Pyre
7.2
Pyre

Jeu de Supergiant Games (2017PC)

« Prevail for freedom or fail in shame »

La petite équipe de Supergiant Games a confirmé son immense talent sur Bastion et Transistor sorti les années précédentes et leur succès commercial comme critique les appelle à poursuivre sur le même rythme leurs productions avec un nouveau titre en 2017 : Pyre. Allant encore plus loin pour renouveler l’expérience de jeu, nous retrouvons cette fois-ci la promesse d’un ARPG dont les combats sont en réalité des matchs de basketball, une proposition originale qui a éveillé ma curiosité alors que j’avais déjà toute confiance dans les réussites artistiques, scénaristiques et narratives du titre s’annonçant dans la droite lignée des précédentes œuvres du studio.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆


Le chara-design des personnages principaux est à tomber le cul par terre, c’était déjà le cas avant mais là pour moi une nouvelle étape est franchie grâce à la diversification au possible des designs avec une dizaine d’espèces très originales avec une myriade d’inspirations visuelles différentes. Et si les doublages sont très marquants et distincts les uns des autres pour enfoncer le clou, ils ont pourtant été réalisés par une poignée de doubleurs pouvant interpréter jusqu’à 5 rôles différents dans une langue fictive !


C’est tout simplement du très grand art, le premier point fort dont j’avais envie de parler. Il faut juste excepter les dessins très brouillons qui apparaissent au générique de fin, même des croquis avant leur design final aurait été plus sympa, assez incompréhensible pour le coup. Il est aussi dommage que des problèmes techniques aient entaché le lancement du titre mais ils ont assez vite été résolues et même s’ils demandent encore aujourd’hui quelques manipulations sur PC, rien de bien grave non plus.


L’OST est une fois de plus d’une qualité incroyable avec une tonne de thèmes de très bonne qualité mais aussi très intelligemment utilisés. Tous les personnages jouables et affrontables profitent de thèmes uniques dans un style musical concordant très explicitement avec leur personnalité, d’un instrument de musique unique qui résonne à chaque réplique et qui va avec ce style… conférant une nouvelle fois au joueur la possibilité d’arranger la musique en déclenchant quand on le souhaite de nouvelles notes.


On peut juste regretter que ça donne un ensemble très éclectique et donc manquant d’identité propre pour le jeu, mais il faut vraiment être pisse-froid dans ce cas. Pour ma part, je suis plutôt admiratif de toute cette richesse de sonorités différentes qui peuvent aussi être combinées à certaines occasions très efficacement, Never to Return atteint 30 variations ! Et bien sûr les thèmes chantés sont toujours aussi magnifiques, c’était attendu en raison des chansons du même compositeur pour Bastion et Transistor mais ça n’en reste pas moins l’un de plus gros points forts du titre qui conforte un peu plus l’aura du studio dans le domaine musical.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆


Un jeu de basketball avec des notions de ARPG poussées, voilà une idée bien originale qui définit bien le système de jeu du titre. Deux équipes de 3 joueurs doivent s’emparer d’une balle et l’amener dans le panier adverse en ayant la possibilité de s’expulser du terrain sur plusieurs secondes, les personnages jouables étant dotés de capacités très différentes pour se déplacer, attaquer ou se protéger. On peut aussi bien avoir un tout petit gabarit qui peut se propulser d’un coup vers l’objectif avec la balle en main ou qui peut aller lancer des frappes petites mais précises et rapides pour décimer les rangs adverses qu’un gros costaud très lent mais qui peut couvrir une vaste zone pour bloquer les mouvements adverses et qui fera très mal si on arrive à lui faire atteindre son objectif.


Car oui, les personnages ne marquent pas les mêmes points selon leurs caractéristiques pour que les plus difficiles à faire marquer en soient récompensés et cerise sur le gâteau, la manière dont on marque peut nous sanctionner à la manche suivante si l’on s’y est pris de manière précipitée. Il y a donc parfois un choix stratégique à faire et se retenir de marquer quelques points peu décisifs au profit d’une stratégie plus risquée mais plus décisive peut s’imposer. Le potentiel tactique qui émerge de cette diversité de mécaniques et de ce scoring est donc très intéressant.


Reprenant le système des jeux précédents de malus offrant des récompenses sur le long terme de la partie et de bonus très puissants mais éphémères, les dilemmes ludiques qui en ressortent sont toujours aussi intéressants. Il en va de même pour la progression des arbres de compétences des personnages qui ont souvent 2 styles de jeu archétypaux possibles ou encore les contraintes lors de la sélection des personnages qui nous forcent à jouer tous les personnages tout en nous laissant beaucoup de choix différents pour déterminer qui sera mis sur la touche.


