Cette critique comporte des spoilers.
Starfield était de très loin le jeu que j'attendais le plus depuis plusieurs années, étant un passionné des jeux de rôle Bethesda et en particulier ceux de la licence Elder Scrolls. Starfield nous avait été présenté comme un « Skyrim de l'espace », je ne pouvais donc qu'adhérer sans réserve au projet et ma frustration de voir le jeu reporté à plusieurs reprises n'avait d'égale que l'excitation grandissante alimentée par les trailers à l'esthétique léchée et qui annonçaient un jeu très ambitieux tout en étant le digne successeur des productions passées du studio, capitalisant sur ce qui fait la force et la marque de fabrique de Bethesda : un univers vivant et interactif où le joueur peut façonner son personnage, est libre de suivre ou non la trame principale qui n'est bien souvent qu'un prétexte à la découverte d'un monde fourmillant d'activités que se disputent des factions antagonistes, ces dernières permettant d'aborder le jeu de plusieurs manières en favorisant tel ou tel gameplay (action pure, infiltration, autres compétences comme la magie, la science etc...). Le tout transposé dans un univers de science fiction qui donnait carte blanche aux développeurs avec la première licence inédite du studio du Maryland depuis 25 ans.
Sur ces différents points Starfield m'a globalement déçu. Starfield est sans conteste un jeu qui présente des qualités mais il me semble qu'il comporte de nombreuses régressions sur les aspects que j'ai évoqués plus haut, lorsque nous le comparons à des jeux comme Oblivion, Skyrim ou encore Fallout 4. Et, en parallèle, le dernier opus de Bethesda n'apporte que peu de nouveautés ou alors très clairement en deçà des attentes.
Starfield coche pourtant en apparence toutes les cases des jeux Bethesda : le joueur commence par créer son avatar au moyen d'un éditeur très complet, on note à ce stade une importante amélioration graphique dans la modélisation des personnages. On choisit ensuite ses traits parmi un éventail de compétences assez varié puis après une rapide introduction à la quête principale qui fait office de didacticiel, on est « lâché » dans le monde ou plutôt la première planète parmi les plus de mille promises par le studio, avec la liberté totale de visiter cette dernière (à pied.. c'est long !) ou bien de s'envoler vers d'autres cieux en s'initiant au passage au combat dans l'espace. Nous sommes rapidement orientés vers la première ville et capitale de Starfield qui, toujours en apparence, paraît bien plus grande et tentaculaire que les villes/cités auxquelles nous avait habitués BGS.
Ma première impression après cette phase d'initiation fut très positive. J'ai été en particulier porté par l’atmosphère générale sublimée par une bande son de qualité et qui est une ode à la découverte et à la contemplation. Mais les premiers défauts évidents du titre m'ont rapidement heurté : graphiquement le jeu est inégal. Globalement les intérieurs et tout ce qui est « urbain » et « synthétique » sont très beaux et d'un design cohérent, on a vraiment l'impression d'être projeté dans une société futuriste qui a conquis l'univers où la science et la technique sont omniprésentes. Par contre pour les extérieurs et la végétation (les arbres de New Atlantis semblent tout droit sortis de Morrowind), le tableau est moins reluisant. De même, l'absence d'un certain nombre d'effets se fait ressentir : il n'y a pas de trace au sol lors des déplacements, le rendu de l'eau est très daté, les effets de la météo sur notre personnage (texture mouillée, vent...) sont quasiment absents. On a parfois l'impression de "glisser" dans le décor sans qu'il n'ait d'emprise "physique" sur nous. Encore une fois cela concerne particulièrement les extérieurs, le rendu des intérieurs est bien meilleur et globalement très beau. Par ailleurs, les effets de lumière sont magnifiques (ils ont en plus été améliorés par des patchs successifs). Sans doute un choix de la part de Bethesda afin de concilier graphismes et performance.
Cette ambivalence se retrouve dans quasiment tous les aspects du jeu. Sur le plan de la narration, la quête principale m'a semblé plutôt dans le haut du panier des productions de BGS. Il y a une certaine dramaturgie que je n'avais pas retrouvée depuis Oblivion. Le new game +, inédit pour un jeu BGS est bien amené et cohérent au vu de l'intrigue. Certaines missions de la quête principale sont très marquantes et témoignent de la volonté de Bethesda d'innover (j'ai en tête une des dernières quêtes avec un cheminement qui nous fait alterner entre deux dimensions). La trame principale réserve quelques surprises et tient en haleine jusqu'à la fin. Si cette dernière est globalement de qualité, certaines quêtes qui la composent se révèlent plus médiocres et répétitives ; je pense surtout aux quêtes qui consistent à récupérer les artefacts dans les grottes x ou y ou encore la découverte des temples, ces derniers étant des copiés/collés sans grand intérêt, ils m'ont fait beaucoup penser aux donjons à la fin desquels les « cris » étaient débloqués dans Skyrim, à ceci près que dans TES5 chaque donjon - et pas seulement ceux de la quête principale - est unique et fait main.
