En 2002 j'avais une XBox. La Dreamcast, j'en avais entendu parlé, mais n'avais jamais eu l'occasion de l'essayer. Quant à Shenmue, inconnu au bataillon. Et puis un jour, sur un DVD de XBox Magazine, je tombe sur la démo de Shenmue 2. Je la lance, pour voir.
Je me retrouve aux commandes d'un jeune homme, Ryô Hazuki, qui débarque d'un bateau dans le port de Hong-Kong. J'ai sur moi une lettre avec l'adresse d'un certain Wan Chai. C'est là que je dois aller ? En bas à droite de l'écran, il y a les boutons de ma manette et l'un d'eux clignote alors j'appuie dessus. Un carnet s'ouvre à l'écran qui m'apprend (dans un français au style télégraphique bourré de coquilles) que je suis à la recherche de l'assassin de mon père, un certain Lan Di. Accessoirement, je dois en apprendre plus au sujet de deux miroirs, du dragon et du phénix. J'en ai d'ailleurs un dans mon sac à dos. OK. En attendant, je flâne et je joue au touriste. Aïe ! À part le carnet, le reste du jeu est en anglais. Mais ça va, même en comprenant un mot sur deux, je m'en sors.
Bon je suis libre d'aller où je veux alors j'en profite. Je prends les passants en photo, j'admire les étals des marchands. Je peux même zoomer dessus pour les regarder en détail. Allez, j'achète un briquet. Ça ne sert à rien mais c'est marrant. Ailleurs, je me fais interpeller par un gars. On me défie au bras de fer. Pourquoi pas ? C'est pas dur, suffit de bourrer un bouton, et en plus j'ai gagné quelques dollars HK. Cool ! Je me rachète un autre briquet.
Un peu plus loin, une cinématique se déclenche. Je manque de me faire renverser par une jolie rousse à moto. Petit dialogue et chacun repart de son côté. Je ne la reverrais plus de toute la démo. Dommage.
Bon, ce n'est pas tout ça mais j'ai une enquête à mener. J'ai une adresse, mais je ne sais pas où c'est. J'ai bien acheté un plan, mais le nom des rues n'y est pas indiqué. Je me décide à interroger un passant au pif. Celui-ci est charmant et m'indique la direction. Un peu plus loin, nouvelle cinématique. Cette fois, c'est un gamin qui appelle à l'aide. Trois voyous veulent lui faire la peau ! Devant une telle détresse, je ne peux pas reculer et je suis prêt à me battre mais… coup de théâtre ! La victime était de mèche avec ses agresseurs et me vole mon sac à dos ! En quelques secondes, tout le monde s'enfuit dans une direction différente et je me retrouve baba. J'ai perdu toutes mes affaires, mon argent, ce fameux miroir qui avait l'air si important et, plus grave, mes briquets !
J'interpelle un passant. Apparemment. La bande est connue dans le quartier. Je vous passe les détails, mais après avoir interrogé deux ou trois autres personnes, je retrouve le gamin qui pavane près d'une fontaine. Ni une, ni deux, une course poursuite commence. C'est une cinématique, ah non, c'est une séquence interactive ! Le gosse renverse une pile de cageots dans une ruelle, je dois appuyer rapidement sur un bouton qui s'affiche à l'écran. Je panique, je me trompe, Ryô trébuche mais la séquence continue. Je suis plus attentif et je réussis les QTE suivants mais j'en rate encore un et cette fois, je perd de vue mon pickpocket. Game Over ?
Non, apparemment la partie continue. Rebelote, j'interroge un commerçant, je retrouve mon voleur dans une ruelle et j'entame une autre séquence de QTE, différente de la première. Mais cette fois, je garde le contact et la poursuite s'achève dans un cul de sac, devant les trois autres voyous de la bande. Et un combat commence ! Quoi, comme dans un vrai jeu de baston ? Ben ouais. Ça ressemble à du Tekken (je ne connaissais pas Virtua Fighter à l'époque) mais à trois contre un, c'est chaud ! Je m'en sors malgré tout et à la fin, le gamin accepte de me rendre mon sac.
Et… c'est la fin de la démo.
Chère lectrice, cher lecteur, je ne vous connais pas mais si vous êtes trop jeune pour avoir connu cette époque, il faut que vous réalisiez que tout ce que je viens de décrire plus haut, cela n'a peut-être l'air de rien aujourd'hui mais en 2002, pour moi, c'était du jamais vu. L'environnement en 3D, la liberté d'aller n'importe où, de parler avec tous les PNJ… C'était génial. Rien que le fait que les QTE ne soient pas du simple die & retry, que les échecs soient pris en compte et génère des déroulements alternatifs, c'était révolutionnaire. Je peux vous assurer que cette démo, je l'ai poncé dans les moindre détails et, même si on peut la boucler en une demie heure, j'ai passé plusieurs heures rien qu'à rejouer la course poursuite !
