De mémoire de joueur, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu un jeu de course aussi beau que rapide. Peut-être même depuis Sega Rally 2 en arcade. Remarquez ça tombe bien, RalliSport est aussi un jeu de rallye.
RalliSport Challenge (RSC) est le deuxième jeu de rallye de Digital Illusions, le studio suédois avait en effet signé une excellente version de Rally Masters sur PC en 2000. En reprenant probablement ce dernier comme base de développement pour son premier titre Xbox, nous pouvions raisonnablement penser que RSC gagnerait en réalisme en plus d'être supérieur sur le plan de la réalisation. Si le jeu ne nous a pas déçu sur ce point, on peut réellement parler d'un retour en arrière en ce qui concerne le pilotage. En comparant la gestion dynamique mise en oeuvre dans Rally Masters, on s'aperçoit que les bolides de RSC manquent de grip et de motricité et certaines épreuves ont carrément disparues (les duels façon Race of Champions). En contrepartie, la réalisation a gagné en détails, couleurs et divers effets spéciaux qui en font un jeu très démonstratif des capacités de la Xbox. Un produit parfaitement calibré pour rassurer ceux qui viennent de s'offrir la toute première console de Microsoft, et pourquoi pas donner aux autres l'envie de changer de machine ! Mais l'esthétisme est-il le critère le plus important ?
Les trois variables qui régissent les voitures et le faible nombre de possibilités de réglages donnent le ton : RSC est aux antipodes de la simulation automobile. Vitesse, accélération et tenue de route sont les seuls critères qui différencient les 29 bolides que vous aurez l'occasion de piloter [en finissant le jeu à 100 %]. Inutile de dire que les différences sont minimes d'un modèle à l'autre - pour ne pas dire inexistantes - : au fil de votre progression vous débloquerez des voitures bénéficiant d'une vitesse de pointe de plus en plus élevée. L'animation est d'ailleurs si véloce qu'elle pourrait faire passer les adeptes de WipeOut pour des conducteurs du dimanche ! De fait, le pilotage s'avère intense et grisant, mais assez "étonnant". Car si la maniabilité est intuitive, le comportement des autos est très particulier : stable en ligne droite [normal] mais très sur-vireur en virage, avec une fâcheuse tendance à partir en sucette. En un mot, on dirait que le comportement a été exagéré, caricaturé, sans doute "pour faire jeu de rallye". L'ennui, c'est que du fait d'un certain manque de motricité et de grip (ça glisse sans vouloir repartir) le contrôle est extrêmement crispant. En tentant d'anticiper les nombreuses dérobades, il arrive forcément un moment où la voiture se place à la perpendiculaire de la trajectoire idéale et casse sa vitesse sans glisser... Ce qui nous fait dire que nous sommes là quand même bien loin du pilotage en dérive (ou en crabe) propre à cette discipline. Ce n'est heureusement pas toujours le cas et les circuits sur glace sont eux très convaincants.
Visuellement donc, l'illusion est bonne : les bolides chassent de l'arrière comme en vrai. A jouer, la sensation est plus déroutante, c'est encore plus arcade que les jeux de rallye d'arcade ! Les spéciales [le nom qu'on donne aux circuits] en méditerranée d'inspiration corse sont d'une bestialité peu courantes dans un jeu de course où traditionnellement c'est la science du pilotage - alliée à une concentration extrême - qui prévaut. Le joueur qui a les meilleurs réflexes et une grosse paire de [bip], l'emportera ; laissant les "techniciens" douter de leurs compétences... Il suffit de s'attarder sur la gestion des dégâts pour comprendre que l'impunité est totale dans RSC ; si les vitres se brisent et la carrosserie se déforme, cela n'a aucun impact sur les performances de votre auto. La notion de "folle prudence" qui consiste à attaquer tout en veillant à l'intégrité du matériel est totalement absente ici : le joueur est incité à conduire vite mais pas forcément bien. Malgré cette énorme entorse à la réalité, les sensations sont pourtant au rendez-vous et la conduite est intense, haletante, hypnotisante. Le pilote, la voiture, le chrono.
