Sekiro : Shadows Die Twice


Après la ville victorienne infestée de monstres tentaculaires dans Bloodborne et l’univers de Dark Fantasy de Dark Souls 3, From Software revient malmener ses joueurs avec Sekiro : Shadows Die Twice, qui se déroule cette fois durant l’ère Sengoku du Japon féodal.
La première chose qui frappe le joueur vétéran de la série Soulsborne, c’est le travail de la narration : dès la cinématique d’introduction, le contexte est posé clairement. Le scénario se déroule de manière presque limpide. Presque, car ce que l’on voit, même si beaucoup moins cryptique que dans un Dark Souls par exemple, reste la partie immergée de l’iceberg, et le joueur attentif pourra découvrir un univers beaucoup plus riche. Le joueur qui ne se passionne pas pour le lore pourra quant à lui apprécier une histoire simple et avant tout fonctionnelle. Cette dernière se développe autour d’une quête d’immortalité, et on retrouve donc les thématiques cycliques de vie et de mort propres au studio.
Le récit est servi par de réels personnages : Kuro, Emma, Genishiro, et bien sûr, Sekiro. Car c’est là l’une des grandes nouveautés du titre : le joueur incarne un personnage bien défini, le shinobi Sekiro. Pas de création de personnage donc, et le système RPG à base de statistiques à améliorer est lui aussi supprimé au profit d’arbres de compétences. De même, le jeu ne propose qu’une seule arme, le katana qui suivra Sekiro du début à la fin de l’aventure. La personnalisation de l’avatar ainsi que toute la dimension de build sont inexistantes, ce qui pourra gêner les joueurs en quête de diversité et de rejouabilité. Toutefois cette simplification permet au nouveau venu d’appréhender le jeu sans devoir se casser la tête et passer 3 heures sur un forum pour pouvoir commencer le jeu sans avoir peur de se tromper, surtout que ce dernier propose enfin un didacticiel digne de ce nom.
Autre nouveauté, et pas des moindres : la prothèse de Shinobi, qui vient équiper Sekiro après le prologue. Cette prothèse permet au joueur d’utiliser différents outils qui seront récupérés tout au long de l’aventure, comme le grappin, les shuriken, le lance-flamme… Ces outils peuvent être améliorés grâce à un léger système de craft, et seront très efficaces contre les différents types d’ennemis, qui possèdent tous un point faible à exploiter.
Outre la prothèse, le gameplay de combat change radicalement par rapport aux derniers jeux From Software. Dans les Soulsborne la vigueur est le nerf de la guerre, car elle permet d’attaquer et de se protéger. Une mauvaise gestion de la fameuse barre verte entraîne ainsi une mort certaine. Dans Sekiro la vigueur disparaît, ce qui signifie que le joueur peut effectuer autant d’actions qu’il le souhaite. A la place, le personnage comme les ennemis ont une barre de posture, qu’il faut remplir afin de pouvoir placer un coup mortel, tout en protégeant la sienne. Cette barre se vide naturellement avec le temps, et se videra d’autant plus vite que les points de vie du joueur ou de l’ennemi sont hauts.
Les combats sont composés de deux phases. L’attaque permet de mettre la pression sur l’adversaire et d’entamer légèrement sa barre de posture. Si le joueur trouve une ouverture, il pourra aussi grignoter les points de vie de l’adversaire, afin d’empêcher la barre de posture adverse de diminuer trop rapidement. La deuxième phase, cruciale, est naturellement la défense. Le joueur dispose de nombreuses options pour se protéger des attaques adverses. Il peut bloquer (ce qui augmentera sa propre posture), dévier (ce qui augmentera la posture adverse), esquiver et sauter. Le blocage correspond au maintient de la touche de garde (L1 sur une manette Playstation, Lb sur une manette Xbox), la déviation correspond à l’appui sur cette même touche lorsque l’attaque de l’adversaire touche. Pour remporter les nombreux duels que propose le jeu, le joueur devra apprendre à lire les mouvements des adversaires afin de pouvoir réagir rapidement et adéquatement : dévier les attaques, esquiver les chopes, sauter par-dessus les balayages, contrer les estocs. Sekiro est en ce sens très proche du jeu de rythme, et les timings ont ici une importance encore plus fondamentale que dans les Soulsborne.
