Le moins qu'on puisse dire, c'est que SimCity ne laisse pas indifférent. Dès son annonce, EA promettait des graphismes chatoyants et beaucoup de nouveautés dans le gameplay. Etant donné qu'on n'avait plus eu de nouvelle de la série depuis 2003 avec SimCity 4 : Rush Hour (quiconque admettra l'existence de SimCity Sociétés sera immédiatement brûlé vif), la nouvelle a fait grand bruit. Et chaque fois qu'on a pu voir le jeu était l'occasion de s'enthousiasmer sur l'aspect visuel, ou sur les fonctionnalités du Glassbox Engine, le nouveau moteur du jeu supposé gérer chaque habitant individuellement. Mais aussi de se questionner, dès les premiers pas sur le jeu lors des previews, sur l'apparente facilité ou sur la taille des cartes. Alors, verdict ?
Eh bien pour varier un peu et vous faire partager ce que peut être une expérience de SimCity, je vais vous raconter la mienne.
J-2 : Je reçois mon code pour le jeu acheté sur un site dont je tairai le nom. Ayant -à mon grand dam- déjà Origin sur mon PC du fait de Battlefield 3 et Mass Effect 3, je n'ai plus qu'à rentrer ladite clé dans la version EA de Steam. Je valide, erreur. Je dois à nouveau rentrer ma clé. Elle est indiquée comme déjà utilisée, mais le jeu n'apparaît pas dans ma liste. Ça commence bien. Pas de panique, il reste deux jours avant que le jeu se débloque, et un rapide tour sur les forums officiels m'apprend que je ne suis pas le seul dans cette situation.
Jour J, 14h du matin : Je suis en vacances, mais pas de repos pour les braves, je me lève tôt quand même. Le jeu est apparu dans ma liste, il est installé, longuement patché, puis prêt à jouer. Enfin, presque. Depuis deux jours (lancement Nord Amérique avant l'Europe), les américains rencontrent moult problèmes pour se connecter aux serveurs. En effet, SimCity requiert une connexion constante pour pouvoir jouer, premier sujet de grogne. EA a entre temps promis que l'Europe ne rencontrerait pas de problèmes. On voit le résultat.
15h23 : Je clique en boucle sur le bouton « réessayer », la bave aux lèvres. Les serveurs me refusent l'entrée, alors que pourtant je ne porte pas de baskets.
17h54 : Enfin, j'accède au Saint-Graal : un serveur me laisse passer l'étape du launcher et je rentre enfin dans le jeu. Cinématique. Je twitte fièrement mon entrée dans le jeu, tel un naïf, et un message dans le menu m'annonce que les serveurs étant surchargés, je suis prié de débarrasser le plancher sur le champ. Je quitte le jeu les larmes aux yeux et les mains tremblantes. Je pense à dans 8 ans où je voudrai relancer une partie, mais qu'EA aura coupé les serveurs pour faire migrer les joueurs sur SimCity 2.
18h37 : Je réussis une nouvelle fois à entrer en jeu. Cette fois, je peux jouer, et il faut en passer par le didacticiel. Enfin un peu de concret : c'est joli et fluide sur ma machine, j'ai envie de poser des gratte-ciels partout ainsi qu'un aéroport thermonucléaire, mais une blondasse s'obstine à me faire part des problèmes futiles de la ville-tutoriel, soit, je me plie à l'exercice. Aux deux tiers environ, les serveurs se coupent et je suis jeté dehors. Quand je réussirai à me reconnecter, je me rendrai compte qu'il faut que je me le retape, bien qu'une nouvelle fois les serveurs ne m'en laissent pas le loisir. Je quitte le jeu après cette première expérience édifiante sur le nouveau jouet d'Electronic Arts, ce DRM always online.
J+2, 18h : Je retente l'aventure. Cette fois-ci les serveurs rechignent légèrement moins. Arrivé au didacticiel, je clique partout frénétiquement dans l'espoir de le terminer le plus vite possible, et arrive au bout. Enfin, je peux créer ma propre ville. Je commence déjà par créer une région plutôt que d'en rejoindre une et imposer ma médiocrité de nouveau-venu aux autres. Chaque région peut accueillir un nombre de villes variables, on peut jouer seul (mais connecté) et toutes les occuper soi-même, ou laisser d'autres joueurs venir s'installer. J'ouvre ma ville au multi et choisis un spot relativement plat, et surtout plein de pétrole, en bon parisien qui a retenu la leçon.
