Quelques mots sur Seiken Densetsu 3 (Trials of Mana)
Après une expérience quelque peu mitigée de Secret of Mana, j’avais hâte de découvrir ce que pouvait proposer ce troisième opus de la série, qui fascinait tant.
En effet, n’ayant pas été localisé en Europe lors de sa sortie en 1995, Seiken Densetsu 3 est longtemps resté un mythe pour les occidentaux, qui ne pouvaient y jouer qu’en version originale en japonais ou par le biais de l’émulation et d’une fantrad en anglais réalisée en 1999.
SD3 était la promesse d’une nouvelle aventure, sans lien direct avec son prédécesseur, qui aurait permis à l’équipe de Koichi Ishii et Hiromichi Tanaka d’aller au bout de ses idées, tant sur le plan esthétique que dans le gameplay, en poussant la Super Famicom dans ses retranchements.
GAMEPLAY
Concernant le gameplay, nous sommes en terrain connu : les fondations posées par Mystic Quest et reprises par Secret of Mana sont toujours en place, avec quelques petites améliorations qui peaufinent la formule Seiken.
La phase de combat présente toujours ce système d’affrontement en temps réel, permettant une plus grande immersion. En effet, il n’y a pas de transition (ou, du moins, elle se veut discrète) entre l’exploration du monde et le lancement d’un combat, comme c’est le cas dans un Dragon Quest. De plus, le côté Action du jeu nous pousse à rester actif et à se positionner intelligemment lorsque les combats se corsent. Et même si, en général, le jeu ne s’avère pas difficile, mieux vaut éviter de réunir ses trois personnages au même endroit, au risque de prendre trois fois le coup ennemi. Et au contraire, de notre côté, il est bienvenue de chercher à placer ses meilleurs coups aux ennemis proches les uns des autres pour en finir rapidement. Notons également que dans cet opus les coups portés échouent bien moins souvent que dans Secret of Mana, où l’on pouvait légitimement s’interroger sur la configuration des hit-box.
La grande nouveauté de ce Mana est la possibilité de choisir 3 personnages, parmi les 6 proposés au départ, qui constitueront votre équipe tout au long de l’aventure. Ils auront chacun une arme de prédilection (finie l’utilisation et le up de toutes les armes par chacun de vos personnages), des magies qui leur sont propres, et un système de changement de classe. Ce dernier permet un peu de personnalisation d’équipe et est l’un des facteurs de rejouabilité du titre. Les autres facteurs sont les histoires personnelles de vos héros (bien que la trame principale soit la même, quels que soient vos choix en début de partie), les différents boss de fin, et certains lieux inaccessibles selon votre composition d’équipe (et de nouvelles musiques qui y sont associées).
Finie également la jauge de coup critique présente dans Secret of Mana, qui prenait un certain temps à être remplie et qui pouvait être interrompue par un coup ennemi. Ici, vos attaques normales font des dégâts corrects et la jauge qui se remplit vous permet d’utiliser des techniques spéciales propres à chaque personnage et à ses évolutions de classe (les belles animations des techniques en combat peuvent être aussi un argument en faveur de la rejouabilité).
SCÉNARIO
N’ayant terminé le jeu qu’une seule fois, je n’ai pu découvrir que 3 histoires. Celles de Hawkeye le voleur, Riesz l’amazone et Charlotte, petite fille du prêtre de Wendel.
Mon choix de prendre Hawkeye comme personnage principal était motivé par le fait qu’il me semblait plus âgé que les autres et que son histoire pourrait être plus adulte et intéressante à suivre. Je n’ai pas été déçu et l’histoire de Riesz m’a également plu. Celle de Charlotte m’a moins marqué, mais n’en demeure pas moins triste. En effet, il semble que tous nos héros partagent un funeste destin dont il est difficile de se détacher. Ce motif répété donne une teinte plutôt sombre au jeu.
Bien qu’elles ne soient pas les plus bouleversantes ou les plus complexes dans le monde du jeu-vidéo, ces histoires sont suffisamment bien faites et s’entremêlent de façon cohérente afin de nous donner l’envie d’en connaître plus. Ces sous-intrigues personnelles se rejoignent, au bout du compte, pour compléter la tableau de l’intrigue principale et commune. L’intérêt de rejouer au jeu au moins une seconde fois, en choisissant les 3 personnages que l’on a délaissés, prend ici tout son sens.
Le scénario principal, quant à lui, nous parle de la déesse Mana qui crée le monde grâce à l’épée Mana et qui l’utilise, par la suite, pour combattre le mal et l’enfermer dans des cristaux. Après cela, la déesse s’endort et se métamorphose en l’arbre Mana.
Notre histoire débute bien après, lorsque des forces maléfiques commencent à convoiter le pouvoir scellé dans les pierres Mana afin de mener le monde à sa perte…
L’histoire principale est très sommaire mais permet de ne pas s’y perdre avec les histoires personnels de chaque héros. C’est une sorte de toile de fond ; elle a son importance, mais ne brille pas particulièrement.
L’ESTHÉTIQUE ET L’OST
Petit point sur ces deux aspects du jeu, qui subliment celui-ci et lui confère sa singularité.
