Suikoden... Lorsque ce nom est apparu pour la première fois en 1995 au Japon ( et en 1997 chez nous) on se demandait comment faire pour ne pas arriver à prononcer le titre sans bégayer. Il s'avère que le jeu, et le titre est tiré d'un roman chinois issu de la tradition orale, traduite par «  Au bord de l'eau » ( Shui-hu Zhuan mot à mot : «  le récit des berges »), qui contait les exploits de 108 bandits et insurgés de toutes origines qui finissent par s'unir pour mener la révolte contre un empereur et sa cour devenus corrompus. Il fait partie des 4 grands classiques de la littérature chinoise, avec notamment L'histoire des 3 Royaumes qui inspirera lui la saga Dynasty Warriors en jeux vidéo. Une version française remarquable de Au bord de l'eau traduite par Jacques Dars existe, et parut chez Gallimard en 1978. Actuellement les deux tomes ( 72 chapitres au total) sont édités chez Folio.
Konami s'est dit qu'adapter ces récits en jeux vidéo pourrait donner matière à un jeu de rôle , il est vrai qu'il y avait matière. Que donne donc le premier jeu tiré du roman ? Retour sur un RPG datant d'avant Final Fantasy VII.

LE DESTIN EN MARCHE
Suikoden est une série qui est née sur PlayStation, une des rares à n'avoir aucun jeu sur génération de consoles précédentes dans son genre. Lorsque le jeu commence, vous êtes le fils de Theo Mc Dohl, un grand général de l'Empire de la Lune Écarlate. Vous êtes jeune et les employés de maison sont à votre service : Gremio fait office de garde du corps et de cuisinier, Cléo, la seule femme vous protégera de tout danger et Pahn est également là pour ses aptitudes physiques.
Vous vivez à Gregminster, la capitale de l'Empire, qui est dirigé par l'empereur Barbarossa. Le pays est actuellement en paix malgré quelques disputes frontalières avec la Fédération des Cités-Etats de Jownston au nord. Lorsque votre père part en mission au nord, vous êtes nommé chevalier et acceptez de servir l'empire et de faire des missions pour Barbarossa. C'est justement au fil de ses missions que notre héros et sa garde rapprochée se rendront vite compte que leur souverain devient de plus en plus despotique tout en étant entouré d'incompétents. C'est lors d'une mission avec l'un d'eux que Ted, votre meilleur ami, décide d'utiliser sa rune pour vous porter secours après un combat difficile. L'incompétent de service somme Ted de venir avec lui au palais et renvoie les autres chez eux. Lorsqu'il revient, Ted est grièvement blessé. On apprend alors que la rune que portait ce dernier était convoitée par Lady Windy, la magicienne de la cour, et conseillère influente de l'empereur. Vous acceptez, en tant qu'ami de protéger la rune afin qu'elle ne tombe pas entre les mains de la sorcière. Mais celle-ci envoie les soldats à vos trousses. Désormais, tout fils de grand général que vous soyez, vous devenez un renégat. Cela sera d’autant plus confirmé que vous ne tarderez pas à rencontrer Odessa Silverberg, la chef des rebelles... Et votre destin sera tout autre.
Voilà, je n'en dis pas plus sous peine de vous spolier la tronche. Suikoden se passe dans un monde féodal. Les différentes régions de l'empire sont gérées par des seigneurs suzerains, et l'accès à certains territoires est réglementé. Le nom des villes s'affiche à chaque fois que vous y passez. Dans ces lieux, vous y trouverez généralement une auberge, une taverne parfois à part, un magasin d'objets, d'armures, des boutiques de runes et parfois des évaluateurs d'objets ( «  appraisers ») que vous récoltez en combat.

L'UNION FAIT LA FORCE
Dans Suikoden, pas question de sauver le monde entier. Vous ne sauverez que votre patrie, ce qui sera déjà beaucoup. Mais comme vous ne pourrez y arriver seul, vous devrez recruter des compagnons et avoir un QG. Si vous voyez l'artwork représentant votre interlocuteur lors d'une conversation et qu'il ne vous est pas hostile, c'est qu'il est susceptible d'être recruté. Environ la moitié de vos troupes se joindra à vous spontanément au fil de l'histoire. Pour les autres, vous devrez aller les chercher. La plupart du temps, vous devrez leur parler, mais certains seront plus exigeants : par exemple, vous devrez venir avec certaines personnes, avoir un certain niveau ou un nombre de compagnons, ou encore gagner une certaine somme à des jeux de hasard.
Et plus vous recruterez, plus votre QG s'agrandira . Vous recrues prendront possession des lieux, s'installeront même, et vous constaterez tout cela. Tout le monde ne combattra pas : certains personnages assureront des services, comme un auberge, la cuisine, une armurerie... Ou certains viendront pour suivre leur mari ou leur femme... Vous pouvez avoir jusqu'à 108 personnages qui rejoindront votre armée. Un record pour un RPG.

