Les entendez vous ? Les 7 trompettes de From Software sonnent à l'unisson annonçant avec elles l'arrivée de la mort. Sa faux est aiguisée tel un sabre de grande qualité et ses apotres pullulent aux 4 coins d'Ashina, prêts à appliquer la sentence. Soyez préparés car son châtiment sera implacable, cependant par chance il ne sera pas définitif, car les ombres meurent deux fois....
FROM SOFTWARE, HIDETAKA MIYAZAKI ET SEKIRO
Voila plus d'une décennie que From Software représente l'incarnation d'un jeu vidéo exigeant (certains disent difficile). Initié d'abord avec Demon's Souls dans un relatif anonymat, le bouche à oreille a fini par donner une petite réputation au jeu, du moins assez pour lancer une suite.
C'est ainsi que naitra Dark Souls et qui marquera un tournant à la fois pour Hidetaka Miyazaki son créateur, mais aussi pour l'industrie du jeu vidéo au sens large. Le succès est au rendez vous et représente une véritable énigme statistique.
En effet à cette époque le mot d'ordre dans le jeu vidéo est de ne surtout pas frustrer le joueur. Ce dernier doit réussir des choses visuellement incroyables le plus facilement possible afin de ressentir une valorisation de chaque instant. Miyazaki a implanté dans ses jeux la gratification par l'effort et non pas gratuite. Le fait de franchir cet obstacle qui vous a barré la route 38 fois avant procure un plaisir bien caractéristique des œuvres du studio. Le temps a passé, Dark Souls est devenu une trilogie et il a vu naître l'enfant gothique Bloodborne, également un chef d'œuvre s'il fallait le préciser.
Dorénavant, Hidetaka Miyazaki est arrivé à la tête de From Software. Une véritable success story.
Sekiro est né d'un désir de rebooter une ancienne franchise phare de la Psone à savoir Tenchu. Un jeu prenant place au japon féodal dans lequel le joueur incarnai un shinobi devant assassiner des cibles dans des niveau relativement ouvert. Tout cela se fera en partenariat avec Activision (Puisque Tenchu était également sous leur bannière à l'époque) désireux d'élargir son catalogue afin de ne pas être uniquement identifié comme "Les gens qui font Call Of".
CONTEXTE ?
Vous êtes Loup (Ookami), un Shinobi ayant fait le serment de protéger le jeune seigneur Kuro dont le sang semble précieux. Et c'est ainsi depuis toujours, tout ce qui est rare est convoité. D'autant plus lorsque ce sang caresse du doigt une obsession humaine : la quête d'immortalité.
Il ne vous aura pas échappé à vous, adepte de jeu vidéo sur-informé, que le héros porte une prothèse au bras. Ainsi je ne vous surprendrai pas en vous disant que Loup échouera lors du prologue à empêcher l'enlèvement de son maitre et cela, au prix d'un bras. Récupéré par un bien étrange vieillard que l'on surnomme le sculpteur, notre héros fera donc l'acquisition de cette prothèse qui s'étoffera en possibilités au fil de l'aventure. Ookami (Loup) devient alors Sekiro (Le loup au bras armé). Et comme le sous entendais mon introduction, il aura également la possibilité de revenir d'entre les morts "une fois par combat". (C'est un peu plus compliqué mais j'y reviendrai).
Habitué aux narrations nébuleuses et environnementale, From Software a fait le choix (à moins que ce ne soit une volonté d'Activision) d'être plus clair dans son histoire. Les dialogues seront plus nombreux qu'auparavant même si ce n'est toujours pas un jeu extrêmement bavard. Ce ne sont pas les descriptifs d'objets qui étofferont l'univers cette fois. Et pour la première fois donc, on incarnera un héros prédéfini sans passer par la case création d'avatar.
