Je n'aime pas les TPS. Dézinguer des vagues d'ennemis en se cachant derrière des caisses et des murets, tirer une balle, s'en prendre 12, se re-cacher en attendant que la régénération automatique fasse son office... Non, franchement, ça me fait plus chier qu'autre chose. De plus, je n'ai aucune affinité particulière avec les ambiances militaires « réalistes ». Mais si je me suis tout de même intéressé à ce "Spec Ops", c'est bien entendu parce qu'il a une autre dimension: l'ambition d'un bon scénario. Et moi, dès qu'un jeu propose de me raconter une bonne histoire, je dis OUI ! Surtout que j'étais curieux de voir comment l'un des genres vidéoludiques les plus répétitifs et bas du front (le TPS, je le rappelle) pouvait s'en sortir, narrativement parlant. On me parlait d'une expérience à la "Apocalypse Now". Rien qu'en se cachant derrière des caisses ? Ok, j'achète...
Après une courte mais intense session de jeu répartie sur quelques jours, j'ai quand même envie de soutenir ce jeu. Ouais, largement. Pourtant, il y a beaucoup de choses décevantes, des éléments qui viennent bêtement ternir des idées souvent excellentes. "Spec Ops" est un jeu au gameplay tout ce qu'il y a de plus banal qui porte comme il peut une ambition artistique d'enfer. Un produit malade et donc forcément intéressant, un tesson qui vient gratter les tumeurs de nos petites habitudes de gamers.
Le scénario est vraiment bien chié, c'est vrai. J'y repense encore maintenant, quelques moments d'anthologie qui explorent la psychologie brisée des hommes qui ont choisi de se damner plutôt que de fuir leur responsabilité. On se retrouve donc devant un jeu qui propose quelques choix, mais des choix qui n'ont rien de manichéens. Quoi que vous fassiez, vous allez tout de même en prendre plein la gueule. Car c'est au joueur d'adapter sa conscience à ce qui lui parait le moins douloureux à accomplir. Et la petite finesse en plus, c'est que ça ne se passe pas dans des dialogues mais de façon fluide dans le gameplay. Un très bon point. Hélas, il faut avouer que ces choix sont tout de même peu nombreux et ne changent votre expérience que de façon subjective (le scénario reste le même, ça se passe juste entre vous et votre conscience... à la "Walking Dead" en somme).
Tout cela est tout de même noyé dans les scènes de shoot, franchement en surnombre, comme dans n'importe quel TPS lambda. Certains diront « oui, mais c'est fait exprès, justement pour dénoncer la violence répétitive des jeux de guerre ». Je ne suis pas convaincu, je crois au contraire qu'il y avait moyen d'innover au niveau du gameplay tout comme ils ont réussi à le faire avec les enjeux scénaristiques. Moins d'ennemis aurait été souhaitable et du genre qui ne font pas mouche en une demi-seconde et à 30 mètres de distance comme s'ils étaient possédés par des forces surnaturelles. Pour compenser, il aurait fallu plus de difficulté à les abattre, la nécessité d'élaborer de véritables stratégies pour les contourner et se les fumer (on devrait vraiment me permettre de réaliser un jeu, moi)... C'est un peu facile de dire « les autres font de la merde et on va dénoncer ça... en faisant en partie la même chose ! ».
Ce n'est pas catastrophique non plus, rassurez-vous. Les deux soldats que vous commandez possèdent une relativement bonne IA et se révèleront efficaces pendant les joutes armées. Et il y a même quelques séquences de shoot qui sont vraiment énormes, surtout dans le dernier quart du jeu quand la dégradation psychologique du héros influence le gameplay. C'est à ce moment qu'on se rend compte du jeu grandiose qu'on aurait pu avoir. Mais outre le scénario, c'est certainement l'ambiance qui est la plus grande réussite de ce Spec Ops. Dubaï sombre en Enfer et vous assistez en direct à son anéantissement. C'est sombre, dépressif et sans la moindre consensualité. Dommage que le rythme ultra-trépidant des affrontements empêche souvent de véritablement profiter de cette ambiance délétère. Les meilleurs moments du jeu sont sans doute ces étranges respirations, presque mystiques, qui nous placent devant l'immensité et la solitude ou, au contraire, l'étroitesse infinie et hurlante de l'Homme. C'est comme ça que l'on fait un putain d'Apocalypse Now en jeu vidéo: avec des moments de contemplation, pas en nous faisant déglinguer un demi millier de soldats pour ensuite essayer de nous faire culpabiliser...
Enfin, un mot sur la musique. Une autre idée géniale du jeu consiste à faire intervenir un DJ qui diffuse sa petite radio privée un peu partout dans Dubaï. Une bande-son in-game qui vient résonner au dessus du bruit des mitraillettes et des explosions. Et quelle musique ! Jimi Hendricks (A Merman I Should Turn To Be, putain !), Deep Purple, Alice in Chains, Nine Inch Nails, etc. Un mélange de classiques et de nouveautés principalement porté sur le progressif, l'alternatif et le psychédélique. De la trique auditive, quoi. Il faut cependant avouer que très peu de ces pistes sont vraiment mises en avant durant le jeu et on peut ignorer la moitié de la bande-son si on ne se réfère pas à ceci: http://www.youtube.com/watch?v=fOjnnC-x-ro Encore un truc dément qui n'a été qu'effleuré...
L'impression générale est pourtant largement positive. A ce jour, Spec Ops: The line est l'un des très rares TPS que j'apprécie. Un voyage introspectif, des scènes d'horreur, un peu d'ennui, des idées de mise en scène peu communes et pas mal de subtilité dans un océan de noirceur et d'action bourrine. Une petite voix dans ma tête qui gratte... qui gratte...