Après presque 20 ans de sorties consécutives des jeux Elder Scrolls et Fallout, Bethesda sort enfin une nouvelle licence : Starfield, un FPS/RPG de science-fiction. Fini les jeux où l'on se contente d'explorer une région précise, place à l'espace et à l'exploration de la galaxie, à la découverte de nombreuses planètes variées à bord de votre vaisseau customisable. C'est du moins ce que promet Bethesda.
Dans les faits, Starfield est un jeu frustrant, parce qu'il y a définitivement un jeu sympathique ici mais qui est caché sous une tonne de problèmes, notamment la paresse de Bethesda qui se repose uniquement sur ses acquis et qui a trop peur d'innover.
Commençons par les points positifs. Les phases de shoot sont plutôt réussies. Le gunfeel n'est pas non plus à la hauteur d'un vrai FPS pur et dur, mais pour un jeu censé être un RPG, ça reste correct. Le fait qu'on ait droit à un jetpack et que la gravité change en fonction des planètes, avec même quelques zones en zéro-G, offrent des situations amusantes et rafraichissantes pour un FPS/RPG. Les armes sont globalement satisfaisantes à utiliser et on sent une évolution comparée à Fallout 4.
Pour mettre en valeur cette mécanique de tir, il y a tous ces "donjons" à explorer. Même quand le jeu a des défauts, il y a toujours quelque chose d'agréable dans ces donjons des jeux Bethesda. Traverser ces niveaux, tuer des ennemis, piller des corps et des coffres, rencontrer enfin le boss final et trouver la petite sortie cachée qui vous ramène au début du donjon... c'était cool dans Elder Scrolls, c'était cool dans Fallout et c'est toujours cool dans Starfield.
La direction artistique est également intéressante. Plutôt qu'un look science-fiction trop déjà vu, Bethesda a opté pour ce qu'ils appellent le "Nasapunk", c'est-à-dire une vision exagérée des technologies actuelles, voire un peu anciennes, de la Nasa. On retrouve ainsi de nombreuses machines au design plus fonctionnel qu'esthétique, avec une touche de rétrofuturisme. Plutôt que des écrans tactiles et des hologrammes, le jeu est truffé de boutons en plastique, ce qui lui donne un côté années 90 rafraîchissant par rapport aux designs SF que l'on voit habituellement dans les jeux vidéo. La DA va sûrement diviser car elle peut paraître un peu froide, mais perso j'aime bien.
Je suis globalement conquis par les designs mécaniques, le look des personnages, les armes... Par contre, je suis un peu plus mitigé par rapport aux décors. La ville de Neon est assez chouette. On dirait un peu une version PS3 de Cyberpunk 2077, mais ça reste une ambiance réussie. New Atlantis en revanche est très oubliable. C'est tellement générique qu'on dirait le résultat d'une génération de Midjourney si on tapait comme mots clés "ville SF". L'ambiance des différentes planètes est également décevante, mais j'y reviendrai plus tard...
Todd Howard nous avait promis le jeu le moins buggé de l'histoire de Bethesda. A ce niveau-là, c'est un autre point positif car pour une fois il n'a pas menti, et on a un jeu étonnamment stable. Sur une trentaine d'heures, je n'ai rencontré quasiment aucun bug (à l'exception de quelques ragdolls et objets physiques qui bougent bizarrement mais rien de bien grave). C'est du coup un launch propre, c'est d'autant plus surprenant quand on sait que leur précédent jeu était le catastrophique Fallout 76.
C'est à peu près tout ce que j'ai à dire de positif sur Starfield. Je vais maintenant détailler les problèmes qui m'ont fait abandonner l'aventure.
Le plus gros problème que j'ai avec Starfield, c'est son univers, son écriture, son scénario et ses personnages. Honnêtement, je n'ai jamais réussi à entrer pleinement dans l'histoire. La trame principale est une succession de missions très basiques où l'on se contente d'aller sur des planètes pour y trouver des morceaux d'artefacts. Mais il n'y a pas de magie de la découverte. La mise en scène est très plate et n'a aucune ambition.
Les personnages sont tous plus oubliables les uns que les autres. Par exemple, aucun des personnages de la Constellation n'est charismatique ou intéressant à mes yeux, et aucun ne m'a donné envie de partir à l'aventure avec eux pour mieux les connaître. Cela a fini par rapidement me couper envie d'écouter les dialogues.