La belle introduction qui se lance lorsque l’on démarre l’aventure nous met tout de suite dans le bain et affiche l’ambition de l’équipe. En effet, selon les dires des développeurs, l’augmentation de l’espace de la cartouche de Seiken Densetsu 3 (on passe de 16MBs pour Secret of Mana à 32MBs pour SD3) leur a permis de travailler plus amplement les décors et les personnages. Et le résultat est époustouflant ! Le travail sur la profondeur de certains lieux, l’utilisation d’une large palette de couleurs faisant varier les tons, et l’animation des éléments qui composent la faune et la flore sont une grande réussite. Ainsi, le jeu est enchanteur, vivant et restera dans les mémoires, entre autres, grâce à cela.
Mais également pour sa musique. L’OST composée par Hiroki Kikuta (déjà présent sur Secret of Mana) est de nouveau excellente et habille élégamment le monde que l’on parcourt et les moments que l’on vit. Avec des sonorités plus variées que dans SoM qui font intervenir de nombreux instruments. Le jeu fait la part belle aux percussions : tambours dans le morceau « Whiz Kid » ou « Walls and Stells », Xylophone dans « Another Winter » et maracas dans « Powell ». Mais il est aussi question de guitare dans « Innocent sea » (inspiré du morceau « Memories of Alhambra » de Francisco Tárrega), ou encore de flûte dans le très ensoleillé et entraînant « Splash Hop ».
Les ambiances sont multiples ; on passe du tonitruant au mélodique, du guilleret au mélancolique, de l’oppressant au paisible. Là où l’OST de Secret of Mana mettait l’accent sur le merveilleux, le féerique, celle de SD3 est remarquable par son éclectisme.
CONCLUSION
Tout d’abord, je tiens à dire que j’ai joué à ce jeu en solo et n’ai fait qu’une partie. En ce sens, mon expérience diffère des personnes qui y ont goûté via le mode multijoueur avec un proche. En effet, leur retours sont souvent très positifs et mettent en avant l’aspect coopération où chacun indique à l’autre ce qu’il compte faire, comment s’organiser, comment s’entraider lors des combats. La rejouabilité et la variété de personnages sont également très valorisés car, en ne contrôlant qu’un seul d’entre eux en mode multijoueur, on peut plus s’attacher à son histoire et à son évolution. Et l’envie n’en est que plus grande de changer d’air lors d’une nouvelle partie en choisissant son nouvel héros.
Je comprends donc tout à fait qu’une expérience pareille puisse marquer les esprits, et encore davantage si vous avez eu la chance d’y jouer pendant votre jeunesse/adolescence.
Et quelle aubaine si celle-ci se déroulait durant les années 90 !
De mon côté, j’ai tout de même apprécié l’aventure malgré les quelques défauts qu’il ne faut pas occulter et qui ne s’effacent pas avec le temps qui passe.
Si du côté de l’esthétique le jeu vieillit très bien et se hisse parmi les meilleurs et plus singulières productions sur Super Famicom, c’est du côté du gameplay que le bât blesse.
-Je trouve que les combats sont trop fréquents.
-le menu en anneau n’est pas agréable à utiliser, pourtant il le faudra très souvent (la navigation dans les menus, plus généralement, est lente).
-les magies qui se lancent figent le temps et cassent le rythme des combats.
-les magies offensives sont inesquivables, que ce soient les vôtres ou celles de vos ennemis. Le jeu ne propose pas de stratégie particulière à ce niveau là. Ce qui vous obligera à vous soigner régulièrement et d’espérer que l’i.a des monstres ne lance pas deux sorts dangereux à la suite (cela s’avère d’autant plus frustrant, et vous condamne, lors des combats de boss).
On pourrait également en attendre davantage de l’aspect exploration, dans un jeu si beau et immersif. Il n’y a que très rarement de l’interaction avec les décors, des énigmes à résoudre, passages secrets ou coffres intéressants à ouvrir (D’ailleurs, l’amélioration de votre équipement ne se fera qu’auprès des vendeurs d’armures et d’armes).
J’ajouterais également que le jeu ne nous tient pas par la main. Ce que je considère souvent comme étant un bon point, mais qui ici, de part le peu d’indications sur la marche à suivre, et l’exploration approximative par la voie des airs, nous fait parfois tourner en rond (à titre de comparaison, un jeu comme Chrono Trigger, sorti la même année au Japon, et présentant une aventure également assez ramassée, s’en sort mieux sur cet aspect là).
Pour terminer, je dirais que Seiken Densetsu 3 reste un bon jeu à faire aujourd’hui, malgré ses défauts, et pour peu que vous ne soyez pas hermétique au retrogaming. Je le conseillerais à toute personne souhaitant découvrir ce qui se faisait de mieux en terme de technique sur Super Famicom, avec des combats de boss et décors impressionnants, une bande son de qualité aux pistes variées, et une animation très soignée. Les amateurs d’Action-RPG de l’époque seront également ravis de jouer à ce titre en multijoueur, proposant une aventure d’une vingtaine d’heures, facilement renouvelable, et ainsi, apprécieront ce jeu à sa juste valeur.