Les clients n’ayant pas fini le jeu ou ayant peur du spoil sont priés de sortir du saloon.


Mon dernier adversaire tombe devant moi. Je viens de régler son compte à toute une bande. Ça s’est passé chez eux, au pied d’une montagne enneigée au bord d’un cours d’eau. Je tourne la tête et voit une maisonnette bruler. Et je reste là, j’admire les flammes dansant sur le bois. Après quelques instants d’émerveillement innocents, je reprends mes esprits et ma cupidité reprend le dessus. Je commence à fouiller les cadavres éparpillés dans la boue, à la recherche de quelques pièces ou de quoi me nourrir. Un bruit m’interrompt… un passant a dû prévenir les autorités… Je ferais mieux de partir, mais je n’ai pas encore tout fouillé.
Je cours dans la maison principale et commence à remplir ma sacoche de tout ce que j’y trouve. Tandis que des chevaux s’approchent, je me cache à l’étage et dégaine mon fusil, espérant ne pas avoir à m’en servir plus aujourd’hui. Les agents me recherchent, mais ne savent pas qui je suis. Je les entends se dire que j’ai dû partir loin. Ils abandonnent leur chasse à l’homme.
Je descends les marches, serein, mais un pressentiment retentit au moment d’ouvrir la porte de sortie. Je me mets contre le mur et la pousse d’un simple geste sans me montrer. Ils sont toujours là, juste derrière ! Ils ne se sont pas volatilisés. Heureusement, ils ne se sont pas retournés, et la porte s’est refermée. Je patiente encore, fouillant les derniers meubles du rez-de-chaussée, et retrouve enfin mon cheval à l’air frais.
La cabane brûle toujours. J’espère qu’aucun bien de valeur ne s’y trouvait.
Une diligence s’avance au loin. Je ne cherche pas plus de problèmes.
Me voici déjà galopant vers l’ouest.


Ceci n’est pas un des grands moments du jeu. En soi, ce n’est d’ailleurs pas un grand moment. C’est juste une petite chose qui m’est arrivé entre deux missions. De telles actions peuvent arriver lors de n’importe quelle session de jeu, et c’est ce qui fait pour moi une des grandes forces de Red Dead Redemption 2 : assister à un monde ouvert vivant et s’animant en direct, prendre part à un jeu de rôle ultime poussé au paroxysme de sa simplicité, être amené à tout naturellement vivre le jeu.


Je n’ai pas pour habitude dans un jeu vidéo de m’inventer des délires, des histoires, des scénarios, ou même à chercher l’explication à tel événement, approfondir ma compréhension de petites choses entendues ou vues à droite à gauche, ou quoi que ce soit. Mais difficile de ne pas un peu le faire ici, tant on incarne littéralement le personnage principal tout en s’attachant à lui de manière humaine et passionnée.


Arthur Morgan est le héros qu’il fallait pour succéder (et épauler) à John Marston.
J’ai réellement vécu l’aventure avec lui. Quand il avait faim, je le faisais manger et se reposer. Quand il était malade, j’avais pitié et l’équipais d’un lourd manteau. Quand il sentait sa mort approcher cruellement et inévitablement, j’arrêtais mes actes irresponsables et faisais tout pour faire le bien autour de moi et que la fin se déroule dignement.


Charismatique serait un adjectif amplement mérité pour le personnage principal du jeu, mais également pour un nombre assez impressionnant de PNJ. On est assez vite amené à engager la conversation à tout un tas de visages uniques, touchants, mémorables.


Le titre du jeu contient un mot central ; la mort est bien au rendez-vous.
Elle est traitée dans l’œuvre de manière tantôt cruelle, tantôt ironique, cependant, constamment transcendante. La faucheuse nous brise le cœur.
Plus remarquable encore, même la mort de « méchants » dont aucune accroche positive avec le joueur ne jouait en leur faveur s’avère émotionnellement étonnante.
Nul doute que la transmission de ces émotions est grandement renforcée par les expressions réalistes des protagonistes. A part quelques visages plutôt ratés, on a affaire à du grand art.


