2017 : La bombe Automata est lâchée sur le monde. La déflagration est totale. En Février 2021 on dénombre 5,5 millions d’unités vendues. Goodies, Fan Art, Cosplay, Albums, Vinyles, Artbook, Guide Book, Romans… Nier est devenu à Drakengard ce que la franchise Persona est devenue à Shin Megami Tensei. Le Spin Of qui dépasse la série dont il est issu.
Pourtant en 2010 un essai beaucoup moins impressionnant commercialement avait eu lieu. Nier, la nouvelle licence de l’excentrique Taro Yoko (dans cet ordre et non pas l’inverse) sortait dans une certaine indifférence. Il faut dire que le jeu avec son esthétique austère et un bilan technique très en retard sur son temps ne donnait que peu envie. Il fallait vraiment se gaver de JRPG et déjà avoir écumé les titres majeurs du genre pour donner sa chance à cette gueule cassée. C’était mon cas. Alors que je déambulais l’air hagard à la recherche d’un JRPG pour me faire un fix de levelling je suis tombé sur Nier le jour de sa sortie. J’avais bien vu passé quelques articles ci et la et des notes plutôt moyennes mais je lui ai donné sa chance...
Retour en 2021 : Le temps a passé, plus de 10 ans, Nier est devenu un jeu cher à mon cœur. Il est aussi devenu un jeu cher à mes finances puisqu’à l’annonce d’un collector de cette œuvre étape de mon parcours de joueur j’ai marqué le coup. Et donc…
- NON MAIS ON S’EN FOUT DE TA VIE ! JE SUIS VENU LIRE UNE CRITIQUE PAS UN BLOG ! ET SURTOUT C’EST QUOI DE CE TITRE DE CRITIQUE ?!
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Bon déjà soyons clair, je ne vais pas décrypter le jeu sous tous ses angles. Je ne vais pas analyser chaque mécanique, chaque point et en dresser un bilan mathématique. J’aimerai donner une idée de ce qu’est Nier sans trop en dire et surtout nuancer ce qu’il émane de lui.
Nier c’est quoi ? C’est la suite d’une des fins de Drakengard 1 qui était lui-même la suite d’une des fins de Drakengard 3. C’est un action RPG chapoté par son créateur Taro Yoko sous la bannière de feu le studio Cavia. Les créations du monsieur sont toutes très particulières. On y retrouve toujours une forme de pessimisme et des thématiques complexes. Mais c’est aussi un créateur mineur à qui on n’alloue très peu de moyens financier pour donner vie à ses créations. C’est un détail important puisqu’il explique pas mal de choses sur les limites des jeux finaux. Enfin c’est un personnage un peu fou qui a l’intelligence de bien s’entourer (Keichi Okabe, Yosuke Saito, Akihiko Yoshida, Platinum Games…) Cet excentrique du monde du jeu vidéo s’est vu propulsé en l’espace d’un jeu (Automata) en créateur incontournable. Passant d’une carrière de galères à créer des jeux avec des bouts de ficelles au succès disons le : très modestes et confidentiels à success story.
Forcément c’est ici une opportunité très alléchante pour Square Enix de jeter un coup d’œil dans le rétro et retaper l’épisode fondateur de la saga Nier. C’est ainsi que nous voyons débarquer Nier Replicant 1,22 (et des poussières).
REMAKE OU REMASTERED ?
D’abord abordons les considérations purement esthétiques via la question du bilan technique et du travail abattu sur cette refonte graphique de Nier. Puisque c’est surtout de cela dont il s’agit ici, est-ce un remake ou un remastered ? La réponse est incontestablement un remastered.
La structure même du jeu est identique en tout point. Les mêmes murs invisibles, les mêmes 5 PNJ qui se baladent dans des espaces archi vides, le même micro-monde (nan pas le truc pour faire réchauffer ta gamelle du midi au boulot). On a changé le papier peint, mais la bâtisse est la même. Pas de nouvelles zones, ni d’augmentation de taille des anciennes.
Par contre le jeu est d’une fluidité impériale et le personnage se déplace désormais encore plus vite. Mais c’est surtout dans son système de combat que l’accent a été mis. L’objectif a incontestablement été d’uniformisé cet épisode avec Automata. Ainsi en s’inspirant de ce qui avait été fait par les talentueuses équipes de Platinum Games en 2017, les actions du personnage sont désormais bien plus élégantes et légèrement plus variées par l’ajout de combos (mais rien de bien fou, service minimum). Il n’empêche que si un point devait être souligné c’est bien cette refonte du système de combat.
Les modèles 3D des personnages ont été refait, les textures sont plus fines, les éclairages et effets de particules plus variés et accentués etc. C’est un résultat tout à fait honnête pour Toylogic. Toutefois le jeu n’est toujours pas un étalon graphique. Si l’original avait une tête de jeu PS2.5, ici on est sur du jeu PS3.5.
