Je me souviens de cet appart vers la Paillade. Cet appart où vivait un pote à moi.
Un pote qui se destinait à de hautes études. Droit ou langues. Avocat ou prof d' Anglais ?
Finalement il est devenu Docteur ès-pipe à shit et a obtenu sa maîtrise mention "très bien" de "mangeage" de Curly affalé sur un canapé déchiré
.
On faisait pas grand chose dans cet appart.
On y fumait des pipes à shit et on bouffait des curly.
Ah si ! J'ai oublié de vous dire que mon pote était un "gamer". Un vrai !
Pas du genre " J'me fait ma p'tite partie de Pac-man avant d'aller courir pendant 2 heures", non, non.
C'était plûtot le genre "accro" façon drogues dures.
La goutte de sueur au front dès qu'il était à plus de 50 mètres d'une console. Jeu vidéo de poche toujours à portée de main comme ration de méthadone et poster de Lara Croft dévêtu en guise de sexualité débridée.
Une putain d'addiction aux pixels. Une pure life de "no-life". Une virtualité cannibale prenant le pas sur une réalité bien trop fade.
Un beau jour ( 'fin je pense vu qu'on ne voyait pas souvent la couleur du ciel) il me dit, entre 2 bouffées d'un 3 feuilles chargé comme un vainqueur du Tour et roulé aussi "aérodynamiquement" qu'une carrosserie de Lamborghini :
"- J'viens d'acheter un jeu. "Resident Evil 2" qu'il s'appelle. On le met ?"
"-T'as autre chose de mieux à faire ?"
"-Bah non !"
"-Fais péter, alors."
N'étant pas gamer moi-même, je regardais l'écran indifférent, l'oeil hagard et des trous de boulettes plein mon tee-shirt Megadeth.
J'étais affecté aux basses tâches : Rouler les pets, aller chercher les binouzes dans le frigo, ouvrir les paquets de Curly ou même décoller les pages des nombreux "Newlook" qui trainaient entre les capsules de Kro et les mégots de 3 feuilles.
Mais sur ce coup-là, je fus happé.
Le doux brouillard qui se promenait entre mes 2 yeux aidant, je fus littéralement absorbé par ce jeu.
Je rentrais dans cette ville en feu, flingue en mains.
Des bruits de pas tout autour de moi, des cris aussi. Des cris étranges, inconnus.
Des ruelles étroites comme l'intelligence d'un animateur d'NRJ 12. Et puis au détour d'une de ces ruelles : DES ZOMBIS !! Des putains de zombis !
A moitié décharnés, la gueule en vrac, la patte qui racle le sol, des traînées de sang un peu partout.
"-Dis donc j'l'ai chargé le fumigène, non ??!!"
Je suis poursuivi dans cette ville sinistrée. J'les entends. Ils sont juste derrière.
Oh putain, un flingue ! Un chargeur !! sûr qu'ça va m'aider. PAN ! Putain, mais il tombe pas ce con !!
PAN ! PAN !PAN ! Ca y est !!
UN AUTRE !! CLIC-CLIC-CLIC ! Plus de munitions, BORDEL !! Il arrive.
Le commissariat !! Putain je rentre. Du répit !
Un chargeur. Allez, hop ! CLANG ! Chargé !! 'sont où ces enfoirés ??
"-Il fait noir chez toi, non ? Bien sûr que non j'ai pas peur. C'est qu'un jeu ! Lui, eh, j'ai peur ! N'importe quoi...ARGH !!!"
Un putain de clébard qui fracasse une vitre sans tain pour me sauter à la gorge pendant que je ramassais une plante verte pour soigner mes bobos. Putain le flip !!
Mais qu'est que c'est que ce clébard épluché avec une langue de 60 cm ?
Et ces portes putain !! Ces portes qui s'ouvrent au ralenti. On sait jamais c'qu'on y trouve derrière. Oh rarement une gonzesse à poil, non.
Des morts-vivants. Des zombis qui te chopent, qui te croquent le cou.
Des écorcheurs, des araignées géantes.
Un bestiaire dégueulasse et des munitions au compte-goutte.
Voilà c'qu'on y trouve derrière ces putains de portes qui grincent.
Un scénar béton et une animation sublime.
Une horreur physique, palpable.
Il y a tout ça derrière ces lourdes qui couinent.
C'est le premier jeu à te faire sursauter de peur sur ton canapé.
Qui te fait te retourner toutes les 2 minutes pour voir si ta porte ne s'est pas ouverte.
Le jeu que t'as peur de foutre chez toi quand tes vieux sont au restau, que tu te retrouves seul avec ces cris "zombifiant" plein ton ciboulot.
Le survival horrifique par excellence. La peur dans une console de jeu. Comme si Carpenter faisait son film d'horreur à base de 1 et de 0.
Une putain de "Nuit des morts-vivants" en langage binaire.
"-Bon allez, j'me tire !! Tu me raccompagnes ? Comment ça j'ai ma bagnole !! Et alors ! Putain, mais t'es vraiment une flippette !!!"