Remake moins pertinent que celui de Resident Evil 2 (mais plus que celui de Dead Space), ce Resident Evil 4 ne m'avait pas franchement convaincu par ses bandes annonces, qui promettaient un ton plus sérieux me paraissant pas hyper adapté et une approche du gameplay plus moderne, mais moins intéressante que celle de son modèle. Mais le Resident Evil 4 de 2005, c'est quand même super bien, et les combats avaient l'air bien fichus. Alors mon antipathie des remakes a cédé, et je suis passé à la caisse pour retrouver l'ami Léon et ses coups de pieds retournés.
Un Léon qui qui a quand même bien changé. La machine à punchline enfilé dans un blouson en cuir a laissé place à un jeune homme taciturne tourmenté par son passé, témoin de l'orientation plus sérieuse du scénario. Le Resident Evil 4 original, c'était complètement idiot. Les one-liners à deux sous s’enchaînaient sans interruption et des méchants à tricorne vous appelaient pour dévoiler leur plan en rigolant comme des mabouls. Le résultat était aussi divertissant qu'impossible à prendre au sérieux, et ça reste je pense la seule façon d'écrire un scénario de Resident Evil potable, le pitch ne s'adaptant bien qu'à la grosse série B. Mais rien de ça ici. Ça permet quand même quelques améliorations, notamment les personnages, plus travaillés et qui deviennent un peu plus crédible en tant qu'êtres humains (surtout Ashley). L'imagerie plus sombre centrée autour du culte fonctionne plutôt pas mal aussi. Mais le résultat s'avère moins cohérent et réussi, notamment parce qu'on est dans un jeu où vous passez le plus clair de votre temps à supplex des aliens qui sortent de la tête des gens (et c'est le moindre de vos exploits). Et si quelques détails, de gameplay comme de script, ont été gommés, les largeurs du scénario restent globalement les mêmes, c'est à dire pas bien plus finaudes que dans le jeu de base. Du coup, le grand-guignolesque contraste un peu trop avec le sérieux de l'aventure, et on voit un peu que le jeu ne sais pas toujours sur quel pied danser. Après ça remplit pas trop mal non plus son office et c'est pas la partie la plus importante du jeu, mais le ton a un peu perdu en cachet pour s’accommoder aux standards actuels. Un constat qui peut aussi s'appliquer aux autres aspects du jeu.
A la fois proche et éloigné, le gameplay du remake se distingue avant tout par le changement de prise en main, face à une version de 2005 qui pourrait en rebuter plus d'un. Léon bouge enfin comme dans un jeu sorti ce siècle, et ça change pas mal de choses. Dans le jeu original, non seulement vous ne pouviez vous déplacer en visant, mais la caméra restait extrêmement dépendante des mouvements de votre personnage (qui ne pouvait d'ailleurs pas se déplacer latéralement); par conséquent, tout le challenge se basait sur le positionnement et le contrôle de l'espace, et les armes étaient aussi ajustées dans cette optique (le fusil à pompe qui vide la moitié de l'écran, c'était beau). Après, si j'apprécie les choix assez radicaux du titre qui permettent de grands moments d'action et de tension, faut reconnaître que ça a beaucoup vieilli, surtout dans une industrie qui a depuis un moment accepté les schémas de contrôle standardisés (ce que je trouve dommage, mais bon). Bref, maintenant Leon se ne se contrôle plus comme un chariot élévateur, et il faut admettre que le résultat est excellent. Le titre reste sur les fondations de l'original, à base de headshots, de grenades et de high-kick, poussant le joueur à rester au contact tout en faisant tout pour éviter d'être submergé. C'est maintenant beaucoup plus simple, et le titre a effectué quelques équilibrages, comme des ennemis plus solides et des munitions plus rares (en tout cas en difficulté hardcore), pour compenser cette mobilité nouvelle; c'est un peu moins unique mais ça fonctionne très bien. Les quelques changements et ajouts notables sont tous pertinents, comme les ennemis retravaillés (ce foutu prêtre rouge en tête) et la nouvelle gestion du couteau qui, malgré une durabilité qui sert un peu à rien, s'avère vite être un outil indispensable enrichissant joliment votre arsenal, lui aussi revu: plutôt qu'une hiérarchie directe entre les armes, ces dernières ont des caractéristiques propres, donnant un peu plus de choix au joueur. Enfin, il faut quand même noter un sens du détail assez admirable dans les combats, conservé et développé depuis RE4. Des détails non pas visuels, mais mécaniques, qui viennent enrichir l'expérience de jeu. On retrouve les classiques (faire péter les explosifs dans les mains des ennemis et les faire tomber dans les pièges par exemple) mais y a pas mal de petits ajouts, comme un stade intermédiaire entre l'infecté de base et celui dont la tête est remplacé par un chewing-gum, la possibilité de contrer les projectiles ou d'envoyer les ennemis valdinguer dans les murs. Mon seul grief, c'est le manque de pièges environnementaux, en dehors du bon vieux baril explosif. J'aurais bien aimé faire tomber les chandeliers en tirant dessus. Mais au delà de ça, c'est très soigné et les additions viendront rafraichir l'expérience des vétérans de l’orignal d'une belle manière.
