Si vous avez déjà voyagé et séjourné loin de chez vous, dans un pays qui ne vous est pas particulièrement familier et où toute tentative de comprendre le dialecte local s'est initialement soldé par un échec, alors Shenmue II devrait vous rappeler bien des souvenirs.
Sans m'étaler sur ma vie, il se trouve que j'ai eu le plaisir de parcourir Shenmue I & II en rentrant d'une longue année à l'étranger, et l'expérience, une fois Ryo arrivé à Hong Kong, est frappante : on se sent autant perdu qu'on a pu l'être nous-mêmes, au milieu d'une foule de visages inconnus et anonymes, des rues vastes et intriquées, de panneaux à foison et incompréhensibles (même si les habitants parlent anglais ou japonais par commodité de jouabilité et de moyens, les panneaux sont en effet écrits en cantonais). On ne comprend pas trop où il nous faut nous rendre, on cherche sa route, on a quelques mésaventures. Le premier contact avec l'inconnu est souvent rude pour le corps et le coeur.
Et puis progressivement on s'approprie les lieux, on commence à se repérer et on a de plus en plus confiance pour s'orienter, on fait connaissance avec quelques personnes, on subit la lourdeur du quotidien mais aussi les surprises de l'inattendu, ce qui ne les rend que plus marquantes.
Et c'est bien tout ce que j'ai adoré dans le jeu, cette capacité à faire remonter des instants, des sentiments vécus à la surface, au travers d'un simple jeu vidéo.
Au contraire, l'aspect film d'action asiatique et les quelques éléments fantastiques disséminés ne sont guère ce qui m'aura le plus marqué ; et c'est peut-être pour ça, paradoxalement, que le chapitre à Kowloon, malgré l'environnement saisissant et inoubliable que représente ce dédale de béton et de couloirs obscurs mais pourtant plein de vie, m'aura le plus ennuyé avec ses nombreuses rixes.
Au contraire, le très contemplatif dernier chapitre, souvent relevé pour son manque flagrant d’interactivité en rupture avec le reste du jeu, m'a beaucoup plu, illustrant encore plus ce que l'on peut ressentir, perdu, à l'autre bout du monde.
En définitive, Shenmue II brille par le dépaysement qu'il apporte, avec des panoramas splendides et des quartiers que l'on sera pressé de revisiter d'ici quelques années, et cette fine retranscription de l'état d'esprit d'un voyageur, à la fois curieux de découvrir et inquiété par le manque de repères.
Tout cela m'a parlé, et je ne vais pas oublier Ryo de si tôt ; en espérant que la suite de ses aventures sauront se montrer aussi subtiles et habilement menées que les deux premières !