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Avec Devil May Cry, Capcom a su établir une licence qui continue à émoustiller les joueurs. Il suffit de revenir en 2019 pour se rappeler l’effervescence qui a entouré le cinquième épisode. La licence a inspiré plusieurs jeux qui ont tâché de reprendre le concept du beat them all frénétique à leur sauce, comme Bayonetta qui va fêter sa troisième itération.
Puis arriva Soulstice, un jeu AA développé par Reply Game, un développeur italien somme tout discret malgré quelques opus à son actif tels que Theseus et Joe Dever’s Lone Wolf. S’inspirer de ses aînés n’est jamais une mauvaise idée. Il faut surtout veiller à ne pas livrer une bête duplication sans âme.
L’opus nous entraîne dans le sillage de Briar et Lute, deux sœurs étroitement liées. Suite à une fusion leur ayant donné la nature de Chimère, Lute est désormais un esprit, et Briar une femme ayant désormais des capacités hors normes. Surtout leur mémoire est fragmentée. Le duo cherche à rétablir les liens du passé pour pouvoir concevoir son avenir.
Un héritier de Devil May Cry…
Si vous connaissez la série Devil May Cry, vous vous ne retrouvez pas en terrain inconnu et plus d’un élément va vous arracher un sourire, causant une impression de déjà-vu. L’essence même de la licence de Capcom a été reprise par Soulstice : des combats dynamiques avec pléthore d’ennemis et une variété d’armes permettant d’exécuter de frénétiques combos. Contrairement à Dante, Briar ne dispose pas d’armes à feu permettant de faire voler les adversaires, ou plutôt de les suspendre en l’air le temps d’un long combo. Mais elle s’en sort avec brio que ce soit à l’aidée d’une épée, d’un arc ou de guns-tonfas. Sept d’armes sont à disposition, permettant de varier le plaisir du découpage d’ennemis.
Briar est une guerrière et j’ai beaucoup apprécié que Reply Game ne tombe pas dans un cliché de représentation. Bien souvent les personnages féminins sont sexualisés à tort ou à travers. Loin d’être une beauté, Briar porte les stigmates de ses combats, comme son œil crevé dissimulé sous un bandeau, et arbore une véritable armure. Bien souvent les personnages féminins n’ont droit qu’à un poitrail (dans le meilleur des cas) et une petite jupette. Pour Briar, c’est armure de plate intégrale (même si on se demande pourquoi il y a une jambe et un bras dénudés). La jeune femme démontre un aspect bien plus bestial lorsqu’elle entre en mode Berserk, s’éveillant à une capacité enfouie en elle.
Je me sens d’ailleurs obligé de faire un aparté. Si certains verront dans l’univers et un personnage secondaire une inspiration Berserk avec Donovan, je n’ai pas pu m’empêcher, pour ma part, d’y voir du Claymore. Manga de Norihiro Yagi, disponible chez Glénat (27 tomes, série terminée), Claymore centre son récit sur des guerrières ayant subi une intervention leur permettant d’acquérir des pouvoirs démoniaques. Si jamais elles dépassent une certaine limite, ces mutantes deviennent des Exaltés : elles perdent toute humanité et contrôle d’elles-mêmes.
Difficile pour moi de ne pas voir une inspiration de Claymore dans le personnage de Briar, ne serait-ce que dans sa phase de transformation Berserker. Que ce soit Briar ou les héroïnes de Claymore, toutes deux sont soumises au diktat d’un pouvoir pouvant les emprisonner, sans compter une capacité de régénération inhumaine. Si, comme moi, vous appréciez l’œuvre de Norihiro Yagi, vous allez aimer ce voyage dans Soulstice. Et, inversement, le jeu pourra peut-être vous pousser à tenter le manga.
Mais revenons à l’essence Devil May Cry dans lequel baigne Soulstice, cadet cherchant à marcher dans les traces de son aîné. Non seulement on la retrouve dans le style de combat mais aussi le système de notation après chaque confrontation et l’acquisition d’expérience. Cette dernière s’obtient en collectant des cristaux qui ne sont pas sans rappeler les orbes de la licence de Capcom. SI vous aimez les défis, Soulstice en dispose. A vous d’activer les portails cachés pour pouvoir les réaliser aussi bien in-game que depuis la section dédiée du menu principal.
