Du Steam sans punk
À peine la récente invention de l’automobile devenue monnaie courante dans les rues, la Trotmobile vient bouleverser le nouvel équilibre pourtant déjà précaire. Ce véhicule, ainsi appelé de ce qu’il...
Par
le 25 avr. 2014
6 j'aime
Steambot Chronicles est méconnu, c’est bien dommage. Car avant la mode des mondes ouverts, il en proposait déjà un, au service d’un rythme mélancolique et accrocheur.
Lorsque Vanille se réveille sur la plage de la mouette, il est complètement amnésique. Une jeune fille Connie, qui se révélera plus tard membre d’un groupe de musique, les Garland Globe Trotters, est à ses côtés pour l’aider à reprendre conscience. Un navire échoué plus loin laisse supposer que Vanille vient de là. Quelques pas plus loin, un étrange véhicule, sorte d’automobile bipède, semble avoir été abandonné par son ancien propriétaire. Il s’agit d’une trotmobile, précise Connie, et une fois au volant, l’aventure peut réellement commencer.
C’est ainsi que débute véritablement Steambot Chronicles. Ce jeu réalisé par le studio Irem, talentueux papa de la série des R-Type et de l’excellent SOS The final report, est sorti en juin 2005 au Japon et seize mois plus tard en Europe. Ce titre se classe à part parmi la catégorie des jeux d’action-aventure en se démarquant par une richesse, une diversité et surtout un univers particulier, bien à lui.
Il est difficile de nier que l’inspiration des créateurs d’Irem n’est pas d’origine occidentale. L’époque du jeu pourrait se dérouler au cours des années 1920, comme le montre l’allure des différents moyens de transport du jeu: tramways d’une autre époque, automobiles qui seraient aujourd’hui des voitures de collections, trains à vapeurs et vélos dont les traits de parentés avec le cyclopède sont encore forts. L’architecture de certains lieux comme les gares prouvent que, chez les développeurs, l’envie de s’inspirer d’une autre époque, d’autres lieux, a prédominé. Mais de cette base temporelle, Steambot Chronicles ne fait que s’en inspirer sans la reprendre puisque dans le monde du jeu, ce n’est pas l’automobile qui est reine, c’est la trotmobile qui impulse une révolution centrée autour d’elle, d’où le titre du jeu « Steam »+ « Bot ».
Ces engins servent dans tous les aspects de la vie et de l’économie: pour les récoltes, pour maintenir l’ordre, pour réaliser les travaux, pour acheminer les marchandises ou des personnes. Ces véhicules peuvent être aussi équipés pour le combat et s’affronter dans des arènes spécifiquement conçues. Mais des individus mal intentionnés s’en servent aussi pour attaquer les passants en dehors des remparts des villes. Toute cette diversité dans le rôle de la trotmobile se retrouve dans les possibilités qui s’offrent au joueur puisque celui-ci pourra ainsi acheter des marchandises pour les revendre ailleurs, faire le taxi, extraire des fossiles et les ramener au musée ou encore tenter d’être le meilleur combattant dans les différentes arènes du jeu. Il faut néanmoins prendre soin d’elle.
En effet, un certain nombre de paramètres sont à prendre en charge. Il faut d’abord prendre en compte qu’il y a sept éléments constituant le véhicule : le tronc, les jambes, le bras gauche et le bras droit, la calandre, le dos et la cabine. A chacun de ces éléments correspond des pièces, achetables dans les garages ou bien offertes au cours du jeu et des quêtes annexes. Il n’est pas non plus possible d’installer tout et n’importe quoi puisqu’un système de poids régit tout cela, dont la limite dépend du tronc et des jambes. Une pièce bipède rend peut-être l’engin rapide, mais il ne permet pas de supporter un poids plus élevé que la moyenne. Cette personnalisation, très intéressante, permet de réaliser de nombreux véhicules assez différents, utiles pour telle occasion ou plus génériques, voire de créer des modèles assez loufoques. Il est même possible de personnaliser ses couleurs ou de créer sa propre plaque minéralogique, celles-ci font office d’emblème dans le jeu.