Sur le papier, c’est donc une vraie merveille, dans les faits, il y a quelques problèmes qui limitent tout ce potentiel. Le mode campagne est en grande partie un très long tutoriel et la possibilité d’un challenge réellement relevé et intéressant tarde vraiment à venir. La progression implique beaucoup de personnages inédits débloqués alors qu’on n’a ni eu le temps, ni eu la difficulté nécessaire pour réellement prendre en main les personnages débloqués juste avant eux. Il y a un souci d’équilibrage et de rythme global qui pénalise tout de même le mode campagne.


Enfin, je dirais que le mode versus ne pose pas de défis pré-faits très intéressants, il faut les établir nous-mêmes, les défis impliqués par les succès n’étant franchement pas très inspirés non plus. Ces derniers sont plus orientés pour être difficiles à deviner qu’à réaliser alors que pour le coup il y avait moyen d’imposer beaucoup de contraintes différentes avec les compositions d’équipes, les handicaps… mais à qui est motivé pour se lancer tous ces défis personnalisés, il y a de quoi faire.


Si l’IA offre un challenge moyen cohérent avec le niveau de difficulté retenu, elle assez inconstante sur une même partie, pouvant aussi bien réaliser des actions assez complexes à prévoir et à reproduire, que se coincer bêtement dans une paroi, se suicider sur nos persos ou répéter une tactique grossière et prévisible. De plus, le level-design ne change pas suffisamment les situations de jeu et renforcent juste l’aspect aléatoire de l’IA qui sera clairement perturbé par certaines configurations de parois.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★☆☆


Si Pyre nous plonge d’emblée dans un univers cryptique nous faisant s’enchaîner personnages, espèces et lieux tous plus exotiques les uns que les autres, il reste très pédagogue pour que celui qui s’y intéresse puisse comprendre les grandes lignes de l’intrigue assez facilement. On peut reprocher un rythme peut être un peu trop soutenu en début de campagne pour faciliter l’entrée dans l’histoire, mais un peu de lecture et d’attention suffisent en réalité donc pour moi ça n’est pas tant un problème objectif qu’une critique subjective que je ne partage pas.


Si des pans entiers de l’univers sont sujets à interprétation car on parle pour beaucoup d’un monde que les personnages connaissent mais qu’on ne voit jamais, les personnages protagonistes comme antagonistes permettent de très bien comprendre les enjeux principaux. Ainsi, nous nous retrouvons dans un monde parallèle où les marginaux d’une société obscurantiste et conservatrice peuplés de différentes espèces sont enfermés et divisés en factions (le plus souvent d’une même espèce), seul des combats selon des règles précises offrent l’opportunité de retourner dans cette société.


Nous sommes alors invités en tant que joueur à diriger une faction visant à exploiter cette mécanique pour amener la révolution au sein de cette fameuse société tout en restant libre d’afficher des motivations personnelles diverses, d’échouer dans notre quête, de motiver l’équipe de bien des manières… C’est un procédé que j’apprécie tout particulièrement, alors bien sûr il y a des factions que je trouve moins intéressantes que d’autres, il y en a peut-être aussi un peu trop compte-tenu de la durée de vie de la campagne… mais c’est globalement très réussi.


Plein de détails permettront une narration très efficace, même si reposant pour beaucoup sur des mécaniques déjà vues pour le studio. Ainsi, des personnages jouables refuseront de combattre ensemble s’ils sont en mauvais terme à ce point de l’intrigue, auront des bonus ou malus selon leur moral dépendant à la fois de l’intrigue et de choix ludiques… On retrouve également notre voix-off qui ne manquera pas d’adapter ses commentaires à notre style de jeu ou à nos choix scénaristiques en temps réel, les chanteurs de l’OST qui seront intra-diégétiques avec des personnages bardes implémentés dans l’intrigue, des plus indéniables pour l’immersion.


CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆


Après avoir brillé grâce à Bastion et Transistor et avant de connaître la consécration avec Hadès, Supergiant Games réalise une nouvelle pépite à la direction artistique et à la composition musicale une nouvelle fois extraordinaires, narrant avec une grande efficacité une histoire intelligente et émouvante, et en choisissant encore un nouveau gameplay. Son originalité limite peut-être sa maitrise mais force le respect à l’image du jeu lui-même qui ne mérite pas d’être autant dans l’ombre de ses frères et sœurs.

damon8671
8
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Créée

le 19 janv. 2024

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damon8671

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