18h52 : Ma partie avance bien : on reprend vite ses marques. Malgré quelques déconnexions intempestives (qui ne me font heureusement pas perdre 1h de progression, comme j'ai pu voir d'autres joueurs le subir), le jeu est plutôt agréable à prendre en main, l'interface est excellente. Claire et ergonomique. Le système de zoning a un peu changé, on peut placer ses zones d'habitation, commerce et industrie (le sacro-saint RCI qui n'a pas changé) assez librement et pas forcément dans un carré de routes.
18h53 : En parlant de zoning, premier choc : c'est gratuit. J'espère que l'équilibre financier n'en sera pas trop affecté, car rapidement, je commence à vraiment amasser du pognon. J'allume un cigare.
18h58 : Le jeu est très joli, une véritable maquette animée, entre les couleurs vives et l'effet tilt-shift c'est vraiment réussi. Je prends quelques captures d'écran et zoome au maximum, et m'amuse à voir mes sims vaquer à leurs occupations. Chacun est vraiment géré individuellement, en cliquant sur eux on peut, à défaut de les écraser d'un doigt divin, voir à quoi ils s'occupent, par exemple « revient du magasin XXX » où il s'est vraiment rendu et a vraiment dépensé de l'argent. Vertigineux.
19h12 : Je commence déjà à me sentir un peu à l'étroit : j'ai du pétrole, mais j'ai surtout une putain de colline au milieu de ma carte, et dès que le terrain est un peu pentu, impossible d'un poser un bâtiment ou une zone. Deux choses commencent à se faire sentir : l'absence de terraforming, choix arbitraire de Maxis/EA, et la taille vraiment réduite des cartes par rapport aux anciens SimCity. On est plus dans SimBourgade ou SimArrondissement. Bon, du coup il faut optimiser le moindre carré de terrain et composer avec l'environnement. Pas forcément une mauvaise chose, ça rajoute de la variété dans les parties plutôt que d'aplatir le tout et construire tranquillement : c'est le but de Maxis. Mais les deux limitations à la fois, c'est vraiment pervers.
19h15 : Je place ma Mairie. Je remarque que si le bâtiment est un classique de la série, on peut désormais lui ajouter des annexes, telle cette extension de la Finance qui permet de gérer ses impôts de manière plus poussée. Les améliorations se débloquent au fur et à mesure que des caps de population sont atteints. Intéressant. Quasi tous les bâtiments sont d'ailleurs améliorables de cette façon, ce qui rajoute un peu de profondeur au jeu. En cas de criminalité élevée, on peut rajouter des voitures de police, rajouter un étage à sa prison si les cellules sont remplies et que trop de criminels sont relâchés dans la nature …
20h : Je quitte le jeu, en espérant qu'il sauvegarde bien ma ville : aucune sauvegarde en local, tout dépend des serveurs.
J+3, 16h03 : Je continue d'améliorer ma ville. Des immeubles poussent, ça commence à avoir un peu de gueule. Mes routes s'engorgent, et j'ai du pognon à foison. D'ailleurs je commence à réaliser que le problème n'est pas « suis-je rentable ou déficitaire ? », mais « à quelle vitesse l'argent rentre-t-il dans les caisses ? ». Même avec deux gros emprunts, on est toujours dans le vert. J'aimerais beaucoup voir comment on peut réussir à être déficitaire alors que les précédents SimCity étaient complètement cruels de ce côté là.
Bref, pour fluidifier le trafic, je me tourne vers les transports en commun. J'ai le choix entre bus ou tram, pas de métro. Je quadrille la Colline des Chats d'arrêts de bus stratégiquement placés. L'électricité manque : j'entre dans le menu d'amélioration de mon parc à éoliennes (placé sur la colline pour capter plus de vent) et j'en rajoute quelques unes. Bien foutu les potes, je me sens comme un Bloomberg en herbe avec plus de pavillons et moins de gratte-ciels.
16h24 : On réalise assez vite que tout passe par les routes : électricité, eau, eaux usées, et qu'il faudra les upgrader pour que les bâtiments se décident à évoluer (aidés par les sempiternels parcs de la série, qui augmentent la valeur du terrain). On peut aussi, nouveauté, placer des routes arrondies. Vu le manque de place et l'optimisation nécessaire, je m'abstiens.
Je place plutôt une université, celle-ci me permet (en plus de rendre mes suje...braves citoyens moins abrutis) de développer des technologies ou installations avancées pour ma ville (telle cette méga-éolienne) ou pour la région dans laquelle un spot est réservé pour les « grands travaux » dans lesquels on pourra, à plusieurs, se lancer à grands renforts de ressources pour construire un centre spatial, ou un aéroport international qui inondera toutes les villes de touristes.
Je commence par contre à regretter que les villes se ressemblent tant entre elles. Pas d'architecture différente selon la région (une ville de nord-amérique n'a rien à voir avec une ville italienne dans la vraie vie, il aurait été sympathique de proposer plusieurs thèmes … et pas seulement quelques bâtiments en plus pour 20€ supplémentaires pour une édition « deluxe » digitale).
