L’évolution de la saga Resident Evil est symptomatique des difficultés avec lesquelles les grands studios japonais sont passés à la génération HD. Retard technique, gameplay vieillissant et manque d’inspiration... Capcom avait pourtant anticipé l’inévitable chute du Survival Horror à l’ancienne avec le brillantissime quatrième épisode. L’essai n’avait malheureusement pas été transformé sur RE 5, loin d’être honteux soit-dit en passant.
Pour cet épisode canonique, le studio a tout donné et a tenté de faire définitivement rentrer une recette de quasiment 20 ans dans l’ère de la haute définition. Budget pharaonique, quatre campagnes, une grosse partie des héros de la série et plus encore… Pourtant l’accueil critique a été encore plus dur que pour le précédent, mettant en avant un grand écart entre deux générations mal ficelé.
Mais ces gens ont tord.
Une chose est sûre on en a pour notre argent. Là où les jeux d’action dépassent difficilement les 10 heures de jeu, RE 6 propose quatre campagnes en binôme d’environ 5 heures chacune. Les quatre parties se passe quasiment simultanément et les histoires s’entrecroisent souvent. Le joueur peut avancer dans l’ordre qu’il le souhaite mais je pense qu’il est préférable de suivre la ligne directrice voulue par les développeurs pour mieux apprécier le scénario Z mais rigolo. On suit donc tour à tour Leon/Helena dont la campagne se veut très proche de celle du 4, mélangeant horreur old-school et action frénétique. S’en suis l’histoire de Chris/Piers clairement orientée gunfight, puis celle de Jake/Sherry qui met l’accent sur le corps à corps. Et enfin celle de la mystérieuse Ada qui fournit les dernières réponses et propose tour à tour de l’infiltration et du shoot.
Ce qui a été reproché en premier lieu au jeu c’est son gameplay se voulant purement dans la veine des TPS modernes à la Gears of War mais avec les limites de RE 5. Par exemple, il est vrai que les déplacements sont un peu plus rigides, que le système de cover est moins aisé et qu’on se retrouve rapidement à cours de munitions. Mais Resident Evil 6 ne se joue pas comme Gears of War ou Uncharted. Et je comprends les difficultés qu’ont rencontré ceux qui pensaient aligner un à un les monstres, tranquillement planqués derrière un muret. Non, dans cet épisode, il faut aller au charbon et c’est là toute la réussite du titre. Capcom n’a pas fait le lien entre deux générations de sa saga. Il a fait le lien entre deux générations de gameplay à savoir le Third Person Shooter moderne et le Beat’em all à l’ancienne. L’autre élément qui a pu choquer est que 10 années de gameplay à un seul bouton ont forcément laissé des traces. Les personnages de cet actioner horrifique sont tout aussi agiles que les ancêtres de Desmond. Ils peuvent viser, tirer, courir, esquiver, se jeter au sol, taper du zombie… Malheureusement pour le joueur devenu feignant, ces commandes s’exécutent avec des commandes spécifiques. Il faut donc tomber pour se relever, crever souvent et finalement apprendre à maîtriser un gameplay aux petits oignons. Et quel putain de bonheur quand on commence à gérer. Evidemment il est possible d’avancer en enchaînant simplement les headshots mais d’une part c’est passer à côté de tout l’intérêt du soft et d’autre part c’est suicidaire dans les niveaux de difficultés élevés. Non, un combat de RE ça se négocie en tirant dans le genou, en faisant une glissade derrière le streum affaibli et le terminant par une prise de catch qui fera valser ses petits copains trop pressants. On parlera également de la gestion de l’endurance, de l’inventaire en temps réel, des divers raccourcis bien pensés.
Mais ce n’est pas tout. Capcom fait le pari de la diversité des environnements au lieu de confiner le joueur dans un lieu unique, plus flippant au demeurant. On passe donc à 100 à l’heure d’un campus universitaire à une ville en ruine en passant par des labos futuristes, un cimetière, une crypte, un manoir luxueux… Capcom n’a pas perdu la main et le rythme est millimétré pour empêcher le joueur de lâcher la manette. La durée de chaque séquence, le nombre d’ennemis, la répartition des check points, les moments de bravoure, c’est calculé au poil de cul.. Du travail d’orfèvre. Bon il serait mentir que de parler de perfection. Quelques passages en-dessous comme la séquence enneigée de la campagne de Jake viennent ternir le tableau mais ça ne représente rien face au déluge de situations cultes que le jeu à offrir. De plus on sent que le studio connaît ses classiques et c’est un véritable plaisir que de découvrir un nouveau clin d’œil au cinéma d’horreur au détour d’un passage. Même les quelques QTE sont bien intégrés et provoquent en général une accélération de la fin de chaque campagne vers des climax monstrueux. Oui DES climax car ce qui aurait parfaitement pu terminer en beauté les différentes aventures n’est que le début d’un enchaînement de moments de bravoure. Les derniers chapitres de chaque campagne resteront imprimés dans ma mémoire comme parmi les moments les plus intenses de ma vie de joueur. Quelle générosité putain ! Enfin, malgré toute cette action, le jeu arrive à nous faire flipper avec quelques moments bien sentis. Ceux qui auront chassé du serpent dans un immeuble en ruine comprendront.
Un petit mot sur la technique quand même. C’est propre, c’est fluide. Pas le top du top du graphisme mais c’est tellement varié et tellement haletant qu’on s’en tape, ça suffit largement à s’éclater.
Bref cette critique est déjà trop longue, ce qu’il faut retenir c’est que RE 6 est un bijou de gameplay qui, je pense, réussit son pari de réunir les vieux de la vieille et les nouveaux venus. Il mêle un sens du spectacle très Uncharted dans l’esprit et un niveau de finition tout japonais. Ca se trouve à moins de dix euros aujourd’hui, pour au moins 20 heures de bonheur. En attendant le 7.