Il se trouve que je n’avais jamais trouvé le temps de finir Shadow of the Colossus, sa boîte trônant maintenant sur une étagère et la Playstation 2 sur laquelle il a été lancé fin 2005, depuis longtemps remisée. Il aura fallu une période de confinement et le choix de la version PS4 du jeu de Fumito Ueda dans les «jeux gratuits du mois» du PSN pour que je me décide à me relancer dans ce qui est effectivement un chef d’œuvre vidéoludique.
Le scénario tient sur un post-it : le jeune Wanda (aucun lien avec le poisson) amène sa défunte bien-aimée dans un mystérieux mausolée ensorcelé, avec l’espoir de la faire revenir à la vie. Une voix mystérieuse lui indique son objectif, simple : il faut tuer un a un les colosses qui sont reclus sur le territoires alentours pour détruire les idoles qui leur correspondent dans le mausolée. Armé d’une épée magique et d’un arc, le voila parti sur le dos d’Agro (le cheval qui sera son seul compagnon pendant toute son épopée) à la découverte de ce monde.
Cette découverte est en soi un des plaisirs du jeu. Il y a dans cette promenade au grand air dans des forêts, des gorges et des ravins, des déserts et des collines une joie peut être renforcée ces temps-ci par la frustration de notre période confinée. Arriver à chaque colosse n’est pas en soi complexe (même s’il y a quelques acrobaties à faire parfois), mais finalement on ne se précipite pas, on prend le temps d’apprécier les paysages, la (rare) faune. Et puis arrive le moment de la découverte de chacun de ces adversaires.
Là la surprise fonctionne à chaque fois, et bien évidemment tout particulièrement lors des premières rencontres. On semble réveiller chaque colosse en arrivant à proximité. Ils sont énormes, emplissent l’espace (et l’écran), leurs pas (souvent lents) font trembler les alentours. On a le temps d’en faire le tour comme on contourne un pâté de maison. On cherche le côté par lequel entamer l’ascension du colosse, on guette surtout le point faible qui rend faillible chacune de ces écrasantes montagnes. Et l’on en vient à bout, souvent au bout de multiples essais infructueux. Et l’on retourne instantanément au point de départ, pour recommencer le processus.
Aussi simple que ça, et pourtant furieusement beau et bon. Peut être est ce la grâce des déplacement de Wanda et des colosses, une sorte de chorégraphie étrange. Peut être est ce les déplacements de caméra qui donnent à l’ensemble, en plein jeu, une dramaturgie cinématographique fascinante. Le gameplay simple et efficace, que l’on s’approprie rapidement et naturellement. Ou la mélancolie qui se dégage de l’ensemble. On retrouve ces éléments dans The Last Guardian, le jeu suivant de Fumito Ueda.
Toujours est il qu’on reste scotché devant l’écran, autant acteur (d’autant que la difficulté est rapidement croissante) que public de ce spectacle. On perd le fil de l’intrigue post-it, on oublie l’objectif, on n’est plus là que guidé par une voix pour aller tuer des idoles, l’une après l’autre.
Alors on peut trouver quelques reproches, quelques (rares) mouvements et placements de caméra qui rendent illisibles certaines séquences. Une petite lassitude qui nous gagne au bout d’une dizaine de colosses abattus (peut être même est-ce voulu). La tentation de regarder des soluces pour arriver au bout (oui, j’y ai cédé, ok c’est bon), en une douzaine d’heures.
Mais la satisfaction d’achever chaque colosse reste entière. La fin nous réconcilie avec le scénario. Et surtout, on ne regrette pas ce voyage, qui laisse des images imprimées dans notre esprit.
Un chef d’œuvre, je te dis.