Musique d'ambiance
Très longtemps, je suis resté réticent par rapport à Metroïd, son ambiance, son univers pesant et kitch à la fois et son level design qui demande de l'investissement : ce n'est pas forcément la série la plus facile d'accès pour un jeune joueur. Et puis j'ai découvert, pêle-mêle, Metroid Prime, Castlevania et même le remake du premier Metroid (Zero Mission), que d'extraordinaires découvertes ludiques. Et toujours la même rengaine après : il faut faire Super Metroid. Et c'est à mes yeux désormais une évidence.
Parce que rares sont les jeux qui auront démontré une telle science du level design, un gameplay aussi intelligent, permissif dans ses possibilités et rigoureux dans son exécution, et rares sont les jeux qui auront proposé une telle aventure.
Parce que Samus ne parle pas, et le jeu non plus, ou presque. Une carte, une barre de vie et un vaste monde à explorer, c'est toute la recette de Super Metroid. Et le jeu ne s'encombre donc pas d'explications ou d'indications, il démontre la possibilité d'une narration par le gameplay. Où aller pour aller défier le boss de fin ? Quel chemin emprunter maintenant que j'ai acquis tel pouvoir ? Tout est montré, le jeu amène le joueur vers des chemins qu'il ne pourra emprunter et insiste, par la disposition du level-design sur ce qui pourrait manquer au joueur. A lui de se rappeler, de comprendre l'organisation du monde et de revenir au moment opportun. Le joueur définit ses objectifs par sa progression, et il sait presque toujours où aller, alors que le jeu n'emploie pas le moindre texte pour ça ! Même quand on acquiert un pouvoir, ses effets ne sont pas expliqués, et encore une fois le level-design sera agencé de sorte que le joueur s'en rendra compte par lui-même.
Ce qui peut se révéler traitre pour le joueur trop habitué aux tutoriels et à ces jeux trop explicatifs, puisque certains mouvements ne sont pas renseignés dans le jeu (et même dans la notice), et sont même parfois disponibles dès le début. Comme le Wall Jump, au timing un peu trop rigoureux à mes yeux d'ailleurs, et qui sera enseigné au joueur par les seules bestioles pacifiques de la planète Zèbes. Ou le saut via les bombes en boule morphing, qui requiert également une science du timing que je n'aurai jamais. Mais le jeu laisse au choix au joueur, le néophyte le parcourra à son rythme (en un peu moins de dix heures), quand le plus expérimenté, pourra à l'aide de tricks, pensés par le jeu, le finir en moins de 3. En gros le jeu est accessible à tous, et permet à chacun un niveau de difficulté intéressant, avec un gameplay avancé non-nécessaire pour finir le jeu, mais essentiel pour aller plus vite (et pour le 100% ?).
Et l'exploration de Zèbes s'enchaine donc, salle après salle, obstacle après obstacle, et Samus s'enfonce dans cette planète, désespérément seule. Chaque partie du monde dispose d'une identité visuelle propre, d'un bestiaire approprié à l'environnement et diversifié et toutes ces parties s'entrecroisent à merveille au gré des passages secrets découverts peu à peu.
Parce que c'est sans doute ça l'aspect le plus grisant de Super Metroid : l'exploration d'un level-design tentaculaire, la découverte un peu hasardeuse d'un trou qui mène dans une salle cachée et qui offre des power-ups ou un chemin vers une autre zone (in)connue. La sensation d'être dans un environnement hostile, truffé de pièges et de ne jamais savoir jusqu'où on peut aller (puisque contrairement à un Zelda 2D, la carte n'est pas quadrillée, mais totalement irrégulière).
Et l'ensemble de ces aspects (partir de rien pour gagner en puissance, maitriser un gameplay riche aux diverses possibilités et explorer un monde sans la moindre indication, même les cartes sont incomplètes), c'est ce qui constitue le génie de Super Metroid. La série ne sera jamais plus aussi inspirée dans son level design, brillante dans son gameplay et maitrisée dans la gestion du rythme de son aventure (avec Prime et Zero Mission, on tombe dans la quête de la durée de vie gonflée à tout prix).
En fait, l'un des défauts de ce jeu, à mes yeux, est quelque peu indirect. Comme Zelda 3, Super Metroid est devenu l'opus-référence de la série, celui sur lequel se sont basés tous les autres, et continuent de s'inspirer. Avec des boss, environnements et pouvoirs récurrents, de même que la progression globale, de sorte que les suites oscillent sans cesse entre l'hommage, la perpétuation du mythe et le manque d'inspiration... Du coup, le joueur mal avisé qui y jouera après tant d'autres jeux ne bénéficiera pas de la même surprise et de l'enchantement quant aux pouvoirs ou aux mondes, il faudrait sans doute toujours commencer par les débuts... Ensuite, on pourrait également reprocher au jeu ses boss battles, pas toujours très inspirés et un peu trop simples, malgré quelques bonnes idées et un final dantesque.
Sinon ... eh bien Super Metroid est un jeu d'une rare cohérence, richesse et même avec toute la mauvaise foi du monde, il doit être bien difficile de lui nombrer plusieurs défauts. J'ai essayé. En vain.