Après avoir marqué la Playstation 1 avec ses 3 premiers épisodes, la saga Resident Evil s’impose comme une franchise majeure de l’époque et Sega aimerait bien son épisode exclusif temporaire pour porter le lancement de la Dreamcast. C’est ainsi que la saga passe à la sixième génération chez Sega sous la direction de Hiroki Katô, qui avait travaillé sur le système de caméra de Resident Evil 1. Son absence de numérotation créé la confusion dans la série principale puisqu’il en fait pleinement partie alors que son intitulé laisserait entendre que c’est un spin-off, c’est un peu dommage mais c’est bel et bien le quatrième jeu majeur Resident Evil, très réputé parmi certains fans de la première heure, plus critiqué par d’autres qui attendait une proposition différente, voyons ce que j’en ai pensé en écoutant cette musique bien anxiogène pour se mettre dans l’ambiance.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆
Devant à la fois vendre les capacités de la Dreamcast et porter la saga pour la première fois sur la sixième génération, Code Veronica était attendue sur sa technique et il ne manque clairement pas d’arguments à cet effet. S’ouvrant sur une cinématique d’introduction très spectaculaire, clairement inspiré par Matrix sorti l’année précédente, ce sens de la mise en scène se retrouve tout du long de l’aventure avec les cinématiques en temps réel qui combinent les ralentis pour bien profiter des cascades, les vues subjectives, les gros plans, les hors-champs… avec beaucoup de maîtrise et d’ambition en accord avec le passage d’une génération à une autre.
Les autres cinématiques en images de synthèse seront irréprochables mais très peu nombreuses tandis que les cinématiques avec le moteur du jeu présentent quelques efforts de mise en scène intéressants, renforcés dans la version X sorti un an plus tard. Je sais que ça pu être critiqué par certains qui y voit le début du nanardesque à outrance et qui en veulent à Code Veronica pour l’avoir introduit, mais personnellement j’ai toujours trouvé que la série s’inscrivait pleinement dans cet aspect nanardesque depuis le début et je ne vois pas du tout le souci dans ces choix de mise en scène. J’aurais plus à redire sur les angles de caméra en jeu à la transition parfois stylisée, parfois brutale, le mélange est un peu étrange même si globalement ça se tient.
La grande évolution de la réalisation pour la franchise c’est que les décors ne sont plus pré-calculés mais intégralement en 3D, ce qui est une première pour Resident Evil même si Capcom l’avait déjà fait sur PS1 avec Dino Crisis, pas si next-gen que ça donc même si ça diffère vraiment des épisodes précédents. Le débat reste néanmoins ouvert sur la pertinence de passer à cette 3D encore imparfaite alors que les décors précalculés peuvent faire des merveilles. Ce qui serait une amélioration davantage factuelle ce sont les effets d’eau, de feu… élaborés et fréquents tandis que l’éclairage dynamique apparaît pour la première fois dans la saga en combinaison du retour de l’examen des objets de l’inventaire en 3D, pas mal de points positifs en terme de réalisation.
Pour ce qui est de l’artistique, c’est un peu plus mitigé peut-être. Le chara-design de Claire n’est pas très homogène entre son portrait, son modèle en images de synthèse et surtout son modèle 3D qui est le moins réussi à mes yeux, dommage c’est celui qu’on voit 99 % du temps. Quant à la direction artistique des environnements, je la trouve satisfaisante avec cette volonté de mêler inspirations classiques et originales pour la saga même si j’aurais bien aimé que la dimension enneigée soit présente tout du long pour conférer une identité visuelle plus forte à cet épisode.
L’ambiance horrifique repose des éléments assez différents avec le jumpscare, par exemple le zombi qui vient se coller d’un coup contre la vitre avec le volume qui s’emballe, le malaisant, par exemple le zoom sur une expression faciale bien curieuse devant une scène normalement répugnante… Ce n’est pas toujours maitrisé, comme ces ouvertures de porte lentes et avec les battements de cœur très audibles qui ne sont pas toujours placées au bon endroit au bon moment, mais dans l’ensemble le travail horrifique est plutôt satisfaisant.
