Avez-vous déjà entendu parler de Puzzle and Dragons ? Probablement jamais. Pourtant, au Japon, l’application mobile disponible sur iOS ou Android est en passe de devenir un véritable phénomène de société, capitalisant en ce début d’année 2015 un nombre total de téléchargements avoisinant les 41 millions dont 32 millions sur l’archipel. Derrière ce succès, on trouve GungHo, entreprise créée en 1998 sous le nom ONSale, qui a débuté son activité dans le secteur des enchères en ligne, avant de passer à l’hébergement de serveurs de jeux en ligne notamment pour Ragnarok Online, avant de finalement se lancer dans le développement de jeux qui n’auront pas brillé par leur succès. Il faudra ainsi attendre le 20 février 2012 pour voir débarquer au Japon leur titre phare, Puzzle and Dragons, les propulsant à lui seul aux côtés des grands noms du marché vidéo-ludique, et leur assurant notamment 91% de leurs 1.6 milliards de dollars de chiffre d'affaire en 2013, leur permettant même de racheter cette même année Grasshopper Manufacture, le studio de Suda51 à l’origine de titres tels que Killer7 ou No More Heroes.

Pourtant, cette poule aux œufs d’or n’invente pas un genre comme avait pu le faire dernièrement le désormais célèbre Minecraft. En effet, le jeu reprend au premier abord les mécaniques des puzzle-games dits « match 3 » tels que Bejeweled ou autres Candy Crush, demandant comme son nom l’indique de réunir au moins 3 billes de la même couleur sur un plateau afin de les faire disparaître et d’éventuellement déclencher des combos grâce aux chutes de billes. Cependant, là où Candy Crush ne base son succès que sur sa connectivité, incitant les joueurs à harceler leurs contacts Facebook de notifications afin de continuer leur partie, et sur son enrobage sucré cachant en réalité une repompe sans génie (autre que commercial) du gameplay de ses aînés, Puzzle & Dragons bouscule les mécaniques de gameplay instaurées par Shariki en 1994 et ose même le mélange des genres. Par exemple, au lieu d’imposer un système de jeu rigide n’autorisant le déplacement des billes que d’une case à la fois, le jeu préfère s’orienter vers un gameplay plus fluide et dynamique en permettant de déplacer sa bille sur tout le plateau dans la limite de temps impartie, décalant ainsi les billes rencontrées sur son chemin et offrant alors l’opportunité de réaliser des combos à foison. Néanmoins, ce n’est pas par cette fonctionnalité, somme toute sympathique mais loin d’être révolutionnaire, que le jeu se démarque de ses concurrents, mais bien par la dimension RPG qu’il implémente d’une bien belle manière au jeu de réflexion déjà vu et revu depuis une vingtaine d’années.


Dungeons & Puzzle & Dragons

Le jeu s’articule autour de nombreux donjons à visiter, chacun étant composé d’un certain nombre d’étages, eux-mêmes constitués d’un groupe d’un ou plusieurs ennemis. Pour avancer dans ces donjons, il faudra réunir au minimum 3 orbes d’une même couleur, ou plutôt ici du même élément (feu, plante, eau, lumière, ténèbres, et cœur ce dernier servant à récupérer les HP perdus), afin de lancer une attaque de cet élément sur l’équipe adverse et ainsi la décimer avant que le décompte de tours des monstres qui la composent n’arrive à 0 et qu’ils ne passent eux aussi à l’offensive. Seulement, pour lancer cette attaque, il faudra avoir un monstre de cet élément dans son équipe, et c’est bien là tout le sel de ce gameplay et ce qui le rend également bien plus profond qu’on ne pourrait l’imaginer à première vue. En effet, vous devrez composer votre équipe de 5 monstres (+1 emprunté le temps d’un donjon à un ami) dont un chef qui octroiera à l’équipe divers bonus. Ainsi, même si au départ on se contentera de se focaliser sur les détails les plus grossiers tels que l’élément du monstre, ou ses trois statistiques principales (HP, Attaque, Régénération), par la suite, il faudra veiller à construire son équipe autour d’une véritable synergie où chaque monstre profitera à l’équipe à sa manière via ses différentes capacités passives ou actives (par exemple, une équipe centrée autour de l’élément ténèbres où chaque monstre pourra transformer les orbes dans son élément de prédilection). La gestion des monstres rappelant fortement Pokémon est ainsi une part très importante du jeu, puisqu’une fois le monstre obtenu au hasard d’une expédition dans un donjon, il faudra alors le nourrir à l’aide des autres monstres récoltés pour le faire monter en niveau, voire même le faire évoluer, parfois en devant choisir entre plusieurs évolutions différentes. C’est bien simple, le bestiaire proposé est tout bonnement gargantuesque, proposant pas moins de 1809 monstres en ce mois de janvier 2015, monstres puisant leurs inspirations dans les différentes mythologies de par le monde. On se retrouve donc à devoir composer avec des slimes, des chevaliers, des dragons, avec des dieux de la religion égyptienne, chinoise, japonaise, voire même des collaborations avec des licences connues telles que Evangelion, Batman, Angry Birds, chaque monstre étant représenté par un artwork à l'esthétique typée manga qui ne plaira probablement pas aux plus réfractaires, mais qui est en général d’excellente facture. Cela fait ainsi autant de combinaisons d’équipes possibles, donnant au jeu un aspect stratégique dans la macro gestion vraiment très appréciable. Cependant, avoir les meilleurs monstres qui porteront votre équipe au sommet n’est pas si simple…


Free to pay… or not !

