Samorost est un jeu d'aventure sorti en 2003, fruit du travail de fin d'études de Jakub Dvorsky, alors étudiant à l'académie des arts de Prague. En tchèque "samorost" désigne du bois flotté, c'est-à-dire du bois qui a subi l'action de l'eau, du vent, près d'un rivage.
Le succès du jeu vient du soin apporté à la réalisation. Les graphismes sont le premier élément qui lui confère son originalité. Je les trouve magnifiques, ils sont pour la plupart issus de textures de bois (d'où le titre), de mousses forestières assemblées de façon à créer des paysages surprenants. Les personnages sont également très bien animés, et la musique ainsi que les bruitages font beaucoup pour l'ambiance étrange et reposante de ce titre.
L'interface se fait oublier puisqu'il suffit de pointer à la souris et de cliquer (seul le bouton gauche est utile). En cela il rappelle les jeux d'aventures "point and click" tels que les faisait Lucasfilm Games ou Delphine à la fin des années 1980. Il s'en écarte cependant sur plusieurs points.
Il n'y a aucun dialogue dans Samorost. Vous ne disposez d'aucun inventaire dans lequel récolter ou assembler des objets, pas de liste de verbes parmi lesquels choisir telle ou telle action. Le gameplay est très simple, très pur. L'aventure est très courte. Il s'agit en fait de résoudre une succession de petites énigmes, afin de passer à l'écran suivant pour faire progresser l'histoire, qui se déroule de façon linéaire (c'est-à-dire telle que prévue par le créateur du jeu, dans un ordre précis, sans que vous puissiez revenir sur vos pas).
Résoudre un puzzle consiste à trouver les éléments cliquables à l'écran puis l'ordre dans lequel agir sur eux. Dit comme ça, ça donne quasiment autant envie que remplir une feuille de tableur, je sais. Mais le plaisir du jeu vient de la découverte des interactions possibles, des petites animations qui se jouent lorsqu'on clique, des éléments interactifs posés là pour le plaisir parmi ceux faisant réellement avancer la narration.
Un exemple? Sur le premier écran de jeu, votre personnage vient d'atterrir sur l'astéroïde. Il est tombé au fond d'une vallée de laquelle sort un remonte pente. Un peu partout sur les collines avoisinantes des personnages sont occupés à faire de la cueillette. Au premier plan l'un d'entre eux se repose en fumant un narguilé. À côté de lui une boîte équipée d'une serrure et d'un bouton rouge.
Vous cliquez sur le bouton, il s'enfonce mais rien ne se passe. Vous cliquez sur un cueilleur d'herbe, il se contente de faire un petit tour avant de revenir à sa place. Vous cliquez sur le narguilé, le fumeur finit par le poser. Vous introduisez alors le narguilé dans la serrure, un déclic se produit. Ça y est, le bouton rouge actionne maintenant le remonte-pente. Mais le câble n'est pas bien fixé. Un clic dessus pour réparer ça et vous voilà au sommet de la colline, sur des skis. Il faut maintenant trouver comment amener votre bonhomme vers l'écran suivant, indiqué par une flèche à gauche, sachant que lorsque vous lui cliquez dessus, le bougre s'amuse à redescendre la colline. Mais vous avez remarqué un panneau indicateur au sommet, peut-être qu'en l'actionnant ... etc. etc.
Une sorte de poésie légère et absurde émerge des enchaînements d'actions souvent surprenants nécessaires au déroulement de l'aventure. Enfin, vous pouvez jouer à Samorost avec un tout petit à côté de vous, il prendra plaisir à observer les personnages, décrire ce qui se passe si on clique ici et là, recliquer dessus juste pour le bruitage amusant, etc. Allez, assez parlé, essayez ce jeu maintenant!
Pour aller plus loin :
Jakub Dvorsky et son studio Amanita design ont ensuite créé Samorost 2 et Machinarium. Dans ces jeux on retrouve le style et les points forts déjà présents dans Samorost, encore plus maîtrisés. Samorost 2 a remporté le prix du meilleur jeu pour navigateur web lors de l'IGF 2007 (Independent Games Festival). À ce même festival, Machinarium remportera le prix de l'excellence visuelle en 2009 après l'Aesthetics Award de l'IndieCade 2008.
Jetez également un œil (ou les deux, écarquillés) à la bande annonce de Kuky se vrací, film d'animation sur lequel a travaillé Jakub Dvorsky.