Difficile de faire d'Origins un épisode de chevet. Et difficile dans le même temps de ne pas lui trouver un semblant de charme. Origins soufre, assez clairement, d'avoir été la tentative de Climax de faire "du Silent Hill" à l'opposé de Shattered Memories, dont la volonté était plus de faire "un Silent Hill".
Origins a la couleur, l'odeur, le son d'un Silent Hill. Il est composé de ce qu'on imagine, en terme d'esthétique et de gameplay, quand on pense au trois premiers volets de la saga. Il y a le brouillard, l'arrivée à pied par une route nationale vers la ville avec le notoire panneau. Il y a les grésillements de la radio et le grain de vieux film quand un ennemi s'approche. Il y a des ennemis, tant qu'on en parle, toujours proche de l'humanité, mais designés pour mettre mal à l'aise (certains sont assez réussis d'ailleurs). Et puis il a son monde altéré, encore plus dégueulasse que la version "normale". Ajoutez à cela les compositions et le design sonore toujours top d'Akira Yamaoka et on trouve aisément l'atmosphère du premier volet, dont il est une préquelle par ailleurs sympathique à suivre en terme de scénario. Maintenant, Origins n'a aucune identité propre et reste dans cette espèce d'évocation des épisodes précédents, ce qui l'empêche de réellement décoller par lui-même. Il a aussi quelques défauts plus terre à terre.
La mécanique principale est intéressante et dans l'ensemble utilisée de manière maligne. L'idée ici, c'est que le monde altéré n'arrive pas ponctuellement, au rythme du scénario, comme pour les trois premiers volets; on contrôle son arrivée en regardant dans un miroir. De fait, les deux mondes ont alors des objets disposés de manière légèrement différentes, ou accessibles d'une côté et pas de l'autre (de même pour les portes). Le level-design classique, fait de backtracking, trouve alors un moyen d'être moins "déjà-vu", puisque l'on revisite les mêmes zones, mais en cherchant comment passer à tel endroit ou arriver à telle salle, si proche dans le monde normale, mais si éloignée en terme de chemin dans le monde altéré. Revers de la médaille, fouiller peut se montrer plus laborieux ou demander plus de méthode: en effet il y a deux cartes à gérer et les portes bloquées/ouvertes n'étant pas les mêmes, on doit toutes revérifier pour s'assurer que l'une ne s'est pas ouverte au moment où l'on a changé d'état du monde.
D'un autre côté, le jeu ne profite jamais vraiment de cette idée pour faire peur. Dans les volets précédents, on sentait une maîtrise de rythme: quand le monde altéré se pointait, on n'était jamais vraiment prêt et y entrer provoquait de l'angoisse (en particulier dans le troisième épisode en ce qui me concerne). Ici, le génie vient de l'obligation du joueur de s'infliger ce monde pour progresser. Il peut visiter autant qu'il veut le monde normal, il sera, à un moment, obligé de passer dans le monde altéré. Sauf qu'à part l'esthétique bien plus étouffante et sombre, cette version du monde n'est pas plus dangereuse. Au début, le jeu nous balance quelques ennemis dans le monde normal (les fameuses infirmières par exemple) et des ennemis un peu différents ou plus nombreux dans le monde altéré. Seulement plus on avance, et plus le jeu s'en fout de dissocier les deux mondes en terme de challenge, cassant le potentiel d'angoisse qui pourrait venir du fait de se regarder dans un miroir. Et cela vient aussi d'un autre souci majeur.
Le jeu est beaucoup trop facile. Je l'ai malheureusement fait en mode "normal" et les ennemis ne posent jamais vraiment de problème. 90% peuvent être évités (merci la maniabilité qui oublie les contrôles classiques du survival-horror), et le fait qu'ils changent d'emplacement et de nombres parfois entre deux scripts (prendre une clé, et "pouf!" les infirmières sont remplacées par un autre truc) n'engagent pas à s'en débarrasser pour être tranquille. De plus le jeu est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop généreux en terme d'armes. On ramasse au moins une cinquantaine d'armes de mêlée (de la télévision au katana) cassables rapidement certes, mais tellement nombreuses qu'on est jamais à court de défense, si jamais on a réellement envie de se battre. Et à partir de la moitié du jeu, on a au moins deux ou trois armes à feu, et on finit même avec un magnum et un kalachnikov...le tout avec des dizaines de balles qui ruinent le challenge contre les boss, pourtant pas mal mis en scène. Tout cela contribue à baisser largement la tension que le jeu peut provoquer.
En bref, cela reste un bon épisode, écrit très correctement. Réussi visuellement et mine de rien assez joli sur PSP, il bénéficie, du reste, du charme de la saga. Il a également une mécanique centrale qui pourrait vraiment être excellente, mais qui pêche par manque de difficulté du jeu et par manque de maîtrise du game-design. Je le recommande tout de même: ça reste un survival/horror très chouette.