Trois systèmes de batailles en un seul jeu
Pour mettre fin aux agissements de Barbarossa vous devrez partir à la bataille. Dans Suikoden, elles sont de trois sortes : Les batailles de terrain se déroulent avec 6 combattants maximum sur deux rangées. Elles sont aléatoires et interviennent entre les villes et dans les donjons, mais pas sur l'eau. Le placement des personnages se fera en fonction de leur arme : les porteurs d'armes de type S (« Short », courte portée),sont à placer au premier rang : ils ne peuvent toucher que les ennemis à l'avant de la formation adverse. Leur handicap est compensé par une puissance de frappe accrue et des stats élevées en défense et en points de vie. Ceux qui ont le type M (Medium) sont les plus polyvalents : à l'avant, ils peuvent toucher les deux rangs d'en face, en arrière, ils atteindront le premier. Ceux qui ont le type L ( Long) doivent être placés à l'arrière. Ils peuvent atteindre indifféremment les deux rangs adverses mais disposent d'une résistance moindre.
Lorsqu'une bataille commence, vous avez le choix entre passer à l'attaque, fuir ( run) ou laisser partir ( let go) si l'adversaire est plus faible que vous, de soudoyer l'ennemi pour éviter le combat ( bribe), ou de mettre en bataille automatique. Cette dernière option est toutefois peu utile, l'ordinateur se contentant d'utiliser, le plus souvent les coups de base. Si vous choisissez le combat, vous aurez le choix entre attaquer à l'arme, vous défendre , utiliser le pouvoir d'une rune, ou utiliser un objet. On notera aussi que plusieurs personnages peuvent s'unir pour lancer une attaque dévastatrice avec l'option «  unite ».
La magie se fait en effet par des runes, que vous devrez acheter ou trouver, sous le nom de « crystal ». Il faudra ensuite aller voir un maitre-rune pour la lier à un des personnages. Certaines sont offensives, comme les runes élémentaires, et le héros aura d'office la rune «  Soul Eater » ( Mangeuse d'âmes) donnée par Ted, qui permettra de se débarrasser d'un ennemi sur le terrain ( mais pas des boss, ne rêvez pas, non plus). Plus les personnages évoluent en niveau, plus le nombre de pouvoirs et leur quantité augmentera. Une bonne nuit de sommeil suffit à recharger la magie. Certaines ont des vertus défensives, c'est utile notamment pour les combattants de premier rang. On ne peut en mettre qu'une par personnage.
A la fin de telles batailles, vous remportez bien entendu, argent et EXP. Le jeu inaugure d'ailleurs le système de rattrapage : un perso en retard recevra plus d'expérience que les autres , ce qui lui permettra de combler le handicap en quelques combats.
Vous pourrez acheter des objets, des armures de défense, mais pas les armes, qui évoluent en rendant visite aux forgerons dans les villes. Il faudra leur demander d'aiguiser vos lames/arcs , moyennant finance, bien entendu.
Le deuxième type de bataille sont les grandes batailles de guerre. Elle vous opposeront généralement aux troupes d'un des généraux de l'Empire . Elles auront lieu à certains endroits clés du scénario. La stratégie consiste à deviner le mouvement ennemi pour le contrer. Vous aurez la possibilité de faire une charge, d'utiliser les archers ou les mages. Pour optimiser vos chances, vous pourrez utiliser l'option «  Other » ( autre) qui regroupe les stratèges, les marchands, les voleurs et, plus tard les ninjas. Les premiers permettent une charge boostée, les seconds amadouent l'ennemi, les deux derniers permettent de connaître ce que prépare l'ennemi, mais attention, dans le cas des voleurs, cela peut échouer. Le tout fonctionne selon le principe Pierre-Papier-Ciseaux : un type d'attaque étant plus fort qu'un autre et se fait avoir par un autre. L'animation permet d'avoir un bon aperçu de votre stratégie. A la fin de l'assaut, les pertes des deux côtés seront affichées. La bataille arrive à son terme lorsqu'un camp a toutes ses unités anéanties.
Il arrivera aussi qu'il y ait des duels : bien entendu, dans ces phases, le héros ( ou un autre personnage) est seul et se bat contre un adversaire singulier. Il faut deviner la stratégie de l'adversaire en se basant sur les phrases , sachant qu'on peut exécuter trois mouvements : l'attaque, l'attaque désespérée faisant plus de dégâts, et la défense. La défense l'emporte sur l'attaque désespérée, qui elle même l'emporte sur l'attaque, qui permet elle de toucher un adversaire en défense.