Le jeu a donc un système de combat très solide, mais encore faut-il avoir les niveaux pour le faire briller. Alors que le jeu reste au départ assez proche de son modèle, de plus en plus de libertés sont prises au fur et à mesure de l'aventure (l'architecture du château est quasi méconnaissable). La vaste majorité des grosses séquences sont toujours là, certaines reconstituées presque à l'identique, d'autres bien plus retravaillées. En général, les scènes d'action fonctionnent toujours aussi bien. Les ennemis sont variés, tout votre arsenal est mis à contribution et se servir intelligemment de l'environnement peut faire toute la différence. S'il faut admettre que certaines scènes s'avèrent un peu moins marquantes pour moi, en partie à cause d'un challenge forcément moins relevé (ceci dit, à voir en mode professionnel), le jeu parvient à invoquer les grands moments d'action du titre orignal, le balai dans le fondement du protagoniste en moins et les modifications évoquées plus haut en plus. Restant attaché aux choix de contrôle vétustes mais judicieux du jeu de 2005, je ne saurais pas dire s'il les égale. Disons qu'il parvient au même résultat, avec plus de modernité mais un peu moins de personnalité.
Si les plus grandes scènes restent fidèles à leur esprit d’origine, c'est dans les autres passages que ce remake prend le plus de libertés. Un certain nombre passe à la trappe, parfois au profit d'autre chose, d'autres fois perdus au nom d'un level design plus resserré, d'une approche moins loufoque que son modèle, ou pour encore peut être autre chose. Plus de gonze au lance roquette planqué dans un tableau, de prêtre qui sort sa gatling au milieu d'une salle de bal ou de petite balade de nuit au téléphérique du coin. C'est mine de rien la plus grosse perte face au titre de 2005. Ces moments n'étaient certainement pas les plus importants, mais pas mal étaient conçus comme des challenges uniques. Ils ont pour beaucoup disparus ou été remplacés par quelque chose de moins marquant, comme la séquence de rail-shooting dans les mines, qui fait pâle figure face à l’orignal (c'est ici le pire exemple, ceci dit). C'est dommage, mais il y a des ajouts et ajustements pertinents (parce que marteler X pour échapper à un caillou, ça va bien 5 minutes), et le contenu du titre reste généreux comme de très bonne facture, la richesse et la variété de l'action permettant d'oublier ce qui n'a pas fait le cut, à part peut être la perte sèche d'un boss qui fait un peu mal aux dents (il arrivait un peu comme un cheveu sur la soupe, mais c'est le boulot d'un remake de rectifier ce genre d'erreur, non ?). En parlant de boss, les deux meilleurs (Krauser et le xénomorphe) n'ont pas vraiment bougés, celui de la grange est pas folichon, Ramon est un peu plus sympa et Saddler est toujours aussi banal.
De manière plus générale, quelques ajouts ont été effectués dans les niveaux au nom de la modernité. The Last of Us est passé par là, du coup les rebords sont marqués en jaune (c'est absolument pas un problème parce que la navigation est secondaire, mais le gimmick visuel m'agace), on a un peu d'infiltration, plutôt utile quand les pétoires sont à sec, et vous serrez un peu plus souvent accompagné, histoire d'agrémenter les balades de quelques dialogues. De quoi mettre le jeu un peu plus au niveau des standards actuels, heureusement sans que cela empiète sur le cœur de l'expérience, tirer sur des trucs. Enfin, le jeu proposera des quêtes secondaires, pour des récompenses spéciales dans la boutique de l'indémodable marchand. C'est pas dingue, on tire sur des médaillons ou on flingue un monstre un peu plus solide dans un coin déjà visité. C'est du contenu facile, mais on a vu bien pire, ça ne prend qu'une toute petite partie du temps de jeu qui ne s'en retrouve pas vraiment détérioré.