Autre paramètre à ne pas négliger, plus le véhicule pèse lourd plus il possède d’endurance. Mais en contrepartie, il consomme plus de fuel, fourniture ô combien importante même dans le monde virtuel de Steambot Chronicles. De plus, autre paramètre à prendre en compte, c’est que la durabilité ou les munitions des armes affectés à chaque bras baisse à chaque utilisation. Un petit tour -fréquent- chez les garages, disséminés sur la carte, permet de refaire une jeunesse au véhicule mais il faudra payer, rien n’est gratuit. Les ennemis laissent derrière eux de l’argent et du fuel et les combattre avec les éléments du décor permet de limiter l’usure des engins.
Jeu japonais oblige, on pourrait s’attendre à un certain scénario développé, rempli de révélations chocs et de personnages torturés. L’histoire de Vanille, une fois l’amnésie passée, devrait contenir son lots de surprises. Et bien non. L’intrigue emmène le joueur d’évènements en évènements jamais trop bouleversants, qui peuvent être tout simplement d‘aller vers une autre ville pour emmener Connie à son futur concert. Il flotte sur le jeu un certain calme, un rythme nonchalant et qui ne s‘accélère que vers la fin. C’est difficile à présenter comme une qualité et pourtant cela marche, à condition de savoir apprécier ce rythme particulier. Quant à Vanille, il s’agit avant tout d’un héros prétexte, l’avatar du joueur et rien de plus. Ce n’est pas le caractère du personnage qui entraîne l’attachement (ou pas) du joueur: Vanille est véritablement l’incarnation du joueur dans le jeu. A ce titre, et on se rapproche alors plus des RPGs occidentaux que japonais, le joueur a toujours la possibilité de choisir les paroles de Vanille. La notice le présente comme amical et facile à vivre mais il est tout autant possible d’en faire un être mesquin et cupide, ce qui a des répercussions sur le monde qui entoure le personnage. Enfin, il est possible de lui changer ses habits ou sa coupe. Endossera-t’il pendant quelques temps un costume chic? Ou bien le joueur préférera-t-il l’habiller d’un ensemble de travailleur? Ou bien un pot-pourri de différentes tenues? Et avec quelle coiffure: en brosse, avec une banane, ébouriffé, rasé, avec une crête ou avec une coupe afro? Le joueur décide.
Si la trame de l’histoire n’est pas très entraînante pendant la plus grande part du jeu, il ne faut pas négliger l’autre moitié de l’aventure, ce sont les à-côtés du jeu. Foncer tête baissée pour faire avancer l’intrigue n’a que peu d’intérêts puisque ce ne sera voir qu’une partie du jeu. Il y a bien sûr toutes les possibilités offertes avec les trotmobiles mais pas seulement. La musique occupe ainsi une part importante du jeu. Il y ainsi une douzaine d’instruments différents dont il est possible de jouer, chacun avec ses propres règles. Un exemple avec l’accordéon: pour simuler le mouvement de va-et-vient des bras de l’accordéoniste, il faut faire suivre les deux sticks le long des courbes qui se présentent. Pour la trompette, il faut doser le volume d’air avec le stick gauche. Jouer de la musique peut se faire dans la rue, et si la prestation est bonne, les passants offriront de l‘argent. Mais ça rapporte peu et ça a moins d’intérêt que lors des concerts avec le groupe de Connie. Les chansons jouées sont de très bonne facture, chantées par une professionnelle, Nadia Gifford, que j‘applaudis de tout coeur. Ces chansons sont assez tristes et contribuent à forger l’ambiance du jeu, pas vraiment entraînante, plutôt calme et mélancolique.
Mais outre faire de la musique, activité très importante dans le jeu, il y a un tas de choses à faire dans Steambot Chronicles et beaucoup de secrets à trouver. Il est ainsi possible de faire des parties de bowling, de lire les quelques livres du jeu, de spéculer en bourse ou d’aller dans des donjons générés aléatoirement récupérer quelques antiques trésors pour les offrir au musée. Ou bien de les garder pour décorer les logements loués, à côté des fournitures achetées ici et là. Et peut-être d’inviter des jolies demoiselles dedans…Tout cela ne sont que quelques exemples, auxquelles viennent s’ajouter les nombreux secrets et quêtes annexes du jeu. Finir le jeu une fois ne permet pas de tout voir, ne serait-ce entre autres que parce qu’il y a deux intrigues selon que le joueur choisit d’agir pour le bien ou pour le mal (bien qu’il n’y ait pas de véritables méchants). La liberté offerte au joueur fait tout simplement plaisir à voir.
