Rejouer à un jeu Psone en 3D aujourd'hui, c'est se heurter au vieillissement dévastateur des polygones et des textures d'époque, c'est affronter une certaine laideur dans la modélisation des personnages et créatures, c'est se retrouver devant des cinématiques où les personnages ont des visages cireux... bref c'est découvrir, ou plutôt confirmer que la 3D vieillit plus mal que la 2D.
Mais lancer Silent Hill après 11 années de passées, c'est aussi s'amuser et même être bluffé de l'ingéniosité de développeurs ayant contourné habilement les limitations techniques de l'époque. L'exemple le plus parlant ? Devant l'impossibilité d'afficher une ville de taille relativement importante, les concepteurs du jeu l'ont plongé dans la brume, créant ainsi un monde empli de tension et de crainte et dégageant une atmosphère prenante voir poétique (grâce à l'utilisation des flocons de neige).
Alors certes l'on peut s'agacer de ce tour de passe-passe qui atténue la visibilité, qui l'obstrue même, comme l'on peut pester contre la rigidité du personnage et du système de combat. Ce dernier point vaut surtout pour la visée problématique lors des passages où plusieurs monstres nous assaillent, ainsi que pour la gestion des collisions largement à la traîne de nos jours. Et ce voice acting parfois raté, et ces boss qui s'éliminent en 30 secondes (pour peu qu'on y aille au fusil), et ce bestiaire un peu limité quand même... n'en jetez plus ! Jouer à Silent Hill en 2011 c'est dresser une liste de défauts tellement importante que celui qui ne lirait que le début de cette critique ne voudrait (ô grand jamais) "pas toucher à cette daube" !
Et puis l'on réalise que l'on y a joué sans vouloir s'arrêter, que durant les 6 heures passées devant l'écran, on ne s'est pas ennuyé.
Tout cela grâce à une histoire prenante, plus diluée et intrigante que celle d'un Resident Evil, grâce aussi à une bande sonore à couper le souffle, entre musiques somptueuses (Blood tears) ou flippantes et bruitages toujours au top. La partie sonore de SH n'a pas pris une ride et la surprise met une claque au joueur qui pensait que tout aurait dépéri avec le temps.
Avec le temps va tout s'en va... mais pas le plaisir de jouer à un jeu culte qui partage de nombreux points avec la série de zombies de Capcom dont la gestion de l'inventaire, le système de combat, de santé, les énigmes... mais qui a su dégager sa propre identité de son monde malsain, de son scénario tordu et de certaines initiatives bienvenues (la caméra libre, la ville qui offre un espace de jeu moins confiné, les armes de corps à corps...).
Pour s'arrêter un moment sur d'autres aspects du jeu on parlera de la difficulté. En "Normal" les combats ne posent guère de problème, les soins et les munitions étant assez nombreux et bien répartis tout au long de la quête ; les énigmes peuvent par contre être retors et il est difficile de ne pas être bloqué par celle avec le piano et celle avec les signes du zodiaque. la durée de vie est courte mais le jeu offre quatre fins différentes et de nouvelles armes pour être tentés par la possibilité d'une replongée dans cette horrible ville.
Silent Hill doit donc lutter contre ses propres démons, notamment cette "vieillesse ennemie", qui le ronge et affiche ses limites (visuelles et un peu ergonomiques aussi) mais n'entrave pas des qualités toujours stupéfiantes (sonores mais aussi de gameplay et d'atmosphère).
Au joueur de passer outre pour découvrir les débuts réussis d'une désormais bien longue série...