Quelques semaines plus tard, j'ai enfin pu jouer à la version complète et c'était un vrai bonheur.
Shenmue 2, ce sont des heures passés à explorer Hong-Kong et Kowloon, pour des moments de jeu qui restent en mémoire des années durant : s'entraîner à attraper des feuilles avec deux doigts, déplacer des piles de livres sans les faire tomber, travailler dans un entrepôt pour gagner quelques dollars, visiter une école shaolin, rester stoïque avec un rasoir sur la gorge, participer à des combats de rue, jouer à l'équilibriste dans une tour en ruine et c'est sans parler des petites activités annexes et facultatives : jouer à la salle d'arcade, aux machines à sous, au pachinko, à divers jeux de hasard ou aux fléchettes, collectionner les gashapons et les briquets, faire du bras de fer… il y a de quoi faire !
L'histoire est très agréable à suivre. En parallèle de son enquête sur l'assassin de son père et de découvrir la vraie nature de ces fameux miroirs, Ryô découvre Hong Kong et les arts martiaux du continent, et fait la rencontre de toute une galerie de personnages mémorables.
Le jeu est généreux. Rien que le premier chapitre du jeu est plus long et plus vaste que le premier Shenmue dans son intégralité. Et il y a encore un chapitre 2, tout aussi fourni, ainsi qu'un bel épilogue calme et poétique pour terminer l'aventure.
Enfin, quand je dis terminer… j'en arrive au sujet qui fâche, et qui m'empêche de mettre la note maximale. Shenmue II se conclut par une scène magnifique, pleine de poésie et d'émotions… et un bon gros « à suivre dans le prochain épisode ». Aujourd'hui je me rappelle encore ce moment qui restera à jamais ma plus grosse frustration de joueur ! Déjà que cette histoire n'avait pas de début (à la place, pour la version XBox, je n'avais qu'un DVD de cinématique résumant Shenmue), mais en plus elle n'avait pas de fin !
La suite, on la connaît. Les joueurs XBox rejoindront les joueurs Dreamcast dans l'attente d'une hypothétique suite. Les années passant, j'avais fait mon deuil mais contre toute attente, 17 ans plus tard, Shenmue III est sorti.
Mais la vraie bonne nouvelle, à mes yeux, c'était le pack de remaster de Shenmue I et II. Mon graal, à moi, c'était de pouvoir découvrir enfin le premier épisode. Mais j'ai déjà écrit une critique de Shenmue, alors je n'en parlerais pas ici (spoiler : j'ai adoré). Ce qui nous intéresse, c'est Shenmue II alors revenons à son remaster.
Bonne nouvelle, les textes sont maintenant intégralement traduits en français correct. Encore mieux, il y a la VO japonaise, Même si à l'époque, les voix anglaises ne me gênaient pas (on était habitué aux doublages pourris dans toutes les langues à cette époque), pour les avoir réécoutées aujourd'hui,elles sont clairement moins convaincantes que les voix originales.
Pour le reste, il s'agit vraiment d'un remaster minimum syndical. Le jeu est resté dans son jus. Les seules améliorations techniques notables étant des temps de chargement quasi instantanés entre les zones et la possibilité de sauvegarder quand on veut, mais ce sera l'unique concession accordée aux joueurs. Pour le reste, à eux de s'habituer à la maniabilité de l'époque.
Comme je l'ai expliqué dans ma critique de Shenmue I, passé une heure de jeu, le jeu ayant un rythme calme et incitant à prendre son temps, je n'ai pas eu de problème avec les contrôles. Les seuls moment qui nécessitent un gameplay plus nerveux sont les QTE et les combats, et ces phases sont très jouables, même pour un joueur actuel.
J'ai donc redécouvert Shenmue II avec un plaisir inchangé. Même après presque vingt ans, la magie opère toujours. Et même après presque vingt ans, je ressens la même frustration à la fin, parce que Shenmue 3 n'est pas la suite tant attendue, mais ça j'en parlerai dans ma prochaine critique.
Malgré tout, j'adore ce jeu et j'espère vous avoir donné envie de le découvrir. Gardez juste en tête que malgré les combats, Shenmue I et II sont des jeux plus contemplatifs que d'action. Prenez votre temps et n'oubliez pas que ce qui compte, c'est le voyage, pas la destination.