Quant à la réalisation, le jeu se hisse à un niveau à peine mieux que moyen. Le cell-shading sur les personnages et les trotmobiles possède son petit cachet mais les décors manquent de détails. De plus, le jeu rame parfois, les ambitions sont restreintes par la console. Mais une fois la manette en main ces détails sont oubliés parce qu’ ils ne desservent pas l‘ambiance paisible du jeu. Les musiques sont chaleureuses, le design du jeu est rafraîchissant et apaisant : il respire la simplicité. Enfin, même si on pourrait considérer la palette de couleurs comme terne, il faut néanmoins reconnaître qu’elle colle mieux à l’univers calme et un peu mélancolique de Steambot Chronicles que des tons qui auraient été plus colorés, plus vifs.
La liberté de jouer sans la prétention d’offrir une quête ambitieuse et prétentieuse, voilà comment on pourrait réaliser le jeu d’Irem Software. Inutile de s’attendre à un jeu avec des personnages ultra-charismatiques, une trame scénaristique mouvementée pour une aventure épique mais guidée, il n’en est rien ici. Steambot Chronicles trace sa route à bord de sa trotmobile paisiblement, offrant au joueur la possibilité de faire ce que le jeu lui permet, c’est à dire beaucoup de choses. Le seul reproche à faire au jeu, une fois bien pris dans cet univers, c’est que le monde à parcourir manque d’étendues, ce que les assez nombreux allez-retours accentuent.
Le jeu a été édité en Europe par 505 Gamestreet dont la localisation est -hélas- fidèle à ses autres productions, avec des bugs et du contenu coupé. Mais adapter le jeu était un pari commercial, il faut malgré tout saluer cette décision, sinon le jeu serait resté inconnu de ce côté du globe.
Sur PSP, le jeu a été adapté sur la console portable tandis qu’il y eu aussi un puzzle-game dans le même univers. Une suite avait été annoncée, avant d’être annulée. Irem ayant depuis délaissé le jeu video, les chances de revoir Steambot Chronicles sont hélas bien minces.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ca n'a pas l'air terrible... Et pourtant !, (Feu) Moi, je(u video) et +135 (Jeux vidéo)
Créée
le 15 janv. 2020
Critique lue 402 fois
4 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Steambot Chronicles
À peine la récente invention de l’automobile devenue monnaie courante dans les rues, la Trotmobile vient bouleverser le nouvel équilibre pourtant déjà précaire. Ce véhicule, ainsi appelé de ce qu’il...
Par
le 25 avr. 2014
6 j'aime
Steambot Chronicles est méconnu, c’est bien dommage. Car avant la mode des mondes ouverts, il en proposait déjà un, au service d’un rythme mélancolique et accrocheur. Lorsque Vanille se réveille sur...
le 15 janv. 2020
4 j'aime
2
C'est ma copine qui m'as forcé a prendre ce jeu. Et elle a bien fait! Au départ, je l'ai pris pour un enième J-RPG, ouai bof encore un quoi. Et bien oui mais pas tant que ca en fait. Steambot...
Par
le 20 janv. 2012
4 j'aime
Du même critique
La Culture est belle car tentaculaire. Elle nous permet de rebondir d’oeuvre en oeuvre. Il y a des liens partout. On peut découvrir un cinéaste en partant d’autre chose qu’un film. Je ne connaissais...
le 2 avr. 2020
50 j'aime
13
Le film adaptant le comic-book culte de Brian aura pris son temps avant d'arriver en France, quatre mois après sa sortie aux Etats-Unis tandis que le Blu-Ray est déjà sur les rayons. Pourquoi tant de...
le 5 janv. 2011
44 j'aime
12
En 2015, adaptant le comic-book de Mark Millar, Matthew Vaughn signe avec le premier KingsMan: Services secrets une belle réussite, mêlant une certaine élégance anglaise infusée dans un film aux...
le 30 déc. 2021
39 j'aime
12