Le summum de l'infiltration

Le meilleur de la série, et mon jeu préféré. Les rares aspects où il a vieilli sont largement contrebalancés par ses qualités, plus de 13 ans (17 maintenant, ouch) après sa sortie.

L'infiltration y est plus complète que jamais, la palette de mouvements est très riche, tout comme les mécaniques: la gestion du son (selon les surfaces, mais surtout le bruit ambiant est pris en compte, permettant de masquer votre avancée, c'est une feature que l'on ne retrouve que trop rarement) et de l'obscurité (et pas une gestion binaire, plusieurs paliers qui feront réagir différemment les ennemis selon les cas) sont exemplaires, tout comme le level design: les niveaux sont excellents dans leur agencement comme leur interactivité: chaque appareil peut être brouillé, brisé, piraté et impactera les ennemis comme votre environnement. Le jeu a la pertinence de toujours vous pousser à interagir avec les systèmes du jeu et évite de juste vous laisser vous planquer dans un coin en attendant un trou dans les patrouilles, même quand vous voulez accomplir un ghost run; vous aurez à élaborer des plans, varier votre approche et exploiter la profondeur tactique du titre, chose pas si souvent mise en œuvre correctement, y compris dans des titres de prime abord plus complexe. Pour vous aider à la tâche, en plus des acrobaties de coutume, vous aurez droit à quelques gadgets qui compensent leur nombre relativement restreint par une véritable utilité tout au long du jeu.

Si la marge de manœuvre permise par chaque situation est exemplaire, le déroulement d'une mission est le plus souvent relativement linéaire. Mais vous aurez droit à pas mal de passages secondaires et à des raccourcis, la plupart du bon genre: de ceux qui vous permettent d'aborder une situation de manière différente ou avantageuse et pas un bouton skip qui ressemblent à un conduit d'aération (pas vrai Human Revolution). Le jeu fait quand même l'erreur de placer parfois des objectifs secondaires sur des chemins spécifiques, vous empêchant un peu d'en prendre d'autres si vous voulez votre joli score à la fin de la mission (d'ailleurs tant qu'on en parle, l'évaluation du score de mission est vraiment bon, récompensant la voie non létale et l'infiltration, sans pousser à un style de jeu barbant ou rédhibitoire).

Pour remplir tous ces niveaux, le jeu dispose d'ennemis dotée d'une IA clairement à la hauteur, qui est selon moi encore la meilleure dans sa catégorie (comme quoi c'est plus une question de soin que de technologie, dommage que l'accent ne soit plus tellement mis dessus aujourd'hui). Les gardes ont de la mémoire, sont attentifs au moindre détail et ne lâcheront pas l'affaire facilement. Même en combat, ils agiront de manière crédible, ont pas mal de réactions sympathiques, iront à couvert et chercheront à vous contourner. Elle accuse un peu son âge sur quelques aspects, notamment avec des ennemis limités à un espace assez restreint (même si ça se voit pas trop la plupart du temps), et ne modifiant qu'assez peu leur comportement lorsqu'une alarme est sonnée (les gardes alertés le resteront, mais ceux plus éloignés dans le niveau ne modifieront leur comportement qu'au bout de plusieurs alarmes). Ils ont aussi un temps de réaction très rapide, et auront tendance à vous fumer avant que vous n'ayez le temps de sortir votre arme (surtout en mode de difficulté supérieur), Sam n'ayant pas une rapidité extraordinaire quand il s'agit de dégainer, il faudra donc bien anticiper les adversaires pour éviter de finir en passoire. Par ailleurs, les niveaux ont toujours leur petite originalité, changeant un peu votre manière de jouer, ce qui est très cool. Autre mécanique montrant l'attention aux détails, que je n'ai jamais revue ailleurs, l'échec d'un objectif secondaire dans une mission vous donnera un objectif supplémentaire à accomplir dans la mission suivante.

Mais le level design et ces détails ne sont pas la seule manière de différencier des niveaux. Même s'il fait forcément sombre, chaque niveau a son identité visuelle propre, et le jeu est encore très joli aujourd'hui, les ombres à couper au couteau donnant au titre une identité visuelle forte tout en donnant des indications claires au joueur sur le niveau de visibilité. Mais c'est surtout grâce à ses musiques absolument géniales que la DA laisse son empreinte: toujours uniques au niveau et adaptées au lieu visité, les musiques, en plus de faire des merveilles en terme d'atmosphère (des sons venant des types de décors visités sont même parfois intégrés à la bande son), s'adapteront à l'état du joueur en s'enrichissant et en gagnant du tempo en fonction du niveau d'alerte des gardes. Non seulement le jeu doit en grande partie sa tension et son ambiance magistrale à ces compositions, mais elles s'avèrent aussi indispensables au gameplay en fournissant des infos au joueur de bien belle manière (essayez sans, vous verrez la différence). Moi, de la cohérence comme ça au sein d'un jeu, je trouve ça beau.

Si l'histoire qui nous est comptée n'est pas toujours la plus fascinante, elle reste agréable à suivre. Le côté Tom Clancy se reflète beaucoup dans le contexte géopolitique, présenté de manière assez chiante (les flashs infos, bof quoi), mais soigné et plutôt crédible (sauf pour les antagonistes). Si le point de vue reste assez néoconservateur (on est la pour protéger les intérêts de l'Amérique, et la paix mondiale par la même occasion), le jeu évite le patriotisme dégoulinant et les morales guerrières qu'on peut trouver dans les jeux à thème militaire. On est à des années lumière d'un Splinter Cell Blacklist qui vous envoie faire des frappes de drones sur l'Iran au nom de la démocratie (eurk).

Mais c'est surtout les l'écriture des dialogues, franchement réussie, qui nous investira et nous attachera à Sam et son équipe, ayant le bon équilibre entre sérieux et légèreté. Les interrogatoires des gardes sont également très sympa et souvent amusants. Les doublages, en VO comme en VF, font honneur à cette partie du jeu. Y bien a des gardes qui parlent entre eux en français avec des accents un peu limites, mais vous avez l'option de mettre toutes les voix en VO, et les gardes parleront dans leur langue d'origine. Moins de compréhension, mais plus d'immersion.

Le jeu avait également un mode coop et multi, mais les serveurs ont fermés depuis. Notez qu'il est toujours possible d'y jouer en réseau local en coop (qui est très bon, même si moins soigné, visuellement comme mécaniquement, que la campagne), voir même en ligne si vous voulez bidouiller.

Splinter Cell Chaos Theory est donc un excellent jeu, d'un cohérence rare entre tous les éléments qui le composent. C'est bien sûr pour moi un incontournable pour tout amateur d'infiltration, mais aussi un titre qui pourrait intéresser les réfractaires au genre, souvent considéré injustement comme barbant, toujours à attendre qu'un clampin tourne le dos. C'est ici tout le contraire.