La forme contre le fond, la presse contre les joueurs

Faisons court : Red Dead Redemption 2, c'est bien. C'est bien, comme ce petit jeu marqué d'un "Grand Theft Auto III" sur sa jaquette tout en mosaïque que j'avais acheté en 2001 pour seulement 199 francs dans un Score Game qui n'était pas encore à la page contrairement à son voisin Micromania, affichant le même jeu pour 29,99€.


C'était un jeu bluffant dans la forme pour son époque; la 3D était épatante compte tenu de l'envergure et du nombre de polygones à afficher, la ville de Liberty City qui servait de cadre urbain à nos pérégrinations était d'un niveau de réalisme et, mieux, de crédibilité rarement atteint dans le médium et le nom de la ville faisait échos au ressenti du joueur : la liberté d'aller et venir, avec une conduite de véhicules très arcade mais très grisante et intuitive.


Mais Rockstar nous a appris quelque chose : la forme n'est pas le reflet du fond. Si les missions qui structuraient l'aventure se laissaient suivre avec grand plaisir, leur qualité était inégale, oscillant entre le bon et le bien écrit, et la lourdeur. La lourdeur d'une mission hyper balisée, ou la lourdeur d'un gameplay brouillon selon le contexte et la situation, on pensera au corps à corps, à la conduite de certains véhicules, à la façon de passer d'une arme à l'autre ou encore à une IA discutable.


17 ans plus tard, Game a perdu son Score, Micromania a gagné son Zing, Red Dead Redemption 2 coûte 460 francs et Rockstar continu de faire les mêmes jeux.


Oui, le monde ouvert de Red Dead Redemption 2 est impressionnant, de par sa crédibilité et la grande force qui s'en dégage et qui ne fait aucun doute sur le contexte du récit : celui d'un Ouest américain en bout de course qui va petit à petit se faire distancer par l'Amérique moderne et fédérale. Une rivière, une montagne, une plaine, un village, une ville, une atmosphère nocturne, un levé de soleil au détour d'un lac ou un crocodile dans un marécage : la qualité du monde est inattaquable, et le talent de Rockstar pour créer des mondes ouverts est encore une fois attesté par celui de RDR 2 qui n'a besoin de personne pour le défendre.


Oui, également, pour la qualité de l'écriture et des situations de certaines missions (ça commence à devenir bien à la fin du chapitre 3), dont quelques unes d'entre-elles font parties de ce que Rockstar a pu faire de mieux en la matière. Le bande de Dutch se suit avec grand plaisir, le rôle de Marston est maîtrisé et est très cohérent avec ce qu'on sait de lui du premier jeu et Arthur Morgan est convainquant en tant que bras armé de la bande (quoi qu'ils le sont un peu tous...) et protagoniste (pareil...)


A partir de là, il y'a du plaisir à suivre les missions et à les enchaîner, pour découvrir le scénario et l'évolution de la bande, à travers un Grand Ouest sublime.


Mais à mon entendement, ce Red Dead Redemption 2 est un GTA comme un autre, un Rockstar comme un autre, et le plaisir de jeu s'arrête ici. Un 7/10 généreux, pour une expérience déjà vue mais correcte.


Et normalement la critique s'arrête ici. Mais j'aimerais quand même comprendre deux ou trois choses, deux ou trois choses qui ont justifié l'euphorie (l'hystérie ?) des critiques, avec des notes au mieux absurdes, au pire consternantes :


Comment justifier de telles notes alors que le jeu offre un gameplay qui n'a fondamentalement pas évolué depuis au moins 10 ans ?


Pourquoi donner de telles notes parce qu'un coup de fusil dans un arbre effraye une pintade ?


En quoi le fait d'avoir une barbe qui pousse participe d'une immersion "jamais vue et diabolique" ? Même question pour tous les trucs aussi inutiles que saugrenus ?


Pourquoi personne mentionne le fait qu'échouer une mission pour avoir fait 5 mètres de travers ou voir son cheval mourir, c'est chiant ?


Pourquoi est-ce le joueur doit avoir besoin de deux inventaires, celui du cheval et du personnage, entraînant confusion dans le feu de l'action et n'étant pas ou peu ergonomique ?


Quel est l'intérêt de doubler les différentes jauges (la vie, l'endurance) avec un coeur, si ce n'est pour justifier le fait d'avoir des objets en plus à trouver, et donc de meubler encore plus le monde avec des trucs dont on ne se servira de toute façon jamais ?


Pourquoi le jeu est si simple que je n'ai jamais eu besoin d'upgrader quoi que ce soit dans mon camp ?


D'ailleurs, pourquoi s'impressionner pour des features qu'on trouve depuis 20 ans, en mieux, dans la plupart des RPG ?


Pourquoi êtes-vous si dupe à penser qu'une quête qui vous demande de ramener x quantité d'objets n'est pas autre chose qu'une façon déguisée de mettre des collectibles ?


Pourquoi ne pas faire état qu'au delà de la qualité d'écriture, la structure des missions est exactement la même que sur tous les jeux de la firme, ce qui rend les missions, sauf brillantes exceptions qu'il faut impérativement souligner, plutôt lassantes ?


Finalement, à trop écouter les critiques, on se dégoûte d'un jeu très largement surévalué. Et on scande partout qu'on n'y touchera plus. On le désinstalle. Mais finalement on y revient, parce qu'on se souvient des moments sympas qu'on a eu sur les précédentes productions Rockstar, parce qu'on se dit que le monde n'est finalement pas si mal.


Et parce que Red Dead Redemption 2, c'est bien.

Aelphasy
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le 5 nov. 2018

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Aelphasy

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