Une fois qu'on s'est débarrassé de ses préjugés formels sur une œuvre, de ce qu'on a lu et entendu sur son genre, sa classification, sa technique, on peut commencer à l'apprécier intimement.
Concernant Super Metroid, en dehors des qualités de son gameplay, de son level-design, de ses graphismes, de son sound-design, qui en font indéniablement un bon jeu, il y a dans l'expérience que l'on vit en y jouant quelque chose de plus, qui en fait un Grand jeu. À défaut d'un autre terme, j'utiliserai celui d'âme. Super Metroid est habité.
Le morceau d'existence que nous lui consacrons n'est pas futile ou vain, ce n'est pas un jeu que l'on fait pour tuer le temps : on l'investit dans une aventure immersive intense et profonde, singulière et aliénante.
La somme de travail, de passion et de folie apprivoisée, puis injectée dans l'œuvre émerge subtilement à chaque tableau, au détour de chaque animation, de détails à priori gratuits, insufflant à l'ensemble une densité et une cohérence implacable, nous submergeant petit à petit les sens de son exotisme troublant. Super Metroid avale le joueur qui s'y laisse prendre, et le recrache après digestion au bout de longues heures de délicieux supplices, éreinté et heureux. Dans son ventre, on expérimente la découverte d'une immensité organique, d'un dédale étrange et fascinant de machines et de créatures, de mystères et de violences, d'instants de grâce chorégraphique propre à sa nature de plateformer, de transe guerrière frénétique dans ses bossfights.
Super Metroid est généreux, et respecte le joueur au point d'aller jusqu'à le violenter, le pousser à se sublimer, l'entraîner là où il ne se serait jamais cru capable d'aller, tout en lui offrant des sensations inédites, des saveurs subtiles, toujours mesurées et parfaitement maîtrisées.
Des jeux comme ça créent un manque, un vide, une fois reçu en pleine gueule. Ils repoussent ce que l'on attend d'un jeu vidéo. La plupart de ceux qui passent après sont au mieux pris pour de tristes parodies, au pire pour des insultes au joueur...
Je crois au fond que ce texte est plus une déclaration d'amour qu'une critique.