Monkey Island est une franchise qui me tient à cœur. J'affectionne particulièrement le troisième opus.
Aussi ne pouvais-je que me réjouir à l'annonce de Return to Money Island, avec le créateur des deux premiers opus à la manette.
J'avais tout de même quelques apréhensions. À commencer par l'annonce que tout ce qui suivait Monkey Island 2 serait ignoré. Fort heureusement, c'était une intox, de par la présence de Murray ou encore par l'album de souvenirs du menu qui "résume" les précédentes aventures de Guybrush. Depuis des années, toutes les infos qu'on a eu sur un éventuel nouvel opus de Gilbert étaient érronées, sûrement car il racontait à dessein n'importe quoi.
Ce respect du "canon" a cependant ses limites, notament de par la présence de la tête de singe sur l'île éponyme malgré les évènements de Monkey Island 4, mais plus globalement car Ron Gilbert s'en tape complètement et a décidé de faire de l'absurde pour l'absurde en ne s'embarrassant pas de telles considérations, mais nous y reviendrons.
Ma seconde appréhension était celle de la direction artistique, qui reprend cette espèce d'identité visuelle dégueulasse utilisée par Google ou certaines affiches de propagande institutionnelle ; appelons-la "wholesome-design". Au final, ça ne m'a pas trop dérangé, mais ça reste un choix plus que douteux qui parfois donne au jeu des airs de jeu flash.
Un choix qui est à l'image du récit, pour en revenir à ce que je disais plus haut. Une fois le jeu terminé, un message des développeurs s'ajoute à l'album de souvenirs, confirmant l'évidence : c'est une histoire de vieux. Des vieux qui ne s'embarassent plus des passions de leur jeunesse et y appliquent une lecture meta.
Monkey Island 3 avait réussi tant bien que mal à réparer la fin anticlimatique de Monkey Island 2. Le récit a été poursuivi dans le quatrième opus. Quant à Tales of Money Island, auquel je n'ai jamais pu jouer, il se permettait déjà de ramener LeChuck sans explication, après un "hypothétique Monkey Island 5", ce qui était narrativement discutable et préfigurait l'approche de ce nouvel opus.
On voit donc Guybrush raconter son aventure à son fils, ce qui rapelle un peu King's Quest. Le jeu se déroule avec fun : c'est du Monkey Island fidèle à lui-même. Il y a deux modes, un normal et un difficile, ce dernier n'ajoutant que des étapes aux puzzles sans modifier l'histoire (j'ai par exemple pu faire la "quête" des Affidés même si ça ne me servait à rien), ainsi qu'un livre d'astuces au cas où on serait bloqué ou pressé.
J'ai tout de même trouvé les intéractions avec et entre les éléments plus pauvres que dans les précédents opus ; beaucoup moins de possibilités, beaucoup moins de blagues afférentes...
On sent parfois que c'est un jeu fait par des vieux, avec pas mal de répliques sur la politique, le droit, les finances publiques et autres trucs chiants qu'on a aucune envie de voir dans un jeu d'aventure sauf si on est un fonctionnaire de plus de 50 ans vivant pour son travail.
Notons également que les îles sont étrangement vides, et qu'il n'y a d'ailleurs pas de singes sur l'île aux Singes... les cannibales aussi ont disparu. Regrettable.
À l'approche de la fin, plusieurs sous-intrigues sont lancées, avec le second de LeChuck qui semble plus compatissante qu'en apparence, deux des méchants se combattant, LeChuck poursuivi par sa concurrente... Ah et aussi Elaine qui est confrontée aux répercussions de l'obsession de Guybrush pour le Sercret.
Puis Ron Gilbert a décidé de faire son petit malin. En nous offrant une conclusion foireuse à la Monkey Island 2, suivie de la réaction outrée du fils de Guybrush (histoire de bien infantiliser le joueur par association). Oui, car comme c'est une histoire racontée par le Guybrush du futur, il peut raconter ce qu'il veut, blabla... Et s'y ajoute une dose de morale à deux balles (qu'on peut choisir via les répliques d'ailleurs).
Donc 1) il se fout de nous 2) en ayant parfaitement conscience du ridicule de sa/ses morales à deux balles. Mais il faut comprendre, c'est une oeuvre en mémoire du bon vieux temps, du début de sa carrière et qui porte un regard bienveillant et éclairé sur ces jeunes années et tout ce qui s'est passé depuis. Ah, que de chemin parcouru, qu'il est bon de se le remémorer. Car c'est un vieux et pour les vieux, tout est futile. Comme pour un Pixar qui aurait une fin toute pourrie et encore plus prétentieuse que d'habitude, mais une fin qui resterait bien raccord avec le "wholesome-design" des personnages. Alors c'est super, mais ça ne fait pas une bonne histoire.
Dans ce cas, pourquoi 8 ? Honnêtement, je devrais mettre 7. Mais hormis la fin, l'aventure reste sympathique et on sent que c'est une oeuvre faite avec le cœur, qui a le mérite de remettre cette franchise sur le devant de la scène, de la faire vivre un peu et qui en cas de succès pourrait mener à de nouveaux opus.
Hormis pour des questions de droits d'auteur, Disney a donné carte blanche aux développeurs. C'est là qu'on voit l'intérêt des interventions des producteurs, malheureusement.
En ce qui me concerne, la fin de la saga reste celle de Monkey Island 4, et c'est bien dommage.