Le parfum entêtant des 16 bits...
Pour l'aspect technique du jeu, on ne peut pas dire qu'il rende hommage aux capacités de la PlayStation. Loin de là. Les graphismes font plus penser à un jeu Super Nintendo, étant tout en 2D et pixellisant quand même beaucoup sur les scènes de combat. Les sprites des personnages sont assez petits et manquent de détails, notamment sur la carte du monde. Ça se rattrape quand même un peu avec les artworks de dialogues, et heureusement qu'ils sont là d'ailleurs, car certains personnages sont à peine reconnaissables in game. Heureusement lors des combats, les ennemis sont plutôt d'assez bonne taille, tout comme les héros. Seuls les effets spéciaux lors des magies rappellent que nous sommes bien sur une 32 bits. Ceci dit, l'aspect très 16 bits des graphismes me plaît. Suikoden fait dans la simplicité.
Les chargements sont assez courts et quasi-imperceptibles, un bon point, de plus le jeu ne saccade pas.

Les musiques sont bonnes. On trouve de tout : des airs joyeux et entraînants aux airs les plus dramatiques ou tristes selon les événements. On aurait même aimé qu'il y en ait un peu plus. Dommage que les thèmes des villes soient un peu répétitifs. En revanche, les bruitages sont assez peu nombreux, et il n'y au aucun dialogue parlé, ni de cri digitalisé.

La jouabilité hors combat ne pose pas de problèmes particuliers, on aurait toutefois aimé plusieurs choses : la possibilité de courir sans avoir recours à une rune, et un inventaire commun pour éviter la surcharge d'objets. En effet, chaque personnage que vous prenez dans votre équipe aura 9 emplacements disponibles, mélangeant équipement, runes et objets comme des « medicine » par exemple. Dans les faits, on a vite fait de les remplir. Seuls les objets importants dans l'histoire sont placés dans les « item group ». Si vous voulez un objet alors que tous les emplacements sont remplis, vous devrez vous en séparer d'un autre.

Suikoden reste un peu court niveau durée de vie, notamment pour un RPG : comptez 15 à 20 heures en ligne droite, sans prendre le temps d'avoir les 108 étoiles . Dans le cas contraire, rajoutez-en 5 à 10 de plus, en sachant que pour avoir la vraie fin du jeu, vous devrez remplir plusieurs conditions ( dont celle de ne PAS perdre le duel opposant Pahn à Teo), et que si un personnage meurt pendant une grande bataille, il sera perdu. Cependant, aucun n'est réellement « manquable » avec un peu de jugeote.

Le jeu vaut largement le coup, ne serait-ce que pour son scénario. Les rebondissements sont assez nombreux, ils arrivent parfois un peu vite, mais ça changeait des RPG de l'époque : ici vous formez une armée rebelle pour renverser l'empereur en place, pas question se sauver le monde avec un artéfact mystérieux. Les dialogues sont bien écrits et il y a de l'humour. Les moments tragiques seront aussi de la partie. Le jeu n'a pas été traduit en français, il fallait se contenter de la langue de Shakespeare dans note pays. C'était mieux que rien. De plus, avoir son propre château, et le voir évoluer au fil des personnes recrutées, c'est quelque chose qui n'arrive pas tous les jours non plus.

VERDICT:
Venu alors qu'on ne l'attendait pas, Suikoden a des atouts qui ont su surprendre ceux qui se sont penchés sur cas : 108 personnages jouables, une bonne histoire, et différents systèmes de combat, tout en gardant le charme d'un RPG 16 bits, un peu trop d'ailleurs... Mais ne boudons pas notre plaisir, il était, et reste un des RPG largement valables sur PSX, qui n'étaient pas nombreux au début de sa carrière. Ce dont on ne se doutait pas à l'époque, c'est que cet épisode allait donner lieu à des suites. Le début d'une grande série.On sait pourtant que démarrer une saga n'a rien de facile. Ce jeu y est pourtant parvenu de belle manière.

Points Positifs :
Une bonne histoire
108 personnages à recruter
Gérer son propre château, une très bonne idée
De bonnes idées de gameplay avec 3 types de combats
Un air de 16 bits pas désagréable...

Points négatifs :
...Mais qui se fait un peu trop sentir
Pixellise beaucoup, et sprites parfois un peu petits.
Un monde un peu restreint...

Créée

le 26 avr. 2011

Modifiée

le 21 janv. 2014

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Julius

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