L’OST de Code Veronica est mon OST préférée de toute la saga à ce moment-là, travail par 3 compositeurs qui n’avaient jamais travaillé sur la saga jusque-là, avec ces quelques mélodies centrales revisitées régulièrement, cette douceur par le piano et/ou les boites à musique si appropriées aux moments de calme, cette puissance avec ses cœurs dantesques pour les boss… pour une identité et une qualité sonores abouties en plus des bruitages cultes de la franchise. Par contre, il faudra m’expliquer pourquoi le « Code Veronica » n’est pas prononcé au lancement de la partie avec le fameux Resident Evil. Ce n’est donc pas une réussite à tous les plans mais ça fait bien le travail, malheureusement c’est ce que j’ai trouvé de plus réussi et je vais désormais devoir être beaucoup plus critique.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★☆☆☆☆☆
Si le passage à la nouvelle génération ne s’accompagne pas de nouveautés de gameplay réelles, notamment sur le maniement encore très rigide, sur la caméra pas toujours pratique et sur l’inventaire qui conserve toujours ses lourdeurs et incohérences inutilement frustrantes, quid des nouveautés de Resident Evil 3 Némésis ? Mais où sont passés le système d’esquive et de contre ou encore les munitions à crafter ? Et bien ils ne sont pas là. Non seulement Code Veronica ne réinvente pas le gameplay des Resident Evil, ne l’améliore pas, mais, plus inquiétant à mon sens, il régresse sur de nombreux points.
J’ai beaucoup de mal avec ça, pas seulement pour le principe qu’un passage de génération doit s’accompagner d’un minimum d’évolution ludique mais d’abord et surtout parce que ça fait que les combats sont toujours aussi chiants. La plupart du temps, essayer de jouer technique ne marchera pas, le plus efficace c’est de simplement réserver les armes et les soins les plus puissants pour les boss et ennemis puissants où on les consomme bêtement, tandis qu’on contourne les ennemis les plus basiques quand c’est possible pour économiser les ressources. Ce n’est pas intéressant manette en main à l’exception de quelques rares boss avec une situation de jeu unique comme le sniper pour vaincre Nosferatu, mais c’est très marginal dans l’expérience de jeu globale. Au quatrième épisode d’une franchise et lors d’un changement de génération de console, c’est tout de même très décevant.
Il en va de même pour le level-design qui ne présente pas de cheminement alternatif, contrairement encore une fois au troisième opus, assez peu de zones facultatives, pas énormément de raccourcis à débloquer ou de zones à redécouvrir à la suite d’évolutions... Certes, **il est de qualité très honnête pour les standards de la franchise, mais le passage d’une génération à une autre méritait plus d’ambition** à mon sens pour au moins élever d’un cran ce gameplay, quittes à ne pas le réinventer, au moins le développer. Son grand argument serait sa durée de vie, presque le double d’un épisode PS1 sans imposer de refaire le jeu une fois fini, mais ça se retourne un peu contre la formule classique du jeu qui est davantage pensée pour un environnement resserré que tu es amené à connaître par cœur.
De plus, les cinématiques et les temps de chargement prolongés pour la tension ne peuvent pas être passés aux essais suivants une mort, c’est franchement grossier comme erreur, surtout quand on mêle ça à du pur Die & Retry vicieux. Ce n’est pas si souvent que ça arrive, mais c’est suffisamment existant pour constituer un problème supplémentaire et un facteur de durée de vie contre-productive. De la même manière l’emplacement des machines à écrire est assez discutable avec des parcours assez longs et/ou fastidieux imposant des phases de jeu qui deviennent davantage frustrantes qu’angoissantes.
Il est aussi plus facile de se retrouver avec des game over passifs qu’avec les anciens épisodes, ou de manquer facilement des ressources importantes. La multitude d’emplacements de sauvegarde aide à y pallier mais c’est là encore un problème supplémentaire à mes yeux qui témoigne d’un manque de maitrise de la formule qui méritait en plus d’être bousculée. Je comprends que certains préféreront ce classicisme et aimeront Code Veronica parce qu’il en pousse l’exigence encore plus loin, mais ce n’est clairement pas mon cas. Voyons si je serai moins déçu par son scénario réputé comme l’un des meilleurs de la franchise…
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆
S’éloignant de Raccoon City et de ses environs pour la première fois dans la saga, l’univers s’étend avec ce récit qui veut ouvrir une nouvelle page pour la franchise. Ainsi, personnages emblématiques et inédits, thématiques récurrentes et nouvelles, environnements familiers et originaux… seront mêlés pour que Code Veronica soit une suite fidèle et ambitieuse pour la franchise. C’est très bien dans l’idée, voyons ce qu’il en est dans l’exécution. Et bien il ne faut attendre plus de la première seconde pour voir un premier problème, on passe de bureaux à Paris à une base sur une île on ne sait trop où dans le Pacifique Sud sans aucune transition… le ton est donné.