Impossible de mentionner les combats sans parler de la difficulté du jeu. Oui, c’est extrêmement dur, surtout pour un joueur vétéran qui aura du mal au début à se défaire des réflexes acquis sur les précédents jeux. Dans la majeure partie des cas, l’esquive et le déplacement autour de l’adversaire ne sont plus rentables, il vaut mieux être statique et contrer les attaques. Des habitudes à changer donc, mais cela permet ensuite au joueur d’apprécier pleinement ce nouveau gameplay terriblement efficace et jouissif. From Software a parfaitement su retranscrire la mortelle précision des combats au sabre, avec notamment toute la maîtrise de soi nécessaire. Le joueur est rappelé à sa propre humilité, et échouera en boucle avant de connaître suffisamment ses ennemis pour pouvoir les battre. Celui qui n’est pas prêt à passer par cette phase d’apprentissage, véritable adn des jeux From Software, n’aura aucun espoir de venir à bout des nombreux et très réussis (pour la plupart) bosses que propose Sekiro.
Le jeu se pare également d’un système de furtivité qui ne sera pas sans rappeler Tenchu (autre série de From Software). Le joueur peut en effet se dissimuler et attaquer ses adversaires dans le dos, ce qui pourra notamment permettre de donner un premier coup mortel aux mini-bosses. Ce système est très basique, surtout que l’IA est, il faut le dire, complètement à la ramasse. Il permettra surtout de se débarrasser d’ennemis en surnombre, et l’on préféra nettement les duels au sabre, beaucoup plus satisfaisants.
Pour le reste, le joueur habitué se sentira comme à la maison : le level design est toujours aussi excellent, avec comme toujours des zones interconnectés et de nombreux raccourcis à débloquer. C’est extrêmement satisfaisant de monter en haut des toits d’un château et de découvrir à nos pieds toutes les zones traversées auparavant. Le grappin en particulier permet d’approcher les situations de manière beaucoup plus verticale, et le jeu s’en amusera à plusieurs reprises. On retrouvera également les gourdes d’eau de soin, qui ne sont rien d’autre que le nouveau nom des fioles d’Estus, et les idoles du sculpteur, qui remplacent les cultissimes feu de camp. La direction artistique est sublime : si le jeu n’est pas le plus beau de la génération, ni même le plus varié des titres de From Software, il reste très coloré et les architectures sont toujours aussi soignées. La musique est, comme à l’accoutumée, particulièrement réussie.
Le titre n’est malheureusement pas exempt de défauts, à commencer par la caméra. Cette dernière sera responsable de nombreuses morts, car elle a tendance à faire n’importe quoi quand le joueur est acculé dans un coin d’une pièce. Difficile de réagir correctement aux attaques d’un ennemi lorsqu’il est impossible de le voir… Certains bosses semblent issus d’un autre jeu de Sekiro tellement leurs mécaniques semblent hors de propos, comme le taureau enflammé. Quelques fautes techniques, notamment des imprécisions dans le gameplay, peuvent se révéler extrêmement frustrantes dans un jeu qui requiert autant de précision de la part du joueur.
Globalement, on tient là un très grand jeu, assurément une des meilleures propositions de 2019 pour le moment. On se prend déjà à rêver d’un second opus mieux maitrisé, à l’image d’un Dark Souls 3 parfaitement huilé. En attendant, le prochain jeu de From Software devrait être un monde ouvert en collaboration avec GRR Martin, l’auteur de la saga littéraire A Song Of Ice And Fire. De quoi mettre l’eau à la bouche !

FloSnow
9
Écrit par

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le 3 juin 2020

Critique lue 451 fois

FloSnow

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