16h30 : Catastrophe, rien ne va plus côté circulation. La carte du trafic montre un secteur en rouge, je ne comprends pas : mes routes sont upgradées et mon réseau de bus enchante les Sims. Je zoome sur la région incriminée, un bus embarque des passagers à l'infini à l'un des arrêts, bloquant la circulation du carrefour derrière lui, et peu à peu ma ville se remplit d'embouteillages et de haine envers moi, tout ça à cause d'un chauffeur de bus aviné. Bien. Pas moyen de corriger le bug à part de quitter et relancer une partie. Une rapide recherche sur internet m'apprend que d'autres ont eu le souci avec une voiture de Police mal garée ou autres situations cocasses.
Une recherche supplémentaire m'apprend que Youtube pullule de vidéos se moquant de l'IA du jeu, qui préfère prendre la petite route de terre -plus courte à vol d'oiseau- créant un embouteillage monstre, plutôt que la 4 voies à peine plus longue mais 5 fois plus rapide.
Et donc, EA, tu es en train de me dire que, ayant justifié la taille réduite de tes maps par ton moteur qui calcule une IA de folie et qui pompe de la ressource à tout va, l'IA incriminée se contente de prendre le chemin le plus court d'un point A à un point B ? Et que des bugs stupides sont monnaie courante moins d'une semaine après la sortie de ton jeu ?
17h12 : Soit, EA, Maxis, je puis être magnanime. Un goût un peu amer en bouche, je relance ma partie. Si le multi permet sur le papier une coopération intéressante avec ses voisins, le mien inonde surtout ma ville de criminalité. J'observe mon modeste poste de police courir après des pyromanes, assassins et autres joueurs de SimCity Sociétés, mais même en ajoutant des voitures, en quelques heures je suis de plus en plus submergé, pire que Gotham dans ses heures sombres, un crime se produit chez moi toutes les cinq secondes. J'écris un message tout à fait cordial à mon voisin en lui demandant d'apprendre à se servir de ses dix doigts pour placer un commissariat, ou à défaut de les placer dans son fondement et de supprimer sa ville, mais celui-ci ne me répond pas. Curieux, je jette un coup d'oeil à sa ville pour voir ou se situe le problème. Le résultat est édifiant :
La "ville" de mon voisin n'est même pas construite, il a juste pris possession de l'endroit.
Donc attends là, attends. Ma ville est inondée de criminel venant d'une ville … vide ?
Attends EA, tu es en train de me dire qu'en plus de ton IA ridicule, tu justifies la nécessité d'être connecté en continu à tes serveurs construits à partir d'anciens radiateurs de HLM bolchéviques par les calculs ultrapuissants réalisés en continu par les serveurs en question pour tout ce qui concerne les échanges entre villes ?
Alors que ma ville est envahie de criminels qui poussent apparemment comme les pâquerettes ? Alors que Rock Paper Shotgun rapporte que Kotaku a testé : on peut jouer une bonne vingtaine de minutes après avoir été déconnecté avant que tes serveurs s'en rendent compte ? Alors qu'un simple modeur a réussi à faire tourner le jeu en offline (simplement impossible de sauvegarder vu qu'il n'y a pas de sauvegardes locales) et construire hors des limites, après que tu nous ait promis qu'il était impossible de faire ce changement sans procéder à des « changements extrêmement lourds » ?
Non, vraiment EA et Maxis, votre jeu n'est pas détestable, il est même plutôt plaisant à jouer quand les serveurs tiennent, mais tu persistes à vouloir nous cracher à la figure même quand on te donne une chance de bon cœur. SimCity subit des défauts structurels : la facilité déconcertante à gagner du fric rend tout accomplissement dénué de challenge et donc de sentiment de satisfaction, la taille de tes maps est ridicule, encore plus lorsqu'on veut placer les bâtiments les plus volumineux (stades etc) totalement disproportionnés, obligeant à raser un quart de sa ville, et ton système de multi n'étant pas parfait, laisse au moins le choix de jouer en solo. On est censé pouvoir créer plusieurs villes soi-même pour pallier à la taille des maps, et faire par exemple une cité dortoir et une ville industrielle avec transfert entre les deux, sauf que les transferts ne fonctionnent pas bien et qu'il est impossible de gérer la situation correctement.
Alors, mon cher SimCity, j'espère très fort que tu recevras un patch salvateur car tout n'est pas à jeter, loin de là. Mais la politique d'EA est franchement déplorable, surtout lorsqu'ils essaient de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. En plus à l'heure où j'écris ces lignes, tes serveurs débloquent toujours. 6.