(Critique publiée précédemment sur www.theindiecave.wordpress.com)
Stealth Bastard Deluxe ne fait peut-être pas l’actu en ce moment, mais il s’agit d’un des meilleurs jeux de plateformes auquel j’ai joué dernièrement, pas moins. Et sa B.O. tabasse sévèrement. Autant de raisons d’en parler ici.
Le jeu de Curve Studios est un mélange heureux entre la plateforme, l’infiltration et le puzzle-game : dans la peau d’un infortuné cobaye de laboratoire, il va falloir survivre à de multiples salles de test (pensez Portal), le tout dans un univers 2D qui oscille entre le mignon et le glauque, avec une jolie gestion des lignes de vue et de la lumière. Aussi, le jeu a le bon goût de ne pas proposer une énième esthétique pixel-art lo-fi, bien trop courante dans le milieu du jeu indépendant. On saute, on s’accroche aux rebords, on se planque dans l’ombre, on observe les rondes des ennemis, la position des interrupteurs… L’observation et l’expérimentation (et donc l’échec) sont primordiales dans les premières minutes de jeu : il faut découvrir à quoi sert tel interrupteur, comment dévier cet ennemi de sa ronde… Et puis on se lance, effectuant chaque action avec le timing parfait, dans un ballet évoquant celui, en nettement moins mortel, de Hotline Miami. Car infiltration oblige, vous n’êtes pas en position de force : aucun moyen de se défendre, votre seule arme sera votre matière grise, votre capacité à analyser le niveau et à anticiper les différents pièges. Il faut éviter, contourner, détourner de leur but initial des éléments placés ça et là dans les 80 niveaux que compte le jeu. Chaque niveau est une énigme, un puzzle à résoudre le plus rapidement possible, afin de décrocher le très convoité Rang S.
Concernant le gameplay, on a affaire à du classique plateformer 2D à un bouton : A (sur la manette Xbox 360) pour sauter et c’est marre. Pas de fanfreluches inutiles, pas de « dash » ou d’esquive, tout doit se faire avec les quatre directions et le saut. Limité ? Oui, très certainement, mais c’est précisément là où toute l’ingéniosité des développeurs entre en jeu : leur science aiguisée du level-design et des mécaniques de jeu va apporter toute sa variété et sa profondeur à leur jeu. Huit mondes de 10 niveaux, chacun introduisant de nouveaux éléments, de nouveaux ennemis ou mécanismes, évitant ainsi l’écueil de la répétition : ici, ce sont des caméras qui déclenchent des portes blindées, là, ce sont des ennemis aveugles à l’ouïe redoutables, ou encore là-bas (au fond, à droite, si-si je vous jure, regardez bien) ce sont faisceaux qui déclenchent des plateformes quand on se tient dans leur rayon… Tout est classique, peut-être déjà-vu, mais chaque aspect s’imbrique parfaitement dans ce jeu qui n’a d’autre prétention que de proposer une expérience d’infiltration jouissive et nerveuse : la mort est instantanée mais le retry l’est tout autant – une similarité de plus avec Hotline Miami (1).
J’ai évoqué plus haut l’existence d’un Rang S et donc d’une dimension scoring intégrée au jeu : en effet, chaque niveau est chronométré et votre performance est ajoutée aux leaderboards en ligne. Cette performance va du Rang D au S, le run parfait étant exigé pour décrocher cette distinction. A noter qu’il existe plusieurs costumes pour votre personnage, costumes qui se débloquent en terminant un niveau X fois : camouflage optique (en temps limité), leurre sonique, hologramme, téléporteurs… De nouvelles capacités qui vous obligent à repenser votre parcours dans les niveaux, diminuant grandement la difficulté de ceux-ci tout en apportant une replay value non-négligeable. Logiquement, les leaderboards ne prennent en compte que les performances réalisées avec le personnage de base, dépouillé de toute capacité spéciale. On pourrait penser que ce côté score et performance n’est réservé qu’aux complétistes les plus acharnés : c’est vrai dans la mesure où le jeu se corse très rapidement, mais cette dimension agit aussi comme une séduisante carotte car elle permet de débloquer tous les niveaux du jeu. Chaque monde compte un niveau S, pour lequel il faut obtenir un Rang S sur toutes les épreuves précédentes, et niveau « ADN » : chaque niveau recèle une zone cachée où se trouve une Hélice d’ADN, toutes les collecter débloque ce niveau « ADN ». Inutile de préciser que ces niveaux sont d’une difficulté retorse et ne sont à faire qu’une fois plusieurs niveaux « normaux » bouclés. Et pour ceux qui en voudraient encore plus, sachez qu’il y a également un DLC (The Teleporter Chambers) et que le jeu est compatible avec le Steam Workshop, tout en disposant d’un éditeur de niveaux gratuit : soit une quantité astronomique, et potentiellement infinie, de niveaux supplémentaires pour pas un kopek. Avouez que c’est plutôt chouette.
Vous l’aurez compris, pour son modique prix (8,99€), Stealth Bastard Deluxe est un « petit » jeu d’infiltration/puzzle sans prétention mais qui déborde de contenu et de challenge. Et sa B.O. qui tabasse ne coûte que 3£. Si vous êtes en manque de plateforme/infiltration (2), c’est le titre idéal. FONCEZ.
(1) Le fait que ces deux jeux aient été développés sous GameMaker ne doit pas être étranger à ces similarités techniques.
(2) Le jeu est aussi disponible sur iOS sous le titre « Stealth Inc. », mais n’ayant pas d’appareil le faisant tourner, je ne sais pas trop ce que cette version tactile vaut. Vu la précision démoniaque qui requiert le jeu, je dirai qu’il me semble difficile d’atteindre le même confort de jeu que la version PC, mais je peux me tromper…