En effet, de par sa nature de free to play, Puzzle&Dragons fait la part belle aux achats in-app. Il sera ainsi possible d’acheter avec votre argent réel des « Magic Stones », monnaie multitâches pouvant servir aussi bien de continue en cas de game over dans un donjon, de recharger sa jauge d’endurance (consommée à chaque entrée dans un donjon et rechargée avec le temps), que d’agrandir sa boite à monstres afin de stocker encore plus de bestioles en tout genre. Mais l’utilité la plus jouissive de ces pierres est de pouvoir participer, en échange de 5 de ces dernières, à une machine à sous vous offrant un œuf de ce qui pourrait bien devenir l’un des piliers de votre équipe, le tout dans l’expectation de bien obtenir le monstre rare tant attendu (et bien sûr, exclusif à cette machine) et non sur un monstre bien plus banal. De là à dire que GungHo a essayé de retranscrire les sensations (voire l’addiction) que l’on peut ressentir face à une machine de casino, il n’y a qu’un pas, que l’on peut aisément franchir tant la joie est grande une fois venu le moment du « jackpot ». D’ailleurs, même les bruitages récompensant votre performance lors de la réalisation d’un gros combo dans un donjon semblent tout droit tirés d’une machine à sous. Alors Puzzle&Dragons serait-il un vulgaire pay to win qui finira par exprimer sur la durée au joueur économe qu’il n’est pas le bienvenu ? Eh bien pas vraiment… pas du tout même, puisqu’il faut bien reconnaître que GungHo se montre plutôt généreux en la matière. Vous vous retrouverez donc bien souvent avec des mails journaliers vous offrant notamment des magic stones pour tel ou tel évènement, une façon de s’assurer que le joueur aura bien une raison de se connecter chaque jour pour récupérer sa récompense quotidienne. Un conditionnement très pavlovien qui est appuyé par la présence de donjons limités dans le temps, présents parfois deux semaines pour certains, une journée pour d’autres, assurant ainsi un contenu énorme, même une fois les donjons principaux terminés (ce qui ne sera déjà pas une mince affaire !). Ainsi, il sera parfaitement possible (et même conseillé vu les prix pratiqués dans la boutique…) de jouer et prendre plaisir sans même avoir à verser un denier à condition bien sûr d'avoir la patience nécessaire.


L’avenir…

Avec des mises à jour régulières pour apporter de nouveaux monstres, de nouvelles évolutions, de nouveaux donjons, et tout autre genre de festivités, il n’y a pas à se faire de soucis du côté du renouvellement du contenu du jeu. Cependant, pour ceux qui voudraient varier les expériences, GungHo a mis à la disposition des joueurs un nouveau mode de jeu à l’occasion de la mise à jour 7.0 : Puzzle&Dragons W. Ce mode, même s’il ne révolutionne pas la formule de base, propose néanmoins un plateau plus grand (et toutes les perspectives de combos en masse que cela représente), ainsi que de nouveaux orbes qui gêneront la manipulation du plateau (avec par exemple les jammers qui ne disparaitront que s’ils sont placés à côté d’un combo). Ici, vous épaulerez une escouade de Tamadras, les créatures emblématiques de la série, qui auront besoin d'effectuer un combo contenant les orbes des éléments demandés à chaque étape pour vaincre les ennemis qui leur barreront la route. Au lieu de récupérer des monstres comme dans le jeu original, les mascottes obtiendront des accoutrements qui augmenteront la probabilité de chute des orbes de l’élément qui lui est associé. Quittons l’univers des smartphones pour parler d’un autre spin-off, cette fois-ci sur 3DS : Puzzle&Dragons Z. Sorti le 12 décembre 2013 au Japon, ce premier essai de la franchise sur consoles portables s’est montré être une franche réussite commerciale, approchant le million et demi de ventes sur l’archipel. En plus de proposer une aventure scénarisée, on retrouve des visages gueules connues dans le bestiaire, ainsi que des petits nouveaux, mais surtout, les sprites lors des combats sont cette fois-ci animés (malgré les graphismes semblant accuser quelques générations de retard). Vous pourrez découvrir cette mouture sur la portable de Nintendo au mois de mai 2015 dans nos vertes contrées comme annoncé dans le Nintendo Direct du 14 janvier de cette année. Dans ce même Nintendo Direct était également annoncée pour la même date (et vendu dans la même boite) la localisation européenne de Puzzle&Dragons : Super Mario Bros. Edition. Rien de bien spécial à noter sur cette collaboration en l’absence de plus amples informations, à part que le principe semble identique avec une collecte de personnages, cette fois issus de l’univers du Royaume Champignon (goombas, toads, etc…) afin de secourir la Princesse Peach, une fois encore enlevée par Bowser, en résolvant des tableaux qui ne devraient pas dépayser les fans du jeu de GungHo mais pourrait faire office de porte d'entrée pour les fans du plombier moustachu encore étrangers à la licence. Avec le succès grandissant que connait GungHo et le début de l’exportation de son jeu vers l’occident, nul doute que l’on entendra encore parler longuement de cette licence prolifique. Reste à savoir si l’éditeur préfèrera se reposer sur ses lauriers et profiter de son succès probablement éphémère, ou se décidera-t-il à se renouveler afin d'éviter de sombrer dans l’oubli comme bon nombre de phénomènes des réseaux sociaux désormais disparus ?
ultimafouina
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le 27 févr. 2015

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