fait principalement qu'à travers la DA, malheureusement le technique reste en retrait, faute à des textures inégales et un petit manque d'occlusion ambiante (au moins le jeu tourne très bien sur PC, sauf dans une zone, fucking réacteur)
Pas très grave, ça reste selon moi très convenable, d'autant plus que l'ambiance sonore et les thèmes atmosphériques de Mick Gordon accompagnent toujours l'action à merveille, comme pour cette inoubliable première sortie dans l'espace.
Prey fait véritablement parti des jeux qui poussent la curiosité du joueur à son maximum, malgré son atmosphère anxiogène et le fait que le moindre ennemi puisse sortir de nul part. Paradoxalement, de la peur naît une sorte de fascination pour cette station, sa narration environnementale pétrie de moments de vie disséminés un peu partout.
C'est peut être bête, mais pouvoir admirer cette gigantesque ancienne utopie scientifique dans son intégralité lors de nos sorties dans l'espace, ça renforce encore plus le sentiment d'explorer un véritable ex-lieu de vie.
Après avoir eu de très gros doutes sur la jouabilité du titre après cette infâme démo PS4 (je pèse mes mots, ne la téléchargez pas), me voilà vraiment conquis.
Prey se pose en héritier total de SystemShock, en plus accessible, combiné à l'esprit artistique de Bioshock, mais pas que.
Prey aurait pu se laisser dévorer par ses inspirations, devenir une pale copie dénouée d'originalité, c'est tout l'inverse. Plus qu'un hommage, le jeu intrigue au départ, ce qui est déjà pas mal, mais l'admiration ressentie pendant certains moments de jeu est indéniable.
L'obsession d'Arkane de rendre son monde le plus cohérent possible, via un background malin et une science du game design inégalée actuellement, c'est vraiment ça qui force la fascination pour ce jeu.
Prey réussit donc totalement son pari, se posant comme un excellent jeu d'une richesse assez folle. Sa plus grande qualité, c'est peut être de laisser croire à un joueur moyen qu'il est plus malin que le jeu. Qu'il ait la sensation de "gruger" un magicien qui aurait déjà prévu la moindre de ses expérimentations, tout en le laissant dans cette illusion de contrôle absolu.
Bref, je ne peux que recommander ce jeu que j'attendais particulièrement, et après 25h passées à me méfier de la moindre connerie qui traîne, je peux affirmer qu'Arkane s'est vraiment pas foutu de moi.
Je termine avec un seul conseil : méfiez vous des rouleaux de PQ.