BOUDHISME ET MEDITATION
(Te permettront d'éviter que la manette vole dans le salon)
Sekiro a fait grand bruit depuis sa sortie, nombre de réactions à chaud faisant état d'une difficulté semblant encore plus poussée que celle de ses grands frères. Mais qu'en est-il vraiment ? Maintenant que j'ai fini le jeu et que j'ai pu le digéré je ne le qualifierai pas forcément de "plus difficile". Ce qui est sur cependant, c'est que les premières heures s'avèrent plus arides et décourageantes encore. Car si vous êtes un habitué du studio, il va falloir perdre certains reflexes acquis naturellement avec vos aventures précédentes. Jouer des esquives ne vous fera pas triompher de vos ennemis. L'absence de barre de Stamina également est assez perturbante quand on avait l'habitude de compter ses coups afin de ne pas se retrouver désemparé au prochain blocage. Ici vous pouvez attaquer autant que vous le souhaitez... Enfin autant que vos ouvertures le permettront. Explication.
BUSHIDO SOULS OF TENCHU
Les équipes de From Software ont réalisés une véritable prouesse. Celle de réussir les meilleurs combats de sabre jamais vu. Les affrontements se jouent surtout sur les barres de gardes. Lorsque vous ou votre adversaire bloquez un coup, une barre de posture se remplit , et lorsque celle ci est pleine, vous brisez la garde de l'ennemi (ou il brise la votre) pouvant ainsi l'achever dans un tourbillon de sang que ne renierai pas Quentin Tarantino. Réussir à bloquer pile au moment du choc occasionnera une parade parfaite qui déviera le coup de l'adversaire et augmentera bien plus sa barre de garde. A cela s'ajoute des coups "imparables" qui sont annoncés par l'apparition furtive d'un Kanji rouge lorsque l'adversaire prépare ce type d'attaque. Ici il y a donc plusieurs solutions :
- S'éloigner rapidement
- Réussir un contre parfait (mais prendre le risque de prendre pleinement le coup en cas d'échec)
- Ou encore un peu plus tard, lorsque certaines compétences seront apprises, identifier le type d'attaque imparable (Balayage et Estoc) et utiliser le contre adéquat (Sauter sur la tête de l'ennemi dans le premier cas, ou écraser la lame contre le sol avec le pied dans le second). Ces contres spécifiques seront vitaux lors de certains affrontements.
C'est clairement un des aspects les plus réussis de ce Sekiro, les lames s'entrechoquent dans un déluge d'étincelles. Les pas chassés se suivent et les sauts également rendant le tout extrêmement chorégraphié et vif. Et lorsqu'un coup touche, les barres de santé (surtout la votre) fondent de façon indécente rappelant l'aspect implacable des joutes de Bushido Blade (coucou les anciens).
Des années à jouer sur les esquives remplacées par la science du timing des blocages et parades, ça déstabilise. Le point sur lequel on peut concéder un niveau supérieur de difficulté à ce Sekiro est sur l'exigence qu'il demande en terme de lecture de jeu. La fenêtre de prise de décision face aux coups des ennemis est plus restreinte. C'est ce qui provoque cette impression de difficulté très sèche au début. Mais passé la moitié du jeu, vos reflexes auront pris d'autres proportions et vous vous surprendrez à rattraper ce verre d'eau au bord de la table ayant failli tomber, épatant ainsi toute votre famille et vos amis tel un shinobi. Et c'est bien l'essence des jeux From Software de provoquer un dépassement de vous même.
Autre mécanique centrale du jeu, vous aurez la capacité de revenir d'entre les morts 1 fois après chaque passage d'une idole de sculpteur (les checkpoint de Sekiro comme l'étaient les Feux de Camps de Dark Souls ou les lanternes de Bloodborne). La résurrection pourra également être rechargé en tuant des ennemis.
Enfin, autre propriété du titre, la possibilité d'exécuter discrètement les adversaires en un coup si vous réussissez à vous faufiler furtivement jusqu'à eux ou en sautant d'un toit. Cette mécanique a donc contraint les développeurs à augmenter le nombre d'ennemis présent dans les zones afin de conserver un challenge élevé.
Fort heureusement face à ce menu bien épicé votre personnage pourra évoluer. Éliminer vos adversaires vous procurera de l'expérience remplissant une barre. Une fois celle ci pleine, loup obtiendra un point de compétence. Ces derniers vous permettront de débloquer de nouvelles techniques et autres effets passifs.
