Il y a des jeux qu'on finit parce qu'on se sent obligé de le faire, pour ne pas s'être investi tant d'heures sur quelque chose sans en voir le bout, et il y en a d'autres dont on se soucie vraiment de connaitre le fin mot de l'histoire, dans lesquels on ne voit pas le temps passer. Suikoden II est de ces derniers.
Le ton est annoncé dès le superbe petit générique d'introduction tout en flashback qui suit les premières minutes de jeu : L'émotion est instantanée alors qu'on ne connait encore rien des personnages, on est directement projeté dans une qualité d'écriture, de réalisation, qui laisse comprendre qu'on ne se trouve pas en présence d'un médiocre RPG lambda mais bel et bien en présence d'une histoire. Un scénario mature et étonnamment sombre, traitant d'une guerre entre plusieurs royaumes, mais qui au final peut se résumer à un duel quasi fratricide entre deux amis.
Une narration géniale, un "méchant" vraiment méchant, des rebondissements nombreux, certains personnages ambigus, bref on est habitués avec les Suikoden à des histoires complexes et profondes, mais c'est à coup sûr la meilleure trame de la série, et une des meilleures histoires du jeu vidéo tout court.
Si on s'arrêtait là, le jeu serait déjà excellent, mais il y a également tout ce qu'il y a autour, le plaisir que les concepteurs ont de toute évidence pris à concocter une oeuvre riche, fourmillant de mini-jeux, de quêtes annexes, de moments drôles, étonnants ou tristes. Et c'est bien ce qui en fait un titre génial : on ne s'ennuie jamais. Outre la classique "collection" de membres à recruter pour son armée et équipe (108 personnages tous différents et jouables à découvrir de par le monde et à convaincre de nous rejoindre) qui est une marque de fabrique de la série, on trouve par exemple un système de marché entre les villes, des collections d'objets, des concours de cuisine, et tout un tas d'autres amusements que je vous laisse le loisir de découvrir. Bref, de quoi casser toute linéarité et inviter le joueur à vadrouiller dans le monde immense sans jamais compter les heures, entre deux portions de scénario.
Côté combat, on alterne entre combats aléatoires classiques du JRPG au tour par tour (avec équipe de 6), et batailles épiques style "tactic" entre armées où il faudra diriger stratégiquement ses escouades de combattants après les avoir formées. La difficulté n'est pas extrême pour peu qu'on soit un peu habitué au genre, et l'absence de "grinding" grâce à un système d'XP intelligent très appréciable, permettant de choisir ses personnages préférés sans passer 8 heures à leur faire rattraper le lvl des autres, ou encore évitant de pouvoir se rendre surpuissant par rapport aux ennemis, ce qui enlève souvent tout challenge dans les JRPG.
Ces technicités ne sont qu'informatives et ne sauront retranscrire la cohérence et la puissance que représente l'ensemble, et surtout l'extrême plaisir que l'on prend à y participer. N'est-ce pas là au final le sens ultime, trop souvent oublié, d'un jeu vidéo ?
En somme, un jeu à côté duquel il ne faut pas passer qu'on soit adepte de RPG ou pas, une perle ludique et passionnante servie par une écriture de talent.