Comme Devil May Cry, Soulstice peut se révéler retors selon la difficulté que vous choisissez. J’ai opté pour le second niveau de difficulté, l’équivalent du Normal. Certains boss ont été ardus à achever, m’obligeant à puiser dans les ressources de mon inventaire. Le titre ne verse pas dans la difficulté aberrante ou absurde, mais sait relever la sauce pour qu’elle pique le palais, surtout dans les deux derniers niveaux de difficulté.
Soulstice n’omet pas l’accessibilité pour les joueurs proposant de multiples options fort bienvenues, démontrant que même les plus petits studios tâchent de s’ouvrir à un large public. Vous pouvez modifier la taille des sous-titres, modifier la colorisation si vous êtes daltonien… Autant d’éléments qui permettent à tout à chacun de profiter du titre, quel que soit son handicap ou simplement ses préférences.
… qui cherche à s’émanciper de son modèle
Soulstice sait aussi se détacher de son modèle pour proposer sa propre expérience et ne pas n’être qu’une banale photocopie délavée. L’univers se veut bien plus sombre et sérieux que Devil May Cry, ne cherchant pas à pasticher Dante et son humour. De même, le bestiaire s’en détache radicalement proposant des variantes de spectres et d’êtres possédés, bien souvent des créatures de cauchemars couvertes de cristaux.
Si Briar est l’héroïne, elle ne peut être dissocié de sa sœur Lute. Briar représente le corps, tandis que Lute est un esprit. Toutes deux sont liées depuis qu’elles ont été fusionnées afin de concevoir ce que l’univers nomme une chimère. Ces dernières possèdent un cristal implanté dans le corps, en échange de capacités surhumaines comme la régénération, le berserker ou le ravissement. Lute peut user de pouvoirs magiques aussi bien offensifs que défensifs, tandis que Briar utilise de ses armes. Si jamais cette dernière sombre dans le mode Berserk, c’est Lute qui doit stabiliser sa mentalité pour l’empêcher de se détruire.
Sans subir de perte de contrôle, Briar peut user du Ravissement afin d’augmenter la puissance de ses attaques et sa vitesse, grâce au combo R1 + L1. Le Ravissement peut d’ailleurs se conclure avec quatre coups spéciaux différents. Le mode Bersek peut s’activer lorsque votre vie est basse, toujours avec le même combo. Par contre, vous ne contrôlez plus Briar. Vous devez orientez le joystick vers les ennemis afin que le personnage les attaque et mitrailler le bouton rond afin que Briar reprenne le contrôle. Si vous vous ratez, c’est la mort assurée.
Lute peut faire appel à deux champs, chacun symbolisés par une couleur et qui permettent aussi bien d’interagir avec des éléments du décor que vaincre vos adversaires. Le champ d’évocation, de couleur bleu, est lié au monde spirituel, activant ainsi des objets célestes. Quant au champ de bannissement, de couleur rouge, il affaiblit les corrompus. Plonger le bon ennemi dans le champ correspondant permet de le vaincre, sans quoi les coups qui lui sont portés n’ont aucune efficacité. Chaque champ est lié à une gâchette (R2 et L2). Les affrontements font ainsi interagir les deux sœurs, soulignant cet aspect de dualité de leur relation.
Trop user de ces champs peut jouer contre vous. Le champ d’évocation fait grimper votre jauge d’entropie qui, une fois entièrement remplie, rend caduque la présence de Lute durant un temps donné. En activant certaines compétences, cet effet est remplacé par une explosion d’énergie s’en prenant à vos adversaires.
De son côté, Briar peut effectuer des combos et une bonne dynamique entre les deux sœurs amène à concevoir des attaques synergiques. En vainquant vos ennemis sans être touché, vous amenez les sœurs à se rapprocher jusqu’à permettre le déclenchement d’une attaque simultanée. Là encore les compétences permettent d’en varier les effets.
Là où Devil May Cry joue sur un côté destruction désinhibée, Soulstice se pare d’éléments stratégiques avec le concept des champs, et la dualité des deux sœurs amenant à la fusion si leurs attaques sont coordonnées. L’arbre de compétences est d’ailleurs extrêmement vaste, surtout du côté de Lute (plus de 100 capacités !).
Soulstice se divise en vingt-cinq chapitres que vous êtes libre de relancer à votre guise, et ce en conservant ou en modifiant la difficulté. Le jeu dispose d’un suivi détaillé, recensant pour chaque chapitre les combats ainsi que les défis présents et débloqués. De quoi permettre aux complétionnistes de ne rien rater, ni d’effectuer des recherches dans le vent.