Battre un demi-boss vous fera gagner une perle de collier de prière. 4 Perles et c'est votre santé ainsi que votre barre de posture qui augmentent. Terrassez un Boss et c'est un souvenir de bataille qui vous revient, augmentant ainsi votre puissance d'attaque.
CONSTRUCTION VERTICALE ET PLAFOND DE DIFFICULTÉ
Un autre aspect qui a fait la renommée du studio japonais, c'est sa science du level design, l'architecture de ses niveaux. Pour Sekiro, la capacité d'user d'un grappin a permis aux équipes de travailler d'une autre façon, bien plus verticale qu'à l'accoutumée. Si on perd obligatoirement une parti des plaisirs du déblocage de raccourcis (même si toujours présent mais moins gratifiant), on gagne en possibilités d'approches plus variées et en cachettes dans tout les coins.
La philosophie du "Si vous le voyez, c'est que vous pouvez y aller" prend encore une autre ampleur ici. Il m'est souvent arrivé de découvrir un lieu et en tournant la caméra de me dire "Ah mais c'est donc ça que j'apercevais quand j'étais la bas", ou encore de chercher un point d'accroche pour le grappin afin de rejoindre cette corniche qui me tendais les bras à quelques dizaines de mètres.
Autre point capital : Les Boss. Entre les Demi Boss et les vrais Boss il est clair que le jeu n'est pas avare en obstacles pour vous barrer la route. D'autant que chacun demandera d'être apprivoisé et étudié avant d'en venir à bout. Certains seront particulièrement retors soyez prévenus...
SHAMISEN
Alors tout est-il parfait ? Presque. Petite déception sur les thèmes musicaux qui, même s'ils servent à la perfection l'immersion, manque de temps fort. Point de thèmes marquants venant amplifier le charisme d'un boss intimidant. La dimension épique restera pour les chevaliers et les chasseurs nocturnes...
Quand sonne la fin du voyage on constate que le jeu est moins généreux en nombre de zones différentes bien qu'il le soit d'avantage dans leurs superficie. La densité de l'aventure est alors relativement similaire à ce à quoi le studio nous a habitué. J'ai mis environ 28 heures sur ma première partie et 7 ou 8 de plus pour m'amuser à revisiter et faire tout l'annexe. Ma 2éme me prendra moitié moins de temps puisque c'est l'apprivoisement et la découverte qui prennent une part non négligeable du temps de jeu. J'ai mis 1h30 à faire ce qui m'avais pris plus de 6 heures la première fois sur mon début de 2éme partie c'est dire ! D'autant que le jeu est taillé pour le speedrun puisque nombre de Semi Boss peuvent être évités.
Et puis quand c'est bon on en veut toujours plus, alors une zone ou deux supplémentaires n'auraient été que du bonheur pour moi. On peut espérer que le studio continue ses habitudes et vienne combler cela avec une ou deux extensions de qualité comme c'est toujours le cas. Bloodborne m'avais donné la même sensation de "j'en veux encore" et son extension est venu sublimer le matériaux d'origine avec brio.
UN BIEN BON SAKE
Sekiro vient confirmer l'aisance de From Software à appliquer sa philosophie dans des univers divers et variés. A chaque fois on reconnait inévitablement la patte, mais il y a assez de différences pour conférer à chacun de leurs titres sa singularité propre. Avec cette aventure sous fond de japon féodal, le studio signe son système de combat le plus aboutis mais aussi celui à la marge de progression la plus vertigineuse.
Fort d'un level design plus aérien, les équipes ont su se renouveler tout en conservant un plaisir de découvertes et d'exploration. Observer la topographie des lieux sera le meilleur moyen d'en découvrir les secrets même si on ne sait jamais ce qui nous attend dans ce chemin un peu caché que l'on s'apprête à arpenter.
Intimidant les premières heures, on fini obligatoirement par subir l'apprentissage à la dure du jeu et gagner en confiance. On apprend les zones, on apprend les Boss et on planifie ses stratégies jusqu'à ce moment grisant ou l'écran vous gratifie d'un "Exécution de Shinobi". On sait pourquoi on vient. C'est justement pour ça. Vous le savez, Miyazaki le sait. Et il vous le donne.