L’Ouest américain. De la Géorgie de 1830 au fameux fleuve Klondike, d’une série éponyme, des années 1899, la ruée vers l’or - aussi métaphorique que bien réelle - aura nourri l’imaginaire du « cowboy » aventureux en quête de richesse et de rédemption.
Red Dead Redemption 2 (abrégé RDR2), suite directe de son homologue, débute tambour battant avec une bande désorganisée qui fuit au milieu d’une toundra glaciale. Petit à petit, conversations après quêtes après conversations, le titre de Rockstar nous amène à découvrir la « bande de Dutch », bandits des grands chemins, qui semblent défourailler aussi vite qu’ils ne sortent un juron, dans la quête effrénée d’un futur spirituel.
La rédemption ainsi définie comme « l’action de racheter quelqu’un, de se racheter », RDR2 nous installe au milieu de considérations morales et matérielles. Au sein cette éclectique bande itinérante qui ne vit pour l’instant que d’amour, d’eau fraîche, de fallacieux coups et autres extorsions, chacun semble poursuivre son propre but, son propre chemin de croix si tant est qu’il sache lui-même ce qu’il recherche.
Arthur recherche-t-il la richesse ou bien est-il finalement lassé d’une vie nomade et fausse ? Dutch recherche-t-il l’eldorado qu’une dernière représentation théâtrale ouvrirait face à eux ou se complait-il finalement dans une revanche amère et des coups tordus ? Et John Marston, notre protagoniste du premier opus, a-t-il pardonné son passé ?
La ruée vers l’or est ici matérialisée par une ruée vers un paradis utopique qu’ils ne définissent pas vraiment. Cette ruée, comme celle d’un cheval paniqué, représente l’essoufflement d’un mode de vie que la sédentarisation industrielle des villes rejette. Les bandes, autrefois reines de leurs propres lois, sont dénoncées, pourchassées et évincées. Par le cheminement de l’arc narratif d’Arthur, Rockstar créé une réflexion bienvenue sur un mode de vie dépassé par le progrès. Que chassent-ils, maintenant, si ce ne sont des chimères ? Quel or cherchons-nous à l’heure actuelle et quelles sont les illusions que nous souhaitons ?
Dutch est persuadé que leur rédemption sera achetée par l’argent, comme monnaie d’échange de leurs péchés d’antan. Coups après coups, difficultés après difficultés, il tombe progressivement dans un fanatisme aveugle qui a pour conséquence paradoxale d’ouvrir les yeux d’Arthur. La bande de Duch est invariablement étouffée par des forces qui la dépassent et, ceci étant, retombera dans les travers de ses habitudes pour régler les situations incontrôlées : la violence.
Ainsi, dans ce melting-pot de psychologies complexes, de destins aux sombres desseins, la bande est ballotée par le fleuve du temps, fleuve dans lequel, comme les colons, ils recherchent l’or. Mais quel est cet or ? Et doit-on y sacrifier jusqu’à ses propres croyances pour l’atteindre ?
En somme, RDR2, malgré ses défauts d’ergonomie qui peuvent entacher l’expérience aux moments cruciaux, est un indéniable succès à mon sens. La grille de lecture narrative, très cohérente, est servie par des personnages aussi réalistes que hauts en couleurs. A ceci s’ajoute une direction artistique que ne manquera pas d’en éblouir plus d’un par un souci du détail aussi plaisant que relaxant. C’est un plaisir d’observer les derniers rayons d’un soleil ambré se frayer un chemin entre les pins des Grizzlies et se voir tirer de nos rêveries par une biche effrayée que l’on partira peut-être chasser.
Le jeu est ainsi construit : notre aventure se tisse de fil en aiguille, emportés de rencontres en rencontres qui, n’en dénote une certaine monotonie née d’un rythme répétitif (dialogue/voyage - pewpew - fuite/dialogue sur la plupart des quêtes secondaires et tertiaires), satisferont tout de même le joueur émérite qui sort tout juste d’une trépidante partie de pêche en eaux profondes.
Pour les amateur d’espaces sauvages, pour les as de la gâchette, pour les joueurs de poker en herbe, Red Dead Rédemption saura ravir les goûts de tous pendant de longues heures. Et vous, vous l’avez trouvé votre or ?