N'ayons pas peur des mots : Ce jeu est un chef d'oeuvre.
Et entrons tout de suite dans le vif du sujet : Oui, pour l'apprécier en premier lieu, il faut vraiment entrer dans l'histoire. Si elle ne prend pas le joueur vite, ça va être compliqué. Et encore, ne te plains pas toi qui le découvre aujourd'hui : A l'époque Dreamcast, tu étais obligé d'avoir un certain niveau en anglais (ou en japonais) vu que dans nos contrées il n'était pas doublé ou sous-titré en français.
Le jeu est un exemple parfait de la quête du héros. Ryo Hazuki, le jeune prometteur en arts martiaux qui a comme but de venger la mort de son père en se lançant à la poursuite de Lan Di, un redoutable adversaire a priori imbattable, aidé par divers amis et mentors, avec des artefacts à retrouver.
Oui, ce jeu est un jeu à ambiance. Oui, le rythme est posé, bien qu'on puisse tout de même aller plus vite à certains moments si on est pressé. Ce qui serait dommage, car ce premier volet se passe dans un coin où Ryo a passé son enfance, ainsi, il connait beaucoup de monde. Famille, voisins, amis, commerçants... Outre les dialogues principaux servant le fil rouge de l'intrigue, au détour d'un dialogue, on peut toujours en apprendre plus sur eux et les apprécier. Rarement je le pense, un jeu aura permis de s'attacher autant à des gens.
Un jeu avec une bonne part de contemplatif (j'insiste sur le "une bonne part" car ne le réduisons pas à cela) n'a pas plu à tout le monde qui n'a pas accroché à l'histoire, au rythme qu'ils estimaient trop lent ou à certaines mécaniques de jeu. Jusque là, soit.
Mais au-delà de ça, toute personne qui nierait le tour de force technique de l'époque serait d'une complète mauvaise foi. Il a fallu inventer plein de choses spécialement pour ce jeu. Exemple parmi d'autres, ce jeu était contenu sur 3 CD sur Dreamcast. Selon le staff, il aurait fallu plusieurs dizaines de CD au départ, avant qu'ils ne trouvent des solutions pour économiser la mémoire.
Shenmue avait alors une musique orchestrale magnifique, c'est toujours le cas aujourd'hui. Des graphismes qui pour 1999 sont assez dingues. Regardez les visages de personnages d'autres jeux fameux de l'époque, en comparaison, on croirait des huitres pas fraiches. Des cinématiques en masse. Un open-world dynamique où on peut parler à chaque personnage et qui à sa vie propre, et un système de combat basé sur Virtua Fighter.
Car oui, on parle beaucoup des QTE (et j'y reviendrai) mais pour l'action, tout ne se base pas sur le QTE. Il y a de nombreux free fights. Rares au début, mais de plus en plus nombreux au fur et à mesure que le jeu avance, le dernier tiers en a à foison. On peut s'entrainer librement à divers endroits, ce qui ne sera pas de trop pour faciliter les combats ardus des dernières heures.
Alors oui, tout n'était pas parfait. Il y avait certaines maladresses comme la démarche du héros, les personnages qui parfois répètent leur réplique en boucle (un grand classique des jeux bavards), il aurait été bon de parfois pouvoir passer le temps, et il y avait quelques lourdeurs dans le gameplay même pour l'époque. Lourdeurs plus flagrantes aujourd'hui, mais on parle d'un jeu sorti il y a 20 ans, une éternité dans le monde du jeu vidéo. La PlayStation 2 n'était pas sortie et c'était deux ans avant le premier GTA en 3D. Le jeu essuyait les plâtres des Open-World modernes et il serait bon de ne pas l'oublier.
Reste les QTE. Aujourd'hui on râle que Shenmue l'utilise. Le jeu n'a pas inventé cette mécanique de jeu mais l'a, disons, dépoussiérée. Mais si ensuite des tonnes de jeux se sont mis à l'utiliser paresseusement, ne blâmons pas Shenmue, blâmons ces autres jeux pour ne pas avoir essayé de se renouveler. Personne ne les a forcés.
Le jeu mélange habilement différents éléments :
- Enquête, on peut parler à tout le monde comme je le disais pour chercher des informations pour avancer.
- Exploration, l'Open-World est de taille assez réduite comparé à ce qui se fait aujourd'hui, mais très détaillé. Et un 2e terrain de jeu s'ouvre à vous dans la 2e partie du jeu !
- Combat, malgré les apparences, vous devez castagner bien 200 personnes en tout dans le jeu.
- Énigme. Elles restent assez simples.
- Course. Vous aurez souvent l'occasion de conduire un... chariot élévateur. Oui. Et une moto.
- Aventure, bien que ce côté soit plus palpable dans le 2e volet.
- Et même un peu d'infiltration, tiens.
Naturellement, dans un Open-World, il y a quelques quêtes annexes et easter eggs, mais aussi des moyens de glandouiller. Bien entendu on peut penser à la salle d'Arcade. Salle qui permettra de s'adonner aux fléchettes et à quelques softs, tels des vieux succès du jeu vidéo de Yu Suzuki, comme par exemple Space Harrier. Et on va être franc deux secondes : Un éditeur pas trop peu scrupuleux aurait pu vendre une compilation de ces jeux + seulement 2-3 supplémentaires, à 30 balles, sans sourciller. Et ça aurait même pu marcher. Shenmue est généreux.
Qu'ajouter ? Les méchants sont trop cools. Outre les divers thugs bien sûr, je pense naturellement à l'antagoniste principal Lan di certes, mais on le verra peu. En revanche il y a ce maboul de Chaï, accompagné de son thème bien creepy.
Pour boucler ce jeu sans foncer ni trainer, il faut bien compter 20 heures. 20 heures dont il serait dommage que vous vous priviez maintenant que vous avez la version HD à portée de main, traduite et aux temps de chargements quasi inexistants, mais aussi vu l'ambitieuse suite sortie dans la foulée, et le 3e volet qui se profile...