De plus, l'univers lui-même est dans l'ensemble très déjà-vu et inintéressant. Dans Mass Effect par exemple, j'avais constamment envie de découvrir les différentes planètes et de rencontrer les différentes civilisations extraterrestres pour comprendre leur culture. Starfield est vaste, mais on y retrouve que des archétypes classiques : l'armée, les corporations riches et méchantes, des pirates, des voyous, des scientifiques, des cow-boys de l'espace..
La déception commence dès l'introduction du jeu. Vous vous souvenez du début de Skyrim ? Vous commencez en tant que prisonnier sur le chemin de l'exécution. Alors que vous êtes sur le point d'être décapité, un dragon attaque la ville et sème le chaos. Dans votre fuite, vous pouvez vous ranger du côté des Sombrages ou des Impériaux. Non seulement c'était spectaculaire et mémorable, mais l'intro nous permettait de découvrir l'univers et le conflit entre les deux principaux camps qui se battent pour le pouvoir dans la région de Bordeciel.
Plus tard, le jeu nous apprend que nous étions un "Dragonborn", une sorte de surhomme capable d'absorber le pouvoir des dragons. Mais le jeu a eu l'intelligence de ne pas introduire cette notion dès le début du jeu. Il a fallu attendre environ 2-3 heures pour que l'intrigue commence enfin, ce qui a permis au jeu d'avoir un bon rythme.
L'intro de Starfield : on commence dans les mines, on casse 2 ou 3 rochers et on tombe sur un artefact magique. On comprend tout de suite qu'on est un élu, un "Starborn" (mdr). Ensuite, vous êtes attaqué par des pirates complètement random. Puis, un type qu'on ne connaît pas nous donne son vaisseau et son robot. Tout ça se boucle en 15 minutes, c'est d'une nullité affligeante.
Les dialogues sont souvent très robotiques (l'animation totalement datée des personnages n'étant pas là pour aider..). Les moments de conflit et de tension qui sont censés être mémorables finissent souvent par être des pétards mouillés. Ces situations sont rendues encore plus ridicules par le mini-jeu de persuasion. Qu'il s'agisse d'obtenir gratuitement un objet d'une valeur inestimable, d'accéder à une zone confidentielle ou de convaincre un chef de gang de se rendre gentiment, il suffit de choisir des réponses aléatoires comme "allez stp" et ça marche ! Il n'y a aucune conséquence à nos actions, vous avez beau avoir trucidé la moitié de l'équipage d'un vaisseau, mais vous pouvez partir librement car vous avez convaincu le leader avec un petit "vazy mec soit pas relou".
Je sais que ce problème d'écriture est classique dans les jeux Bethesda, mais merde, on est en 2023 et ça fait complètement tâche à côté d'autres jeux comme Cyberpunk 2077 ou Baldur's Gate 3. Ce n'est pas trop demander qu'ils essaient au moins d'écrire des dialogues plus crédibles, plus intenses et plus intéressants.
Starfield a beau être une nouvelle licence, la structure du jeu est tellement identique à celle d'un Elder Scrolls ou d'un Fallout qu'on a souvent l'impression de jouer à un mod hyper-ambitieux de Fallout 4 ou de Skyrim plutôt qu'à un nouveau projet. Mais s'il y a bien un aspect véritablement nouveau dans le jeu, c'est l'exploration spatiale. Malheureusement, c'est certainement l'aspect le plus raté du jeu.
Beaucoup de gens ont eu peur en apprenant que Starfield allait tourner sur le même moteur que tous les jeux récents de Bethesda, le Creation Engine, et pour de bonnes raisons. Non seulement parce que ça ressemble visuellement à un jeu sorti il y a 10 ans (ce qui n'est pas vraiment une surprise, je pense que personne ne s'attendait à une démo technique de la part de Bethesda), mais surtout parce que Starfield est incapable d'offrir une expérience fluide sans écrans de chargement constants.
Vous voulez sortir d'un intérieur ? Chargement.
Vous voulez prendre l'ascenseur ? Chargement.
Vous voulez rentrer dans un magasin ? Chargement.
Vous voulez changer de quartier ? Chargement.
Vous voulez rentrer dans votre vaisseau ? Chargement.
Vous voulez aller dans l'espace ? Chargement.
Vous voulez vous poser sur une planète ? Chargement.
