Can you dig it?

Shovel Knight est admirable, car contrairement à nombre de ses contemporains il ne prend pas le parti d'une esthétique pixellisée simplement car l'art rétro est dans l'air du temps, c'est un titre qui va au bout de ses convictions. Les membres de Yacht Club Games sont manifestement de grands amateurs des productions Capcom et Konami qui ont trouvé leur âge d'or entre la fin des années 1980 et le milieu de années 1990. DuckTales, Mega Man, Rocket Knight Adventures, voire même Super Mario Bros. 3, si ces petits noms vous rappellent vaguement quelque chose vous devriez vous retrouver en terrain connu ici.

Pour autant, le titre ne se contente pas d'un vague étalage de références histoire de titiller la fibre nostalgique du gamer. La formule, hybridation de plate-forme exigeante et d'action débridée, retrouve ici une cure de jouvence bien méritée 25 ans après sa popularisation. Les développeurs n'ont pas ressenti le besoin de fourrer leur titre de dizaines de gimmicks modernes, ni de caser des références tous les quinze pixels, dans l'absolu Shovel Knights n'est pas un jeu rétro moderne, c'est un jeu rétro rétro, qui n'aurait pas dépareillé à côté de ses pairs 20 ans plus tôt. Ce n'est donc pas le titre le plus original auquel vous jouerez cette année, mais l'intérêt est ailleurs. Dans son exécution sans faille, pour être précis. Le level design millimétré offre un challenge bien dosé sans tomber dans l'amoncellement infernal de plates-formes, et si certains passages nécessitent un minimum de doigté, à aucun moment le jeu ne paraît injuste en nous punissant d'une mort pour avoir atterri trois pixels trop loin. De même, le système de loot structure efficacement la progression en récompensant le joueur pour ses prises de risques : il est par exemple possible de détruire les checkpoints disséminés au travers des niveaux afin de récupérer de l'argent supplémentaire, mais cela se fera au détriment d'un chemin plus long à parcourir en cas de mort(s) accidentelle(s). Et elles seront nombreuses, croyez-moi.

Le système est intéressant, car en plus de fluidifier la progression cela permet d'équilibrer la difficulté générale en fonction de l'audace du joueur. Le loot étant le nerf de la guerre, car il nous permettra de bénéficier d'améliorations vitales, le joueur est alors partagé entre la possibilité de farmer à l'emporte-pièce des niveaux déjà complétés ou au contraire d'en compléter un avec un maximum d'efficacité afin d'augmenter son capital. Le jeu n'est pas très long, entre 5 et 10 heures de jeu en fonction du niveau d'expertise, mais procure invariablement la même satisfaction car il est ardu juste comme il faut.

'Juste comme il faut' est d'ailleurs le descriptif que l'on pourrait attribuer à l'ensemble du titre, puisque rien n'y semble déplacé ou de trop. Les graphismes sont superbes, pour un jeu coincé entre la NES et la SNES s'entend, hauts en couleurs, les sprites sont détaillés et expressifs, et les décors d'une finesse remarquable, loin de certains gros pâtés contemporains s'estimant old school. Et le scénario est, presque bizarrement j'ai envie de dire car je ne m'y attendais pas, vraiment réussi. La narration est très épurée, à l'ancienne toujours, et les personnages possèdent une petite touche de caractérisation et de personnalité rendant l'ensemble intéressant à suivre. Une vraie bonne surprise pour le coup (et la fin est trop cool !).

C'est ce sens de l'épure qui pour moi caractérise le mieux Shovel Knight. On sent que les développeurs se sont appliqués à choisir les bonnes références, à mitonner des niveaux intéressants pour accoucher d'une expérience de jeu divertissante. C'est un jeu humble, qui a conscience qu'il ne révolutionnera pas le genre, mais petites touches par petites touches le tableau qu'il forme n'est pas seulement un superbe hommage à une époque désormais révolue, c'est aussi une création ayant sa propre légitimité, digne de figurer parmi les grands qu'elle célèbre.