La Belle Mort de la PlayStation 2
Rien que de revoir la jaquette de la boîte, j'en ai des frissons ... Pour être franc, à l'époque, je n'attendais pas ce jeu. Et je n'avais pas joué à un autre titre auquel il était lié : Ico, dont j'avais entendu dire le plus grand bien. Et pourtant ... SotC fut pour moi un moment fort en matière de jeu vidéo et une aventure que je n'ai pas oubliée. Souvenirs ...
Le principe de base de Shadow of the Colossus est simple, mais ambitieux. Perdu au milieu d'un vaste territoire bercé de mélancolie, un aventurier, seul avec sa monture, part combattre douze titans. Son objectif est simple : ramener à la vie sa douce, miracle prétendument rendu possible par la mort des douze colosses. Mais s'agit-il de miracle ou de malédiction ? Durant tout le jeu, le joueur sera partagé dans l'appréhension de la quête de notre héros, sur la réalité véritable entourant les monstres de ces terres, sur les motivations de cette voix quasi-divine, mais si inquiétante, qui guide ses pas après chaque victoire, sur l'évolution de notre personnage, paraissant au fil de l'aventure de plus en plus happé par les ténèbres, jusqu'au dénouement de l'intrigue, qui loin de nous apporter la solution de cette équation complexe, nous ouvrira de nombreuses portes tendant à la compréhension ou l'incompréhension de ce monde.
Shadow of the Colossus est un jeu manifestement ambitieux malgré cette simplicité de l'action. Gage de qualité, l'environnement est très réussi malgré un volet technique juste correct. On sent que notre PS2 a parfois du mal à suivre le gigantisme des colosses et du vaste monde qui les abrite. Notre personnage et son brave cheval sont souvent anguleux, l'aliasing est assez présent, les environnements sont épurés, les graphismes sont enveloppés d'un voile terne et ténébreux. Mais là n'est pas l'essentiel, et les petits gars de SCE ont réussi à conférer au titre un vraie âme qui ferait pâlir d'envie nombre de jeux à la technique plus chiadée. Et l'essentiel est assuré : l'environnement épuré porte en lui une vraie personnalité nous amenant à la contemplation, le voile terne n'est pas appréhendé comme une tare technique mais comme un élément de narration, les graphismes des personnages et colosses sont compensés par leur animation et leur design.
C'est ainsi que chaque joute contre les colosses devient un véritable enjeu, lourd, dramatique, spectaculaire, dont notre héros - et le joueur - sort grandi ... ou affecté. C'est grandiose, sans être flashy. C'est une quête lourde, ténébreuses, à la frontière entre le bien et le mal. Détruit-on des ennemis ? Ou détruit-on le monde qui nous entoure ? Parviendrons-nous à ressusciter notre amour ? Quel en sera le prix ? Shadow of the Colossus est un titre magique ... mystique.
Il est court, mais avec du recul la durée de vie est pertinente en lien avec le déroulé du jeu et son objectif. En un mot, le jeu est globalement cohérent et l'on regrettera seulement quelques choix parfois déroutant dans le dosage de la difficulté au fil de l'aventure (pas mal de colosses sont assez faciles à terrasser, le dernier est le seul particulièrement rotor).
Shadow of the Colossus est donc, en ce qui me concerne, un titre majeur du catalogue PlayStation 2, innovant, bien tourné, immersif, intelligent. Le contraire d'un block-buster qui nous en aurait mis plein les mirettes sans aller au fond des choses. Il est de ces jeux qui nous rendent fiers d'être joueurs.
Bravo ! Et encore !