Conclusion, aucun remaniement majeur n’a été effectué. C’est le même jeu avec un bilan technique plus propre et plus fin. Il y a bien quelques petits ajouts… mais rien qui ne transforme le jeu.
Il est plus qu’un simple lissage HD et permet à Nier 1,22 (et des cacahuètes) d’être moins sec visuellement et manette en main.
Il est moins qu’un remake qui aurait pris plus de risques et évidemment couté plus d’argent.
UNIVERS ET SCENARIO
A la suite d’une des fins de Drakengard, un événement va provoquer une maladie dans notre monde. Le protagoniste et sa sœur Yonah essaient de survivre dans cet univers en perdition. Affamés, ils trouvent refuge dans un supermarché où ils se font attaquer par des ombres. Tout juste comprend-on que nos héros sont en possession d’un étrange grimoire. Notre personnage interdit à sa sœur de l’ouvrir. Devinez quoi ? Elle va l’ouvrir. Ecran noir. 1400 ans plus tard. Nous voici dans un univers médiéval avec nos héros. Yonah est atteinte de la nécrose runique et le protagoniste va devoir trouver les vers scellés afin de la guérir. Que s’est-il passé ? Et bien il va falloir charbonner pour tout savoir.
La différence entre ce remastered et l’original est que nous jouons le frére de Yonah (comme la version japonaise d’époque) et non pas son père (comme la version américaine/européenne). De plus une nouvelle quête principale dont l'histoire est issue d'un roman Nier paru au japon se voit incorporé à l'acte 2 de la trame principale. Enfin un mini "donjon optionnel" est présent afin de gagner quelques costumes et armes bonus (non prise en compte pour débloquer les dernières fins). Il consiste en un enchainement de salles avec des ennemis à tuer. 45 minutes suffisent à le boucler, rien de bien consistant donc.
Le scénario de Nier est sa force principale. Il faut attendre assez tard dans le jeu pour que les premières révélations tombent mais les cartes sont rabattues sans cesse apportant avec elles des nuances sur des situations qui semblaient pourtant binaire au premier abord. La galerie de personnage est touchante et atypique. Entre le très british et pince sans rire grimoire Weiss, le profondément gentil et écorché vif Emil et la très directe et vulgaire Kainé, c’est un quatuor pas banal que vous suivrez durant cette aventure.
POURQUOI NIER ETAIT-IL UN JEU CULTE ?
Je vois fleurir telles des larmes lunaires (salées) pas mal de retours de personnes découvrant Nier avec ce remastered. Et il en ressort beaucoup de frustrations voir de déceptions et d’incompréhensions.
Avec le succès d’Automata, il était attendu que beaucoup de fans tardifs allaient prendre le train à l’envers et profiter à juste titre de ce remastered pour remonter le fil de la saga. Ce que beaucoup n’attendaient peut être pas c’est de se trouver face à un game design aussi peu enclin à fluidifier son rythme et à bercer le joueur dans des récompenses purement vidéo ludiques. Car la plupart des défauts que l’on pouvait évoquer dans Automata comme sa map tassée et vide ou son annexe redondant étaient encore plus exacerbés ici.
Ils vont être nombreux à pester durant l’acte 1 (soit la moitié de la première run) qui se résume à farmville X boniche simulator option quêtes annexes de l’enfer. Si vous êtes comme moi du genre à faire tout l’annexe comme si votre vie en dépendait alors vos nerfs vont être mis à rude épreuve. C’est bien simple vous ne ferez que des aller retours entre 5 zones pendant 15 heures. Hyperventilation garantie.
D’ailleurs disclaimer pour les complétistes, une fois passé un certain point de l’histoire cette annexe sera irréalisable. Il faut absolument avoir bouclé 50% des quêtes annexes AVANT
de vous rendre à un certain manoir. Si vous visez le 100%, sachez-le.
Heureusement l’acte 1 n’est à faire qu’une fois. Car c’est désormais connu, les jeux de Taro Yoko doivent être fait plusieurs fois d’affilée pour connaitre leur dénouement. Ici le jeu est divisé en 2 actes. Le 1er ne sera donc fait qu’une fois. Le 2éme par contre sera à faire 4 fois... ou 5 ? Ces différentes boucles permettent de porter un regard différent sur certains passages et de mieux comprendre voir de nuancer les points de vues et aboutissent aux fins A B C D…
Mais découvrir Nier 1.22 (et des... brouettes) en 2021 et avoir découvert Nier en 2010 sont 2 expériences bien différentes.