Malgré quelques griefs, cette nouvelle mouture est un jeu d'action très réussi. Et je pense que les ajouts et ajustements, bien qu'assez discrets, sont suffisants pour renouveler l'expérience pour ceux qui avaient fait l’orignal, on est juste assez loin d'un simple Resident Evil 4 avec des contrôles moins claqués (pour ça, je vous conseille la version VR si vous avez l'occasion de l'essayer: y a plus aucun challenge mais c'est vraiment amusant).
Les diverses transformations n'empêchent pas le jeu d'être assez correct niveau contenu. Tout comme les remakes venus avant lui, Resident Evil 4 propose une difficulté supplémentaire après la fin et un système de score encourageant à finir le jeu le plus vite possible. Je trouvais que c'était quand même un moyen un peu facile de faire comme si on voyait pas le bout de l'aventure en une après-midi. Il m'a fallu une quinzaine d'heures ici, une durée tout à fait honnête; elles incluent certes quelques missions secondaires un peu nulles, mais la vaste majorité du contenu s’avère digne de votre temps. Pas de recyclage, ni de séquences insipides prises au nom du rythme: le jeu se concentre sur ce qu'il sait faire, et c'est tant mieux pour tout le monde. Ça paraît simple, mais ce format est devenu une rareté dans le jeu vidéo à gros budget, et c'est assez regrettable. Les quinze heures de Resident Evil 4 s'avèrent être bien plus dignes de votre temps que les cinquante de contenu sans intérêt d'un AAA boursouflé sans raison.
Pour autant, ça veut pas dire que RE4 remake est libre de toute pratique douteuse. Le mode mercenaires, bien présent et très rigolo, ne compte que trois cartes, et la campagne supplémentaire "Separate Ways" est absente. Ça sent le DLC à plein nez, et Capcom ne se dérange pas pour être déjà assez agressif à ce niveau: pour des cosmétiques, pour deux armes de précommande, pour ajouter des trésors dans les niveaux (!) et même pour les améliorations ultimes d'armes (tout à fait achetable en faisant le jeu normalement, hein), pour 3€ s'il vous plaît. C'est pas hyper méchant, mais c'est quand même un peu crade, surtout pour un jeu payé plein pot, remake de surcroit.
Visuellement, le titre est plutôt réussi. Comme évoqué plus haut, l'ambiance est plus sombre, c'est un peu trop souvent littéralement le cas, mais la DA respecte le postulat, les environnements sont détaillés (sauf l'île, mais elle a toujours été moche) et les monstres sont dégueux comme il faut. Par contre l'interface est aussi fade que partout ailleurs. Tant pis. Je constate aussi que le sound design me paraît plus en retrait que dans l'original, et que la seule musique qui m'a marqué est celle du stand de tir. Elle pète, faut dire. Peut être qu'en y prêtant plus attention la prochaine fois j'y dénicherais quelque chose. Enfin le jeu dispose de doublages français (contrairement à l'original), de bonne facture qui plus est, ça fait toujours plaisir.
S'il a laissé un peu plus de côté que je ne l'aurais voulu, difficile de ne pas considérer ce remake comme une réussite. Forcément moins révolutionnaire, radical et génialement débile que son modèle, Resident Evil 4 parvient quand même à remplir sa mission avec brio: celle d'extirper un grand jeu d'action d'un passé trop éloigné pour un grand nombre de joueurs, en restant assez neuf pour encourager les vétérans à repasser à la caisse (même si, au final, on est loin d'une réinvention). Et si j'ai pu critiquer pas mal de points, c'est bien sur l'action, qui prend le pas sur tout le reste, qu'il faut le juger, et à cela il excelle. Il brille sans doute un peu moins en tant que remake, mais il n'a certainement pas à rougir non plus.