Silent Hill: Origins par 0eil
La Silent Team ne cessait de le répéter : non, il n'y aura pas d'opus du célèbre jeu d'horreur sur psp. Revenus sur leurs dires, ils confièrent le bébé à Climax, qui trouvait là son premier essai sur la série. Après des premiers screens qui effrayèrent la communauté (caméra par-dessus l'épaule – qui reviendra pour Homecoming – et zombie violet), Climax eut à revenir sur beaucoup de décisions de gameplay et commença à travailler dans un sens différent : on parlait alors d'un silent hill orienté sur la fuite, sur l'obligation de se cacher et de bloquer les accès avec des éléments du décor. Si ces derniers points n'apparaitront que dans Shattered Memories, force est de constater que ce Silent Hill, malgré son support, n'en demeure pas moins une excellente surprise. Pourtant, c'était bel et bien de la portable !
Routier fatigué par les heures de voyage, Travis décide de prendre une route le rapprochant de Silent Hill pour arriver plus rapidement à destination. Surpris par une apparition fantomatique se jetant littéralement sous ses roues, il arrête son camion et se met à la recherche de cette silhouette de jeune fille qu'il a cru voir dans la brume. C'est ainsi qu'il assiste à l'incendie de la maison de Dalhia, événement phare de la série, puisque déclencheur d'une réaction en chaîne qui ira jusqu'à plonger dans la tourmente Harry Mason, puis sa fille des années plus tard. Notre héros décide alors de sauver l'enfant prise au piège des flammes et scelle ainsi le destin des Mason... et le sien.
Vouloir raconté les origines de Silent Hill était une gageure étrange : que raconter de plus que la communauté de fan ne savait pas déjà du mythe ? Autant couper court à toutes vaines attentes : Origins ne dévoile rien qui ne soit dispensable concernant cet arc qui m'apparaît comme le moins intéressant, celui de « l'Ordre ». Sa participation à l'édification du panthéon Silent Hillien aurait presque pu s'arrêter à cette scène d'introduction décrite un peu plus tôt : Travis a sauvé Alessa des flammes. Le véritable nœud dramatique de cet épisode est plutôt l'introspection – de gré ou de force – qu'entame alors le routier lorsqu'il se retrouve prisonnier de Silent Hill. On pourra d'ailleurs être surpris par les choix de Climax en matière de narration. Le deuxième niveau annonce la couleur : hôpital psychiatrique, avec flashback à la clé et documents à la pelle pour évoquer le passé houleux du protagoniste, on ne peut pas dire que l'époque soit au symbolisme. La plupart des éléments-clés de l'histoire de Travis sont revécus, à la manière dont le personnage les revit, au travers de scènes suffisamment explicites pour ne pas perdre de vue le récit. On découvre donc sans avoir vraiment besoin de se triturer les méninges la réalité sur ses origines plus aisément que se fut le cas dans un Silent Hill. À tel point que la question se pose : est-ce pour noyer le poisson sur certains révélations, plus silencieuses, qui accompagnent ces informations données mécaniquement au cours des niveaux ? Si la mère de Travis a tenté de le tuer, on imagine bien le trouble occasionné... mais que dire des apparitions de Lisa, provocante, sexuée, séduisant autant que se refusant au héros ? On se retrouve avec deux façons différentes d'aborder le personnage : une, plutôt grandiloquente, amenée avec de lourdes ficelles et qui montre un passé un poil trop simpliste et une autre, plus subtile, plus impalpable, qui prend corps en Lisa et dans quelques tout petits détails insinués ça et là. Dommage que Climax n'ait pas pris plus de temps pour soigner cette description plus nuancée du côté sombre de Travis et que ce même côté sombre n'ait pas eu plus d'importance dans l'histoire. Surtout si c'est pour se coltiner ce dernier boss plutôt décevant. Enfin, ne jetons pas la pierre à Climax, pour un premier essai, c'est plutôt bon et lorsqu'on voit ce qu'ils ont fait dans Shattered Memories, on comprend qu'ils ont retenu les leçons de cet opus.
Pour poursuivre, il va paraître bizarre, voire effrayant, de parler de quelque chose de si trivial lorsqu'il est question d'un Silent Hill, mais qu'importe, parlons gameplay. Autant, je prends rarement le temps de me pencher sur le gameplay d'un Silent Hill tend le fond me paraît prioritaire sur la forme, dans cette série, autant ici, il faut quand même soulever ce problème de taille : la caméra. Les combats peuvent heureusement être évités, mais dès qu'il s'agit d'en mener un, cela devient singulièrement laborieux : Travis a un balais dans le postérieur et sachez que la caméra refusera malgré toutes vos tentatives de filmer autre chose que le protagoniste. Pas moyen donc de savoir ce que fait la créature sur laquelle vous tirez, à moins qu'elle ne soit suffisamment proche de vous, auquel cas, la caméra n'aura d'autres choix que de la laisser entrer dans le champ. Rude, tout de même ! Et la caméra ne s'arrête pas en si bon chemin : certaines phases d'exploration seront carrément laborieuses, pour peu que l'on invite le joueur à traverser des espaces étroits. La caméra, fidèle aux stéréotypes du genre, reste fixe et change d'angle selon les déplacements du personnage, pour en adopter certains particulièrement malheureux, qui vous propulserons, pour peu que vous soyez en train de courir et que vous n'ayez pas anticipé la chose, directement dans la direction opposée à celle que vous aviez engagé. Et je ne soulève même pas les occurrences où l'angle de vue change soudainement après avoir laissé entrevoir un monstre, qui se retrouve donc hors-champ. Lui vous a vu, vous, vous ne savez pas du tout où il peut être... et pourtant, protagoniste comme abomination se trouvent dans une rue ! Difficile de s'immerger dans un jeu où même une créature à cinq mètres peut subitement disparaître de l'écran sous l'impulsion improbable d'une caméra folle.
Outre ce problème qui, dans l'absolu, n'est pas si important que ça puisqu'en général, les combats – très très mous – peuvent tous être joyeusement évités, parlons d'un autre sujet, tout aussi trivial : le graphisme. Rien à redire, la psp fait sommes toutes des merveilles et donne une très bon rendu à la ville des brumes. L'univers altéré est organique à souhait, la direction artistique est plutôt intéressante et rondement mené, bref, on s'y retrouve.
Pour conclure, un Silent Hill respectueux d'une forme de tradition de la série, qui aurait peut-être mérité d'un grain de folie supplémentaire pour réellement devenir un opus important. Mais je dis cela en sachant que ce grain de folie sera amené à Shattered Memories et ne peut que, finalement, saluer ces premiers pas de climax !