C’est ainsi que les adieux se font dans les larmes. Des chemins s’arrêtent, certains se séparent, d’autres encore restent des mystères, mais tous nous restent en mémoire. Hosea, Charles, Sadie, John, Javier, Karen, Abigail, Jack, Lenny, Dutch… Arthur… on ne peut pas les oublier.


Et ce cheval !!! Jamais encore je n’avais pris autant soin d’un animal dans un jeu ! Avec l’argent investi et le lien, j’avais vraiment de l’affection pour lui… Alors sa mort aussi était dure, mais une satisfaction demeurait : celle de voir mon personnage lui faire un adieu convenable.


Les émotions sont au rendez-vous. Et la musique apporte son lot de surprises. 3h30 de soundtrack (si j’en crois la playlist youtube) contenant des petites pépites qui viennent sublimer n’importe quel moment. Un délice pour les oreilles, qui rend tellement hommage aux merveilles visuelles qui défilent à l’écran.


Les missions contiennent un nombre incalculable de moments forts. Ça va toujours plus loin dans l’épique, dans l’humain, dans le spectaculaire, dans l’émotionnel. Le tout immortalise définitivement la licence Red Dead en tant que chef d’œuvre scénaristique.


Si on se prend au jeu, la durée de vie est tout bonnement monumentale. Personnellement, il n’y a que l’épilogue qui m’a paru trop long. Mais parce que je n’étais pas prêt à une conclusion si poussée. Finalement, je n’avais plus envie que ça s’arrête. L’aventure, à terme, m’aura fait couler des larmes.


Red Dead Redemption, premier du nom, était et reste un de mes jeux préférés.
Avec ce nouvel opus, une toute nouvelle définition de la séquelle nous est donnée.
Je n’ai jamais, et je dis bien jamais, ressenti autant de forces entre un épisode d’une œuvre et un autre. Plus on avance dans le 2, et plus chaque détail du 1 a de l’impact. Plus on repense au 1, et plus le 2 se fait avec plaisir. C’est vraiment jouissif à tel point les deux se complètent. On a même droit à des sortes de clins d’œil détournés (je pense au moment où Arthur ouvre la porte pour en découdre avec la Pinkerton, le mode sang-froid se lance, j’ai vraiment cru que sa fin arrivait en hommage à John Marston, alors qu’il restait encore des heures de jeux après ça !!)
Mais cela m’amène à un constat, que j’ai presque de la peine à énoncer. Red Dead Redemption 2 est supérieur à son prédécesseur en tous points.


Les musiques du 1 me manquaient, elles avaient un vrai cachet que je ne retrouvais pas dans les nouvelles ; mais au final, même les sons les plus subtils du 2 sont terriblement efficaces. Et quel plaisir monstrueux d’entendre à nouveaux les thèmes de John Marston quand il reprend la tenue !


Le héros parvient à éclipser l’inoubliable John Marston, ce qui n’était pas chose aisée.


Point le plus cruel pour moi, je dois avouer que l’histoire du 2, encore une fois, est au-dessus de la précédente proposition. L’histoire du premier reste un modèle, tellement simple et efficace, mais je reconnais que la profondeur, la qualité d’écriture, les frissons que l’on ressent donnent la supériorité au second. Il reste néanmoins inévitable de replonger dans l’opus de 2010 une fois celui de 2018 achevé.


Certains, pourtant professionnels, balancent des 21/20. Ça paraît ridicule. On voit vite les défauts, on doute, on sait à quel point la perfection est éloigné de notre monde. Mais pourtant on a là l’aboutissement du jeu vidéo, l’art total, la somme de tout un travail cinématographique, vidéoludique, musical, sensationnel.


J’ai eu ma claque. J’ai pris mon pied.


Reste encore quelques heures à jouer, dans la peau de John Marston, avant que le train ne l’amène à Armadillo… avant que la nouvelle tragédie ne s’abatte…
… avant que soit obtenue, au prix du sang rouge, de la mort… la Rédemption.


https://youtu.be/qHer-rGfTco

TheBadBreaker
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le 12 déc. 2018

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