Nos deux héros sont courageux et intègres, sans évoluer au fil du récit et leur rencontre est rapidement expédiée sans constituer un moment réellement chargé en émotions. Ce n’est donc clairement pas de côté-là qu’il faut y chercher une réussite notable. Ce n’est pas non plus du côté de l’acolyte en la personne de Steve qui peut rapidement devenir insupportable, aussi immature qu’égoïste à l’occasion, même s’il a au moins le mérite d’avoir une petite trajectoire psychologique, même si elle n’est pas très aboutie en raison de la fin de l’intrigue :
Verbalisant très clairement qu’il ne fait confiance à personne en début de récit, qu’il pense que personne n’est fiable. La bonté de Claire et les sentiments qu’il développe pour elle l’amène à penser aux autres, notamment à elle, jusqu’à faire de sa survie sa plus grande priorité, jusqu’à ce qu’il en meure dans la souffrance pour sauver Claire d’un danger qu’il a fini par représenter pour elle. Il est donc lourdement sanctionné par le récit pour avoir progressé et appris à devenir une meilleure personne et son parcours semble aussi vain pour lui-même que pour Claire qui n’apprendra véritablement rien non plus de cette expérience.
C’est un échec scénaristique mais au moins il y a eu quelque chose de tenté et une scène dramatique surprenante et forte. Le top du top aurait été que Steve survive ou meurt selon des choix scénaristiques ou des quêtes annexes qui viendrait récompenser ou sanctionner Steve selon s’il devient cette meilleure personne ou non, sinon tout simplement qu’il survive en fin de récit puisqu’il est devenu meilleur, ou alors à la limite qu’il parte en accomplissant quelque chose d’un tant soit peu épique. En l’état, je trouve le traitement de Steve foiré et c’est bien dommage quand on voit l’importance qui lui est donné dans le jeu.
Si on veut des personnages de Code Veronica réussis, c’est vers les antagonistes qu’il faut se tourner et là c’est quasiment un sans-faute avec 2 antagonistes inédits, Alfred qui se prend pour un maître du jeu sadique et Alexia aussi puissante qu’impitoyable, et le grand retour d’un antagoniste classique de la saga qui gagne beaucoup en charisme avec cet épisode, là encore un peu plus avec la version X qui remanie quelques éléments de chara-design, de mise en scène et des répliques. Il y a aussi pas mal de petits twists intéressants à leur sujet pour relancer l’intrigue et ça étoffe assez bien l’univers de la saga en développant la montée en puissance d’Umbrella. C’est très bien mais de là à saluer Code Veronica pour son scénario, il y a de la marge.
A bien y regarder, plein de petites incohérences émaillent le récit, le sens de la quête initiale de Claire qui est très vite oubliée pour faire avancer l’intrigue dans une direction opposée, les énigmes toutes plus insensées les unes que les autres… Ce qui m’énerve surtout c’est le cliché un trop répété du protagoniste qui peut tuer l’antagoniste ou l’achever après l’avoir blessé, qui n’a absolument aucune raison d’hésiter, mais qui ne le fait pas histoire que l’antagoniste puisse revenir plus tard. De meilleurs prétextes scénaristiques auraient pu être trouvés pour résoudre ce problème qui n’est malheureusement pas le seul et qui me contraindre à terminer sur une note décevante.
CONCLUSION : ★★★★★★☆☆☆☆
Si les ventes font pâle figure face aux scores des épisodes Playstation, Code Veronica, est l’un des rares jeux à avoir dépassé le million de ventes sur Dreamcast, je peux comprendre ce succès au regard de ses qualités techniques, de sa très bonne OST et du respect d’une formule qui a pu plaire à beaucoup de joueurs. Pour ma part, je ressens un sérieux manque d’ambitions et de maîtrise, notamment pour son gameplay rétrograde et frustrant mais aussi pour son scénario truffé d’incohérences et d’imperfections, qui en font un épisode décevant.