Je ne vais pas passer par quatre chemins. Sekiro, qui est déjà pour moi mon coup de cœur de cette année, est dur, voire très dur. Mais cette difficulté, qui n’est pas si ATROCE que certains voudraient faire croire ( je suis moi même un bon joueur sans pour autant exceller), est nécessaire dans la proposition d’Hidetaka Miyazaki et le discours qu’il tend à partager à travers son œuvre. En effet, celui-ci, depuis une dizaine d'années maintenant entretient dans ses jeux une réflexion sur la mort, son acceptation, et la manière de considérer la vie avec ce facteurs en tête. Ainsi dans ses œuvres, le joueur est amené à reconsidérer la mort comme une étape essentielle, logique et inhérente aussi bien au jeu, amenant un discours meta sur la considération de celle-ci dans le jeu-vidéo (généralement en tant qu’echec), qu’a la vie. Et dans sekiro, cette pensée trouve un nouvel écho dans cette esthétique Du Japon féodal, et la philosophie du bushidô (voie du guerrier) qui en découle, avec cette manière singulière qu’avaient les samouraïs de considérer la mort comme élément central de leur vie de guerrier. Car voilà le thème sous jacent derrière cette difficulté de façade : exceller dans la mort, le dépassement de soi dans son acceptation, comme de vrais samouraïs. Tant de thèmes qui perdraient de leur substance si la difficulté était revu à la baisse. Car cette difficulté est l’element sine qua non de ce propos, parce que c’est elle qui met le joueur en face de cette mort qu’il va devoir apprendre à accepter.
Ce qui me permet de tirer un coup de gueule sur le débat à propos de la difficulté de sekiro :
Sekiro, et les jeux de Miyazaki de manière générale, plus que de simples jeux, sont avant tout l’œuvre d’un auteur, derrière lesquels transparaît une certaine philosophie, ici axée autours de la mort. Il est donc tout à fait logique que les mécaniques de jeu soient articulés autour de celle-ci et que le joueur doit s’y confronter (très) souvent, devant passer de la simple frustration et du sentiment d’échec à son acceptation et la voir comme une étape de progression logique afin de pouvoir avancer. Ainsi, la difficulté est un élément logique et surtout nécessaire à ce discours. Je peux comprendre que celle-ci puisse paraître décourageante pour certains mais ce n’est pas une raison suffisante pour exiger un mode « facile ». Cette exigence peut se comprendre vis-à-vis de certains jeux dans lesquels celle-ci ne serait pas l’élément centrale, mais dans le cas de sekiro, l’exigence des joueurs va en total opposition avec l’essence même du jeu et de son discours. Si le jeux-vidéo espère atteindre le statut d’Art, comme le souhaiterait certains, il faudrait, pour commencer,sortir de ce rapport de consommateur avec son produit devant répondre à tous ses désirs, ce qui ne fait que tirer le médium et ses créateurs vers le bas. Vous pouvez conspuer le jeu, être en désaccord avec la manière dont il a été pensé, mais ce n’est pas une raison pour vouloir dicter vos envies. Acceptez de vous plier à l’exigence de son auteur ou acceptez que CE jeu-ci n’est peut être tout simplement pas fait pour vous, et ce n’est pas comme si l’offre de jeux sur le marché n’était pas assez diversifiée pour convenir à tout le monde, mais n’essayez pas d’imposer VOTRE vision de ce que le jeu devrait être.
Surtout que ce débat, qui est un non sens pour moi, occulte toutes les autres qualités du jeu, la richesse des mécaniques, le système de combat innovant et grisant une fois maitrisé, créant une véritable valse mortelle avec son adversaire, l’infiltration qui, sans être fameuse, reste sympa, la construction intelligente du level design (normal de la part de FromSoftware), les feedbacks aussi bien visuels que sonores et j’en passe. Il y a bien quelques ombres au tableau comme l’ia des ennemis en phase d’infiltration, la surabondance de statues de bouddha (équivalent aux feux de camps dans les Souls) qui dilue le sentiment de progression, ou quelques rares boss vraiment craqués pour le coup ou pas très intéressants (2 ou 3 grand max pour ma part) et leur surabondance donnant une impression de Boss Rush, mais rien de spécialement grave.
En bref Sekiro, est un excellent jeu, et un grand Miyazaki qui ne cesse, depuis dix ans maintenant, d’assoir sa légitimité en tant qu’auteur incontournable de la scène vidéoludique. Et ce jeu mérite toute votre attention.