Imaginez plutôt. Arriver sur un jeu de Taro Yoko sans en connaitre les spécificités qui semblent si évidentes aujourd’hui. Découvrir les musiques de Keichi Okabe sans y être préparé. Découvrir ce système de fin multiples et de scénario fragmentés aux divers points de vue. C’était un choc artistique comme celui qui a pu frapper des millions de joueurs de Shadow of the Colossus ou Journey. Un souffle de romantisme sombre dans lequel se mêle drames et réflexions sur le médium. La fameuse nécessité absurde de tuer dans le jeu vidéo qui est une des obsessions de son créateur. Aujourd’hui un jeu de Taro Yoko génère des attentes. Avant on n’attendait rien et on se prenait tout cela en pleine face. Ainsi les gens qui ont été sensible à tout cela on voulu mettre en avant leur découverte et le bouche à oreille a fait son chemin. Malgré tout le premier Nier n’est resté qu’un succès d’estime vénéré par un noyau dur de fans. Et sa réputation a pris toujours plus d’ampleur, le temps et la mémoire occultant ses défauts en ne se souvenant que de ses qualités.
DE NOUVEAUX ARRANGEMENTS POUR UNE BANDE SON LEGENDAIRE
Que serait ce jeu sans sa bande son… C’est probablement à 70% grâce à elle que Nier possède une telle aura. Que la si vide plaine septentrionale nous enchante et nous entraine. Que notre village et son potager inspire la quiétude. Que ses combats de boss expédiés sans difficultés possèdent malgré tout un souffle épique. Que ses drames nous crèvent le cœur. Je ne me prononcerai pas sur les nouveaux arrangements. Certains trouvent qu’ils transcendent les versions originales, d’autres qu’ils les dénaturent. Tout juste pouvons nous affirmer qu’elle tutoie toujours les sommets quoi qu’il arrive et que la dessus, nous devrions tous être d’accord.
CONCLUSION A
Ce qu’il faut bien comprendre avant de se lancer dans l’œuvre de Taro Yoko c’est que ses jeux sont dans une démarche artistique avant tout. Pourtant il utilise intelligemment son médium pour porter une réflexion sur ses propres codes, les détourner et parfois s’en amuser en se jouant de nous : joueurs. Sur le plan vidéoludique pur nous ne sommes « objectivement » pas face à un grand jeu. L’intérêt n’est pas la. C’est un peu comme si un créatif foisonnant d’idées se lançait dans la peinture à l’huile en l’ayant peu ou pas pratiquée. Il en ressortira peut être une fulgurance dans la démarche, une fraicheur peu conventionnelle. Mais les puristes et académiciens de la peinture à l’huile pesteront devant le manque de maitrise technique.
CONCLUSION B
Nier a été érigé par le noyau dur de sa fanbase comme un chef d’œuvre absolu et, à mon sens, c’est faux. Et c’est à cause de cette appellation approximative et inexacte que des déceptions surviendront peut être. Ce n’est pas un chef d’œuvre rationnel. C’est un jeu du cœur. C’est un jeu qui a clairement une vision et une ambiance peu commune, parfaitement représentative de son créateur. C’est une œuvre singulière qui a su apporter un vent de fraicheur au milieu des RPG Japonais trop souvent codifiés et balisés. Mais c’est aussi un jeu vidéo cassé et fauché, perfectible dans sa construction et qui ne donne pas toujours ce que l’on attend de lui.
Il faut accepter de faire des quêtes annexes soporifiques pour, au final, n’avoir aucune récompense matérielle hormis des conclusions à l’écriture douce-amère come Taro Yoko en a le secret.
Il faut accepter de subir un acte 1 qui ne laisse en rien présager de la profondeur que recèle l’expérience globale.
Il faut accepter de refaire plusieurs fois la 2éme partie du jeu pour connaitre le fin mot de l’histoire.
CONCLUSION C
Peut être le détesterait vous de toutes vos forces ? « Surcoté ! Mal Foutu ! Chiant ! Tout ça pour ça ?! ». Et ce n’est pas bien grave. C’est même totalement compréhensible. Ça ne fait pas de vous quelqu’un sans gout mais au contraire avec des gouts qui vous sont propre. Ca ne fait pas de vous quelqu’un d’idiot qui n’a pas entrevu le prétendu génie de son créateur. Ça ne vous a juste pas parlé.
Ce que je peux vous dire c’est que moi ce coup de cœur je l’ai eu il y a 10 ans. Je ne m’attendais pas à ça et on m’a montré une autre façon de faire du jeu vidéo. C’est curieusement un jeu dans lequel je me sent bien et si je ne notais qu’avec mon cœur j’aurai été au dessus de 7 pour l’importance qu’il a dans mon parcours. Mais je sais qu’en dépit de l’affection que j’ai pour toute sa partie narrative (9) le jeu en lui-même est beaucoup trop plombé par des défauts qui peuvent empiéter sur l’expérience globale (5). Alors ce sera une note mi passion mi raison.
CONCLUSION D
Nier c’est un peu la pizza à l’ananas de l’A-RPG (je veux cette phrase en épitaphe sur ma tombe). Ceux qui aiment ça vous assureront que c’est le meilleur truc du monde. Mais peu de gens aiment la pizza à l’ananas et elle n’est pas faite pour plaire au plus grand nombre.
CONCLUSION E
(Succès débloqué : Nier : la pizza à l’ananas de l’A-RPG + Nier sauce au tomata = 2 critiques avec des jeux de mots culinaires.)