Cette "simplicité" tranche d'ailleurs assez nettement avec la réalisation qui est avant-gardiste dans bien des domaines. Quoique là non plus, Digital Illusions ne verse pas dans la subtilité tant le jeu en met plein les mirettes. On ne sait pas par quel bout commencer ! L'affichage stable en haute résolution [pour l'époque], l'antialiasing qui adoucit l'image, les textures d'une grande finesse et qui ne scintillent pas, nous rappellent que nous sommes bien sur la console la plus puissante du moment. A cela il convient d'ajouter des jeux de lumières très réussis capables de reproduire aussi bien la morosité d'un environnement (Corse sous la pluie) que l'implacable chaleur d'un rallye d'Afrique, le tout avec des ombres réalistes. Plus remarquables encore : les arbres, arbustes et touffes de végétation sont modélisés et doucement animés. Au chapitre des effets spéciaux, on note de fines particules dans les nuages de sable (en safari), les pneus qui laissent leurs empreintes durablement selon les surfaces (neige, boue, sable) ; et des reflets complètement hallucinants sur les revêtements brillants (bitume humide et glace). Le summum est atteint avec l'empilement de textures sur les circuits verglacés : l'utilisation du bump mapping crée des aspérités et l'addition des reflets du ciel et d'un soleil rasant produisent un effet d'un bluff saisissant. Et malgré la tonne d'effets et objets présents à l'écran, la vitesse d'animation est affolante [avec malheureusement quelques ralentissements de temps en temps].
A sa réalisation de haute volée et quasi exemplaire, RalliSport ajoute un principe de jeu bien conçu et découpé qui se révèle des plus captivants. A côté des classiques courses simples, contre-la-montre et multijoueurs (4 en écran divisé), le mode carrière offre une durée de vie conséquente et des heures de "prise de pied" [avec ou sans talon-pointe] ! Il est d'ailleurs indispensable puisque c'est grâce à lui que l'on débloque les circuits et voitures supplémentaires. Après avoir créé un profil et sélectionné le niveau de difficulté (simple ou normal), le joueur s'engage alors dans des championnats regroupés par thèmes. Et il y en a pour tous les goûts, avec courses de côte, rallycross, neige, et la discipline phare : le rallye. Certains challenges ne proposent que 3 circuits, d'autres peuvent en contenir une dizaine et testeront notre endurance puisqu'il n'est pas possible de sauvegarder sa progression avant de les avoir terminés (!). Dans ces épreuves, on se bat soit directement contre des concurrents présents sur la piste, soit indirectement via le chronomètre. Dans tous les cas, à la fin d'une course, le jeu attribue un total de points basé sur le classement à l'arrivée, l'état du véhicule, la vitesse max enregistrée et un éventuel temps scratch [record du tour]. Ce score final forme alors un capital qui permet d'ouvrir - ou pas - les championnats suivants. C'est bien pensé, c'est motivant et ça compense un peu le gameplay complètement fou : oui il faut attaquer sévère mais il ne faut pas non plus faire n'importe quoi...
Au final, RalliSport Challenge brille par son efficacité. On peut ne pas aimer son style de conduite exagéré tout en reconnaissant que la vitesse de défilement des paysages - parfois sidérante - et la beauté de certains environnements suffisent à renouveler l'intérêt. Mais mieux vaut être prévenu : RalliSport Challenge est un pur jeu d'arcade, difficile et intense que l'on consommera en sessions plutôt que non-stop. C'est un peu dommage, car en dépit de sa très belle prestation technique, avec une approche un chouïa plus réaliste, nous avions là, très certainement, le meilleur jeu de course de rallye de la génération.
Test écrit par Dubz [c'est moi (c)] en mars 2002 pour Overgame.com