Quelle que soit l'époque, le combat reste le même. Pour survivre l'industrie du divertissement vidéoludique devra tenter de garder votre intérêt tout en vous convaincant du bien fondé de dépenser des sommes parfois astronomiques dans le vain espoir que vous ayez un jour le temps d'user de ses services. Le cycle est maintenant devenu décennal et repose encore et toujours sur l'idée autrefois tangible qu'une évolution technologique majeure pourrait changer la manière dont vous prenez plaisir à participer aux jeux proposés.
Malheureusement, depuis des années, la machine à rêver l'amusement du futur semble coincée sur un mode mineur. Personne n'aura le souvenir attendri d'avoir joué à Wii Fit durant son adolescence pour éliminer des kilos vus comme superflus et pourtant parfaitement sains. Nul n'aura d'histoire attendrissante sur la manière dont décidément Kinect aura permis à des familles entières de se taper dans leur mobilier d'une nouvelle manière. La mode est à l'anecdotique et c'est celle-ci qui définit le cahier des charges d'une industrie paniquée par l'incertitude de sa survie. Dans le temps, des artisans cherchaient avant tout à découvrir par leurs efforts un jeu susceptible de les amuser. Sans surprise, si le titre était bon, il était appelé à se vendre. À notre époque, rien n'est moins sur. En fait, pour s'assurer du succès d'un jeu, mieux vaut prétendre l'offrir gratuitement. On en vend certes moins, mais c'est tellement dans l'air du temps.
C'est sans-doute ainsi que vous aurez eu le plaisir de découvrir RESOGUN de la compagnie Housemarque : soi-disant gratuitement. Comme excuse, le titre se présente très favorablement. On en oublierait presque que l'on doit maintenant payer chaque année une taxe assez épaisse pour pouvoir jouer en ligne ou patcher sa machine. Entre ses graphismes cubistes tendance Duplo dystopique, sa musique électronique parfaitement générique et son action effrénée mais pas vraiment novatrice; le titre a tout du parfait jeu téléchargeable de cette génération. Par chance, sous tout ce fatras plus ou moins désuet judicieusement démarqué se cache un mélange étrange de Fantasy Zone et de Space Invaders des plus plaisants. Il n'en faut pas beaucoup plus pour satisfaire enfants et parents.
Dans un futur dystopique - et donc assez familier - vous incarnez l'ongle d'un pilote intersidéral bien décidé à se laisser sidérer par les explosions pyrotechniques organisées par l'ennemi pour l'empêcher de sauver ses compatriotes humains ici judicieusement représentés par ces petits bonshommes verts que l'on met parfois sur la porte des chiottes pour savoir où l'on est censé aller. C'est un scénario très profond, il faut bien l'admettre, mais ce genre de démarches n'est jamais que l'une des conséquences de l'évolution constante des niveaux narratifs de l'art vidéoludique. Après tout, l'on vit dans le futur, va falloir s'y faire. Vous devrez donc défaire diverses machines cubistes colorées agencées tout au long d'un ruban qui - attention subtilité - s'écoule selon votre volonté vers la droite ou vers la gauche. En utilisant vos canons à piou-piou par le pouvoir de votre stick droit vous pouvez charger une barre vous donnant accès au pouvoir mystique du Méga Piou Piou. Pour un temps vous pouvez alors annihiler les ennemis ralentis par tant de débauche pyrotechnique. Gâchettes et autres manomètres voir permettent de mouvoir votre spationef tout en tentant de sauver ce qu'il reste de l'humanité. Simple et efficace.
Maintenant que vous en savez l'essentiel vous vous dites sans-doute que tout ceci est décidément très proche d'une version bidimensionnelle de Super Stardust. Et ce n'est pas faux, même si le fait que le jeu soit le produit des créateurs du titre susnommé a certainement du vous mettre la puce à l'oreille. En tant que passe-temps corsé limite passéiste le produit se pose là. Il est beau, mais pas lisible. Jouable, mais pas aussi profond qu'il ne semble s'en être convaincu. Cruel? Certes. Mais pas injuste pour autant. C'est tout simplement l'un de ces clones de classiques dont on voit tant d'itérations successives de nos jours. Inspiré du meilleur il tente de s'en rapprocher sans jamais réellement piger ce qui rendait ses aïeux uniques. Comme quoi, nul ne peut improviser l'inspiration. Ce qui ne l'empêche pas d'être une refonte habile de notions déjà vues auparavant mixées au goût du jour selon les canons de l'époque. Or, celle-ci semble encore s'accomoder de l'existence de jeux corsés nécessitant de réelles qualités en tant que joueur/joueuse pour pouvoir en tirer tout le suc. Une expérience devenue trop rare de nos jours et qui mérité d'être vécue.
Original? Certainement pas. Mais à l'inverse de la plupart des titres proposés au lancement de la PS4 ce jeu n'a pas oublié de proposer une expérience corsée dotée d'un gameplay effréné.
Il est assez unique - du moins, pour qui sait tolérer ses emprunts - et se pose comme une synthèse satisfaisante de diverses visions de la notion de shmup passées au prisme de la froide logique calculatrice de game-developers européens. Bizarrement, ce petit jeu pourrait très clairement prétendre être le meilleur titre de lancement du monolithe tronqué Made in Sony.