En dehors de la quête principale qui est un point fort du jeu, les 4 factions qu'il est possible de rejoindre ont un niveau d'écriture que je mettrais au niveau de celle de TES4 : Oblivion et au dessus de celle de Skyrim dont les 4 guildes m'avaient laissé un goût d'inachevé (les factions de Fallout n'étant à mon sens pas aussi développées). Mais là encore les missions qu'elles proposent n'offrent pas toutes le même intérêt : j'ai par exemple trouvé les missions d'infiltration de fin de faction de Ryujin Industries plutôt réussies mais les quêtes de départ (aller voler l'item x ou y / pirater l'ordinateur littéralement en face de la victime du larcin sans que cette dernière hausse le sourcil) quelconques pour ne pas dire autre chose. Certains choix scénaristiques ne m'ont également pas convaincu, par exemple les motivations de l'instigateur du complot dévoilées en fin de quête de la faction Liber Astra guère ne sont guère convaincantes alors que jusqu'ici l'avancée de l'enquête que mène le ranger que nous sommes faisait espérer une toute autre issue (tout ça...pour ça !). Un bon point cependant est à relever sur la place de notre personnage dans ces factions : nous n'en devenons jamais le chef malgré nos contributions qui ne sont pas minces et on a toujours l'impression de ne rester qu'un rouage d'une machine plus grande que nous, Bethesda semble avoir écouté les retours des joueurs sur cet aspect et c'est très bien, espérons que ça dure !
Ainsi, si Starfield a d'abord été présenté comme un Skyrim dans l'espace, il se rapproche plus, comme Bethesda « itself » a d'ailleurs pu le relever dans sa communication, d'un Oblivion dans les étoiles. Le jeu bénéficie en effet d'une bonne écriture globalement et un soin particulier a été apporté aux quêtes de factions, comme dans Oblivion. Les PNJs sont en outre très bavards (le nombre record de lignes de dialogues se ressent bien). On aurait pu légitimement penser que la richesse des dialogues allait permettre au joueur d'influer sur les événements en faisant tel ou tel choix, si les options de réponse sont nombreuses ces dernières n'ont bien souvent aucune conséquence sur le déroulé du jeu (c'est malheureusement une caractéristique récurrente des titres Bethesda). Il est également possible de réaliser toutes les quêtes de factions dans une même partie. C'est dommage car le parti pris du new game + aurait facilement justifié une contrainte là dessus grâce à la rejouabilité qu'offre ce dernier.
Bethesda n'a eu de cesse de mettre en avant l'aspect exploration du titre, ce qu'on peut effectivement attendre d'un jeu de rôle dans l'espace, en insistant sur les 1000 + planètes qu'il est possible de visiter. C'est pourtant pour moi le gros point noir : l'intérêt de l'exploration des planètes est quasi nul. Les planètes se découvrent en « tuiles » générées de manière procédurale dans lesquelles le jeu place aléatoirement des « points d'intérêts » qui sont des copiés/collés que l'on retrouve d'une planète à l'autre (parfois plusieurs fois de suite). Le « pool » de POI est très réduit. C'est bien simple il m'a semblé que le jeu comportait au total environ deux fois moins de donjons différents que dans Skyrim alors qu'il avait été présenté par Bethesda comme de loin la plus grosse production du studio en termes d'investissement et de développement. En lisant les interviews du studio on a compris que cela avait été longuement discuté en interne et que deux visions s'étaient affrontées : offrir une simulation de voyage dans l'espace complète en donnant la possibilité de visiter plusieurs centaines de planètes mais avec une exploration nécessairement plus superficielle ou bien se se concentrer sur quelques (dizaines?) de planètes faites main. La première option l'a emporté. A noter qu'avec l'extension Shattered Space, Bethesda fait le choix de proposer une seule zone (planète) de contenu additionnel alors qu'on aurait pu penser que le studio allait capitaliser sur ces centaines de planètes en disséminant du contenu ici et là... C'est donc en quelque sorte un aveu d'échec. Cela sera peut-être pour les prochaines extensions, restons optimistes ! En attendant nous évoluons dans un monde plus instancié que jamais, entrecoupé d’écrans de chargement et accessible via des allers/retours dans un menu qui ne remporte pas la palme de l'ergonomie, ce qui rend ce dernier moins tangible que dans les précédentes productions. Une remarque sur la sensation d'immersion dans le monde « ouvert » : le comportement des PNJ est également une régression par rapport aux autres jeux de rôle BGS : la routine des personnages est en effet nettement moins développée que dans les TES ou Fallout, les PNJ étant pour la plupart statiques et n'ont pas de cycle jour/nuit. Ce point est vraiment décevant car cela contribue pour beaucoup à rendre le monde réel et est aussi une marque de fabrique de Bethesda habituellement.
