Un brillant pipicaca tout mou dans ta gueule.
Interagir dans l'univers 2D pourri de South Park est un immense fantasme, le visuel est parfait, le doublage est parfait, c'est régressif à souhait. Pas la peine de faire une énième critique pour le dire, comme pour en ajouter sur les QTE.
Ce qui m'empêche de balancer un 8 comme mon premier réflexe m'y conduisait, et même chuter à 5, c'est que ce South Park là c'est du Canada Dry, ça ressemble à South Park, ça sonne South Park, mais c'est pas South Park.
Même si South Park a toujours usé d'un humour scato de bas étage la série va bien plus loin et lance des critiques politiques et sociales acerbes. Le pipicaca n'était qu'un prétexte pour rendre acceptable des idées engagées qui ne sont pas majoritairement partagées aux USA, façon "c'est qu'un humour potache, vous offusquez pas pour si peu...". Hors dans ce jeu la portée politique de South Park retombe au degré zéro, la critique sociale idem, mais l'humour scato est partout au point de devenir asphyxiant. Heureusement que la prod a voulu sucer les groupies et a donc reprit des piques faisant maintenant partie de l'aspect culte de la série, sans quoi il n'en aurait plus rien resté. Mais toujours de loin sans trop s'attarder pour choquer le moins de publics possible à l'image des mormons que l'on ne voit que lors des game over devant les portes du paradis.
Le rejet des sectes et autres religions passe à la trappe comme beaucoup d'autres jets de vitriol porté depuis bientôt 20 ans à la face d'une Amérique obscurantiste. Il me semble qu'il faut approfondir un petit peu ce point pour comprendre ce manque de fidélité à la série. L'attaque des religion entre dans une foultitude d'épisodes, certains parfois même totalement dédiés au sujet. En comparaison l'avortement est un sujet peu traité, présent certes mais pas autant que la religion et évidemment aussi pour critiquer les "pro life". Hors dans le jeu on ne fera qu'une mission secondaire tournant autour de Jésus, très courte et peu acide, et en revanche une mission principale longue dans le centre d'avortement, et commençant direct par une tirade de la réceptionniste servant à critiquer la pratique d'avortement et non les pro life, qui eux ne seront jamais égratignés. C'est l'inversion complète des proportions réelles de la série.
A mon sens cela est du à une décision commerciale : aux USA les athées et agnostiques représentent à peine 5% de la population, en faire trop c'est risquer de vexer 95% des joueurs, alors que faire une mission sur l'avortement tournée de cette façon ne vexera même pas un intégriste anti IVG. Parker et Stone n'ont visiblement jamais fait ce genre de calcul, et je ne serais pas surpris que cette direction fut imposée par Ubisoft bien plus craintif en la matière et désireux de vendre un maximum de galettes. Que croyaient ils ? Qu'ils allaient faire un carton chez les mormons ? Cela expliquerait pourquoi Parker dit qu'il a dut apprendre et accepter qu'on ne peut pas tout faire dans un jeu et qu'il serait intéressé à participer à d'autres projets mais pas nécessairement à une suite du Stick of Truth, et que Stone de son côté garde le silence. C'est de la censure, comme il y en a eu de façon encore plus criante sur les versions console et la censure c'est définitivement pas du South Park.
On pourrait aussi se poser des questions sur les différences entre la série et le jeu au sujet de l'homosexualité, sur le passage d'une série ouvertement gay friendly à un jeu qui se contente de se moquer des homos. Mais le pire reste l'évacuation quasi complète de la portée politique de South Park, réduisant cet aspect à une peau de chagrin, et encore une fois en inversant complètement la vapeur. Le seul homme politique amoché est Al Gore, démocrate et écologiste. Alors que la série est largement plus acerbe envers les républicains et néo libéraux qui eux, dans le jeu, ne sont pas inquiétés une minute. Evidemment qu'Al Gore est une cible de la série, mais South Park a une grande tradition "gauchiste", Parker soutenant ouvertement des partis politiques libertaires. Ils se moquent de tout le monde mais en conservant des proportions évidentes : sur toute la durée du show Clinton et moqué deux fois, Bush quatre fois plus, et bien plus méchamment. La perversion de ce jeu est d'avoir gardé que les moqueries faites pour "équilibrer la balance" au point au final de ne plus représenter les vrais engagements de la série.
Reste alors qu'une diarrhée dans ta face, le pipi caca faisant oublier cette arnaque intellectuelle, imposant du début à la fin sondes anales dans ton cul, jusqu'à toi tout entier dans un cul. Cul cul cul, caca caca caca, pets pets pets élevés au rangs de pouvoirs magiques majeurs, et un peu de pisse et de foutre pour varier. Ha ha ha qu'est-ce qu'on rigole. e_e
Ce qui sauve ce jeu c'est le "package". Le visuel est parfait, les doublages sont parfaits, l'esprit est quand même là, planant toujours au dessus de la partie. Jamais assez pour être satisfait, mais toujours assez pour ne pas être dégoutté. En gros on se fait baiser, mais assez bien pour y prendre plaisir. On arrive même à ne pas s'ennuyer de la répétitivité du système de jeu. Très vite on peut délaisser le côté 100% et l'envie de bien faire parce qu'au fond on s'en cogne, c'est n'importe quoi, enjoy.
A tel point que je ne peux descendre en dessous de 5 malgré la déception, le moteur étant assez satisfaisant pour qu'à la fin j'en veuilles plus, espérant une suite enfin fidèle. Bon à priori c'est pas gagné, Parker et Stone ont l'air de s'en foutre, ils ont d'autres chats à fouetter. Il ne faut pas espérer grand chose et puis si c'est pour nous relancer de la merde à la face je préfère qu'ils se battent pour une version filmée de leur sublime comédie musicale. D'ailleurs il est fort à parier que si le Stick of Truth a été bâclé, qu'ils ont accepté de prostituer South Park c'est à cause du Book of Mormons qui méritait clairement plus leur attention et beaucoup d'argent.
5/10 car on ne peut pas dire que c'est un mauvais jeu, mais quand même, ça fait mal au cul.