Vous voulez sortir du vaisseau ? Chargement.
Bref, vous avez compris. Chargement !
Rien que dans des villes comme Neon, il n'est pas rare de subir 4 chargements en une minute juste pour parler d'un PNJ à un autre, à cause des transitions intérieur/extérieur. Imaginez donc cela mais appliqué à l'échelle d'un jeu d'exploration spatiale qui nous invite à changer constamment de système solaire pour faire avancer l'histoire. On est obligé de casser complètement l'aspect immersif du jeu, étant donné qu'il est tout simplement impossible de voyager dans l'espace sans avoir à ouvrir constamment un menu de téléportation (avec une interface au design atroce, ce qui est une habitude chez Bethesda).
Dans un Fallout ou un Elder Scrolls, même si ces jeux étaient aussi pleins de chargements, il était au moins possible d'explorer le monde ouvert de manière seamless. D'ailleurs, je suis en train de rejouer à Skyrim, en me forçant à ne jamais utiliser le voyage rapide, et j'adore ça. On dit souvent que c'est le voyage qui compte, pas la destination. Et c'est ce qui faisait le charme des jeux Bethesda jusque là. Ce n'est pas seulement pour les quêtes qu'on joue à ces titres, mais aussi pour explorer le monde ouvert et faire des découvertes et des rencontres en chemin.
Starfield, de par la façon dont le jeu est codé, ne permet pas de voyager sans se téléporter. On finit rapidement par ne plus chercher à explorer, et à se téléporter aux points d'intérêt indiqués dans les menus, ce qui donne au jeu l'impression d'être un simulateur de voyage rapide. Aller dans l'espace n'a rien de magique dans Starfield, au contraire, c'est plutôt une perte de temps entre 2 écrans de chargement pour arriver à destination.
Au moins, on peut explorer des planètes sauvages ? Eh bien, on peut... mais il n'y a RIEN à faire ! Toutes les planètes sont plus vides que lors du lancement de No Man's Sky. En dehors des villes et des zones de mission conçues spécifiquement pour les quêtes, le reste de la planète est un champ vide généré de manière procédurale, avec les mêmes points d'intérêt copiés/collés. Il n'y a pas de véhicules ou de montures dans le jeu, vous devez donc parcourir de longs chemins ennuyeux sur des kilomètres de vide absolu. Je n'en vois vraiment pas l'intérêt.
J'ai donc rapidement abandonné l'exploration pour me concentrer sur les quêtes. Mais même les quêtes deviennent lourdingues, car c'est souvent une succession de séquences où il faut aller d'une planète à l'autre pour parler à un PNJ afin de faire avancer l'histoire, et où il faut à chaque fois ouvrir un menu de téléportation pour passer d'un système solaire à l'autre.
En termes de superficie, Starfield est censé être le jeu le plus vaste et le plus ambitieux de Bethesda. Mais de par sa structure de gameplay, il donne l'impression d'un titre paradoxalement hyper-cloisonné et bourré de limitations. Il était bien plus agréable et immersif d'explorer les vastes champs nordiques de Skyrim.
Enfin, je disais plus haut que les "donjons" sont intéressants à parcourir. Mais même cet aspect finit par devenir redondant. Le bestiaire est très limité, et vous allez principalement affronter des humains lambda sans aucune variation tout le long du jeu. Le level design manque également de variétés, il n'y a pas vraiment de mécaniques comme dans les donjons d'Elder Scrolls où on peut activer des pièges pour tuer les ennemis ou utiliser des flaques d'huile sur le sol pour allumer des feux etc... C'est principalement des couloirs génériques. Parfois vous pouvez hacker un robot de sécurité pour qu'ils commencent à attaquer les ennemis, et c'est à peu près tout.
Comme je l'ai dit au début, ce n'est pas non plus un mauvais jeu car il y a définitivement moyen de s'amuser pendant un certain temps, grâce au shoot amélioré. Mais une fois qu'on s'en lasse, ni l'histoire ni l'aventure sont là pour redonner de l'intérêt à Starfield. C'est un jeu qui paraît vieillot et dépassé, qui essaye de donner l'illusion d'un jeu épique d'exploration spatiale, alors qu'en réalité c'est un titre qui montre rapidement ses limites et qui semble plus creux et anti-immersif que n'importe lequel des titres précédents de Bethesda.