Rarement le développement et le lancement d’un jeu comme Rayman Legends aura été aussi chaotique. Prévu au lancement de la Wii U en novembre 2012 et pensé spécifiquement pour la next-gen de Nintendo et son Gamepad, puis repoussé à février 2013 avant de subir un dernier report pour finalement sortir sur toutes les plates-formes du marché en août 2013… il aura vraiment fallu être patient. Mais si l’on met de côté le ressentiment légitime face à un report uniquement lié à la stratégie commerciale d’Ubisoft, force est de constater que le résultat final est à la hauteur de l’attente.
C’est bien simple, Rayman Legends s’impose immédiatement comme un indispensable pour tout amateur de plates-formes 2D. Sur la forme tout d’abord, l’UbiArt Framework fait des merveilles avec une réalisation fine, colorée et regorgeant de détails. Et que dire de la bande-son du jeu composée par Christophe Héral qui est tout simplement sublime et digne d’une production cinématographique (les musiques des niveaux du monde sous-marin font d’ailleurs ostensiblement référence à James Bond). Très inspirée des univers médiévaux et mythologiques de Rayman Legends, elle n’est à n’en pas douter un des atouts maîtres du jeu de Michel Ancel. On touche presque au divin sur les 6 niveaux dits « musicaux » dont la rythmique épouse à la perfection le level design, transformant le jeu de plates-formes en quasi rhythm game ; le tout sur fond de reprise de classiques du rock (Black Betty, Eye of the Tiger, Woo Hoo, Antisocial…). Une pure merveille pour les oreilles.
Mais un bon jeu de plates-formes brille aussi et surtout par son level design. Et celui de Rayman Legends atteint vraiment des sommets avec plein de trouvailles, des passages secrets nombreux à la manière d’un Donkey Kong Country (concrètement, ces zones secrètes abritent des Ptizêtres à délivrer) et énormément de variété. Version Wii U oblige, la variété est sublimée par certains niveaux où le joueur prend le contrôle de Murphy pour faire progresser Rayman à l’écran : vous devrez alors couper des cordes pour abaisser des plates-formes, écarter des obstacles, pousser des blocs, creuser dans le décor pour dégager un passage, faire progresser Rayman sur une plate-forme en la dirigeant du doigt, protéger Rayman de la lave en la déviant… L’apport du Gamepad autorise ainsi une réelle variété des situations rencontrées et fait de la version Wii U la version à privilégier. Et que dire enfin des boss tous plus originaux et variés les uns que les autres... Du grand art.
En dépit de cette plastique irréprochable et de cette ingéniosité de tous les instants, Ubisoft n’a pas pour autant oublié d’offrir au joueur un contenu gargantuesque. Le nombre de niveaux (125) est tout simplement impressionnant. Certes, on retrouve dans ce nombre 40 niveaux de Rayman Origins à débloquer (l’occasion de se rendre compte que musiques et level design d’Origins sont bien en retrait par rapport à sa suite). Il y a aussi une trentaine niveaux « Invasion » (une variation en temps limité à partir des 48 niveaux principaux, avec un sens de progression inversé ou un level design légèrement modifié). Il n’en reste pas moins que vous n’avez pas fini d’en voir le bout : vous pouvez compter une petite quinzaine d’heures pour collecter les 400 Ptizêtres (sur 700) nécessaires pour débloquer les derniers niveaux musicaux bonus, ainsi que pour débloquer l’intégralité des niveaux Invasion. À cela s’ajoute le mode multi jusqu’à 5 (que je trouve aussi bordélique que dans New Super Mario Bros. U ; l’idéal étant d’y jouer à 2 pour s’y retrouver un minimum), mais aussi les challenges quotidiens en ligne (sous forme de speed run ou de survival dans des niveaux conçus pour l’occasion… bien qu’ils aient tendance à devenir rapidement redondants). Il y a même des classements en ligne (coupes gagnées, Lums collectés, distance parcourue, etc…). Ubisoft a pris le temps de sortir son jeu… mais ne s’est franchement pas moqué des acheteurs Day one.
Bien sûr, il y a quelques petites ombres au tableau, à commencer par la trop grande facilité du jeu ; défaut accentué par les checkpoint omniprésents qui suppriment toute idée de prise de risque pour récupérer les Ptizêtres et les Lums les plus retors à récupérer. Même les combats de boss sont divisés en plusieurs parties, c’est dire ! En réalité, la difficulté ne se fait réellement sentir que dans les niveaux Invasion (en temps limité et sans aucun checkpoint ; et donc particulièrement punitifs pour les plus difficiles) et les niveaux musicaux bonus du dernier monde. Ces-derniers sont d’ailleurs une petite déception puisqu’ils ne sont qu’une reprise des précédents (en version dite « 8-bits » avec des musiques façon NES), sans aucun checkpoint, et avec des gimmicks visuels limitant artificiellement le champ de vision (image concave réduite censée imiter une vieille télé cathodique, pixellisation outrancière, images sui se brouille comme si on tournait l’antenne d’une vieille télé, split de l’écran …). La récompense pour avoir récolté 400 Ptizêtres a donc un arrière-goût un peu désagréable. Certains pesteront aussi contre la maniabilité beaucoup plus lunaire (flottante, diront certains) que celle d’un Mario (plus carrée et millimétrée), même s’il s’agit plus d’une question d’adaptation. Les plus pointilleux regretteront aussi que le hub n’ait pas été plus soigné (et à la hauteur du reste du jeu) les 6 mondes du jeu (Ptizêtres en détresse, Le Royaume des Crapauds, Fiesta de los Muertos, 20 000 Lums sous les Mers, Olympus Maximus, La Teuf des Morts-Vivants) étant présentés sous forme de tableaux dans une galerie dans lesquels il suffit de sauter. Une carte thématique (façon Super Mario World) ou une présentation plus élaborée aurait été un signe supplémentaire d’une finition impeccable. Ce hub est d’ailleurs d’autant plus rageant qu’un saut inopportun devant un des tableaux pourra vous faire entrer par mégarde dans un niveau.
Malgré ces petits bémols Rayman Legends est donc un incontournable de la plate-forme 2D, a fortiori sur Wii U, au même titre que New Super Mario Bros. U. Chacun des deux jeux a d’ailleurs ses points forts (musiques, direction artistique, combats de boss, utilisation du Gamepad et fonctionnalités en ligne pour Rayman Legends… gameplay millimétré et carré, lisibilité, hub soigné et nombre de niveaux réellement "inédits" pour New Super Mario Bros. U) et les deux cohabiteront parfaitement dans votre ludothèque ; Rayman Legends ayant pour lui les nombreuses innovations de gameplay et un univers qui n’a pas été essoré pendant plus de 20 ans. Fans du plombier à moustache ou pas et amateurs de jeux de plates-formes 2D, Rayman Legends est un must-have sur Wii U qui fait oublier son accouchement long et douloureux. Incontournable !