On a en fait la sensation que le studio a souhaité intégrer de nombreuses mécaniques dans le jeu sans réellement développer chacune d'entre elles. La construction de vaisseau est une exception notable : les vaisseaux sont entièrement personnalisables et leur conception est un véritable jeu dans le jeu. Je m'y suis investi sans réserve et en ai retiré beaucoup de satisfaction ! Ce plaisir ne se retrouve cependant pas dans les phases de combat dans l'espace qui restent assez archaïques en termes de jouabilité et plutôt punitives. Pour ce qui est de la construction de bases, je ne m'y suis pas assez essayé pour commenter mais de ce que j'ai pu lire ce n'est pas au niveau de ce qu'un Fallout 4 peut proposer.
J'ai comparé à plusieurs reprises le jeu à Skyrim et Oblivion mais Starfield est indéniablement le digne successeur de Fallout 4, ne serait-ce que sur l'aspect FPS qui est directement inspiré du jeu post apocalyptique, le V.A.T.S (pause tactique) en moins. Là encore la déception est le maître mot : la variété des armes n'est pas au niveau de ce que Fallout peut proposer, les sensations de tirs ne sont pas exceptionnelles. On ne fait pas vraiment la différence entre les types d'armes (balistique, énergie, particules...). Le combat au corps à corps est bâclé, avec un choix très limité d'armes et des animations qui font le minimum syndical, détail rigolo : il n'y a toujours pas de raccourci pour équiper les poings / déséquiper une arme alors que plusieurs compétences du premier arbre sont dédiées au combat à main nues ! De manière générale les phases de combat sont monotones, le manque de variété des ennemis y étant pour beaucoup. Si on veut résumer et en étant un peu de mauvaise foi, on peut dire qu'on va rencontrer des pirates de l'espace en combinaison, des corsaires de l'espace en combinaison et des pirates religieux en combinaison. Et parfois des robots et des tourelles. On pouvait quand même s'attendre à mieux. Dans la même veine Starfield donne la possibilité de modifier son équipement, comme dans Fallout mais la conception d'armes/armures est moins développée.
Je terminerai sur le système de compétences qui est un point auquel j'accorde beaucoup d'importance dans les jeux Bethesda : celles de Starfield sont relativement variées et sont le reflet des nombreuses mécaniques auxquelles il est possibles de s'adonner : conception de bases, vaisseaux, exploration, relations avec les personnages et compagnons, arbre de combat... le mode d'évolution est un mélange des systèmes des précédents jeux que je trouve plutôt bien pensé : il faut attribuer des points pour débloquer les compétences puis ensuite les améliorer via la pratique même si cela peut s'avérer laborieux parfois (exemple : le jeu impose de se battre au corps à corps pour monter une compétence de furtivité).
Je mets donc 7/10 à Starfield. Le jeu reprend sans surprise ce qui fait la particularité et le succès des TES et Fallout : un monde vaste avec des interactions fortes et une liberté d'évolution que l'on ne retrouve dans aucune autre production. Le nouvel opus de Bethesda est généreux et dévoile un univers crédible, beau dans l'ensemble et très poétique par moment, il repose sur une bonne qualité d'écriture globalement. Certaines mécaniques telles que la conception de vaisseau sont un vrai plus et un « jeu dans le jeu ». Malheureusement sur plusieurs points Starfield est en régression par rapport aux productions passées du studio, au premier rang desquelles Oblivion/Skyrim (pour ne pas citer Morrowind) et Fallout 3 et 4. Le gros point noir concerne le sentiment d'exploration, dont le jeu devait être le porte étendard mais qui se révèle en réalité quasi nul, faute de contenu fait main suffisant sur les 1000 + planètes qu'il est possible de visiter. Les phases de combat se révèlent également trop monotones. Le joueur n'est pas véritablement incité à se lancer à la découverte d'un monde qui apparaît moins tangible que dans les autres jeux de rôle du studio. Comme toujours, les extensions successives et les mods permettront d'améliorer le titre mais la base de départ est indéniablement trop frileuse sur de trop nombreux aspects. Je conserve néanmoins tous mes espoirs dans TES6 étant persuadé que Bethesda prêtera une oreille attentive aux critiques et empruntera le bon chemin pour ce nouvel opus tant attendu. En attendant on souhaite tout de même le meilleur à Starfield qui ne peut que se bonifier !