Une identité graphique bien définie
Si de par sa nature de jeu AA, Soulstice ne tient pas la dragée haute, il est loin d’être dénué de charme ne serait-ce que par son choix de direction artistique. Les couleurs soulignent l’intensité de la magie et tout être non humain, ce qui permet de trancher avec l’aspect plus sombre de l’univers. Soulstice se place dans la dark-fantasy avec un environnement médiéval, mais la présence d’armes anachroniques. L’ensemble demeure cohérent tout en soulignant l’aspect ouvertement fantasy du titre et laissant planer des interrogations sur l’univers (dont on ne voit ici qu’un fragment).
Comme je l’ai souligné au début du test, Briar marque par son chara-design de guerrière, ce qui contraste là aussi avec Lute. L’esprit est davantage proche d’une enfant, et son aspect éthéré dénote aux côtés de son aînée en armure. Il en est de même pour Donovan, dont l’armure n’est pas sans rappeler Guts de Berserk. Soulstice dévoile un monde rude où la survie prime avant tout, sans verser dans le gore ou le cradingue. Mais les contrastes entre monde matériel et spirituel charment, conférant à l’ensemble un esprit d’univers en décrépitude.
Du côté de l’OST, Soulstice est bien accompagné avec des compositions lyriques marquantes durant les boss. La musique ne prend jamais le pas sur les échanges menées entre Briar et Lute qui viennent rythmer les combats. Si le jeu est traduit en français, les voix demeurent en anglais. A souligner que Briar et Lute sont doublées par la même personne, Stefanie Joosten que vous avez déjà entendu dans Metal Gear Solid V dans le rôle de Quiet. Je n’avais pas cet info durant mon parcours de jeu et cela me surprend d’autant plus car je trouve que les deux sœurs ont une tonalité bien différente. Bien joué de Stefanie Joosten pour doubler deux personnages si proches, tout en leur conférant une texture bien marquée.
Aparté sur les trophées
La liste de trophées ne déroge pas à l’héritage Devil May Cry, promettant un platine exigeant seulement réservé aux plus méritants (ou masochistes, tout dépend du point de vue). Il faudra conclure le titre dans la difficulté la plus haute, réussir tous les défis avec le rang de score maximal, maximiser votre santé. Rien que battre l’avant-dernier boss dans la difficulté la plus haute, et obtenir le rang de score maximal, est un challenge épicé. J’ai trouvé cet ennemi plus difficile que le dernier, c’est dire.
Bien entendu, il existe des trophées bien plus accessibles que ceux-là. Il faudra réussir le jeu peu importe la difficulté, acquérir toutes les compétences de Briar et Lute, vaincre un certain nombre d’adversaires par types. En soit, des grands classiques. Vous avez même des actions spécifiques à réaliser sur les boss, et vous pourrez passer en difficulté facile pour vous alléger le fardeau.
D’ailleurs, la version PS5 permet de suivre la progression des trophées aussi bien en termes de pourcentage qu’avec des chiffres précis. Si Sony avait promis un tel suivi sur les jeux de la console, les titres sont encore rares à user de cette option. L’effort opéré par Reply Game est donc à saluer.
En résumé
Si Soulstice m’intriguait par sa formule, je ne pensais pas accrocher autant au titre et succomber à son charme singulier. Soulstice s’inspire clairement de la recette instaurée par Devil May Cry, mais arrive à concevoir son propre univers mais aussi des variantes dans le gameplay surprenants (dans le bon sens du terme). Difficile de ne pas voir une inspiration Claymore dans la conception même de Briar et, étant fan du manga, cela a participé à mon engouement. La fin du titre laisse présager une suite pouvant amener à une découverte plus large de l’univers. Pour ma part, j’espère que ce sera le cas et je répondrais sûrement présent. Je suis juste frustré que certains éléments dévoilés en toute fin ne puissent pas être utilisés dans la rejouabilité du chapitre (du moins dans les trois difficultés que j’ai testé), comme ce fut le cas pour Devil May Cry V.
Le platine saura ravir les chasseurs en quête de challenge corsé. Je ne peux que conseiller le jeu aussi bien aux fans de beat them all à la Devil May Cry qu’aux curieux voulant s’essayer à un titre, certes perfectible, mais pétri de bonnes intentions.