L'art de la méta-mandale

Street Fighter est le porte-étendard du jeu de combat et cela depuis bien longtemps. Et le moins que l'on puisse dire c'est que cette réputation est tout à fait méritée. Ce que je vais décrire est valable pour tous les épisodes (excepté peut-être le premier).

Street Fighter est susceptible d'apporter du plaisir et d'intéresser n'importe quel joueur, et cela peu importe sa maîtrise du jeu et ses compétences. On peut diviser l'expérience de Street Fighter en 3 temps apportant chacun leur lot de spécificités et de sources d'intérêt.

1. Du plaisir du quart de cercle
Au départ le joueur est en souffrance. Requérant une certaine dextérité, le jeu ne se livre pas immédiatement à celui qui le manipule. Et pourtant, même en étant mauvais vous prendrez du plaisir. La frustration de ne pas comprendre les mécaniques profondes du jeu, la difficulté des manipulations pour sortir le moindre coup spécial sont contrebalancées par le hasard et la chance. Vous matraquez vos boutons en tentant d'esquiver gauchement les attaques de l'adversaire pour finalement lui lancer une salve de coup de poings légers dans le dos. Tout à coup, par une manipulation qui vous a échappé, vous parvenez à lui envoyer un Shoryuken dans les gencives. L'animation du personnage est belle, le feedback efficace vous donne une sensation de force, et vous voyez la gueule étonnée de votre adversaire. Immédiatement, vous voulez retenter l'expérience. Et votre adversaire veut se venger. Finalement vous enchaînez les combats et les personnages sans en saisir les particularités, mais vous ne vous en lassez pas. Vivement que vous atteigniez l'étape 2.

2. De la jouissance de maîtriser les arts martiaux
Après quantité de combats gagnés (ou perdus) à la faveur du hasard et des manipulations maladroites, vous finissez par ressentir une accoutumance et une affinité avec un personnage particulier. Sans savoir forcément pourquoi vous l'appréciez. Il peut s'agir de son skin, de ses techniques, de sa façon de se déplacer, ou un peu de tout ça à la fois. Vous prenez alors l'habitude d'enchaîner les combats tout en restant aux commandes de votre personnage favori. Ces sessions de training intensives vous permettent de maîtriser petit à petit des combos, de sortir des coups spéciaux. Fini le hasard, maintenant vous avez compris comment réussir à tout les coups votre Hadoken, à quel moment utiliser votre Focus, quand lancer votre Lariat. Tout le plaisir vient alors dans les enchaînements endiablés auxquels vous vous adonnez avec vos potes, les combats atteignant régulièrement des pics d'intensité vous faisant gueuler devant votre écran, les mains moites et la bave aux lèvres. C'est probablement cette séquence qui propose les combats les plus brutaux, chaque opposant essayant d'employer le maximum de ses techniques avec le minimum de raisonnement.

3. Voir la matrice
Petit à petit, vous finissez par comprendre que pour assurer votre victoire de manière plus régulière, vous allez devoir établir une stratégie. Vos adversaires et vous-même êtes désormais capables d'employer un vaste panel de coups, il ne reste plus qu'à apprendre quand les utiliser. Et Street Fighter devient alors un jeu où le metagame est capital et passionnant. Vous devez apprendre à lire le jeu de votre ennemi, à analyser les match-up. Vous êtes alors capable de jouer sur les priorités des coups, de réussir des cancels de plus en plus audacieux. Vous apprenez également à gérer votre défense et vos distances, deux éléments souvent délaissés de prime abord. Le jeu devient alors un défi où votre expérience empirique vous pousse à empiler vos connaissances pour surpasser votre adversaire, lequel parviendra à trouver une strat' pour parvenir à vous vaincre. Il ne vous reste plus alors qu'à développer de nouvelles contre-mesures, et ainsi de suite. L'apprentissage se poursuit à chaque partie, les possibilités étant quasiment sans fin.

Street Fighter est en résumé un jeu dans lequel l'apprentissage est constant. La surprise survient régulièrement, le jeu vous offrant chaque fois un moyen de dépasser une difficulté. S'il y a un jeu de combat à tester, c'est bien celui-ci. Je vous recommande chaudement le "Ultra Street Fighter 4", version la plus complète du jeu. Et surtout, jouez-y de manière régulière avec vos potes. Vous accéderez à une profondeur de metagame que l'on retrouve très rarement ailleurs.

Seul reproche à faire : Capcom a tendance à sacrément tirer sur la corde concernant les extensions : Street Fighter 4, Super Street Fighter 4, Super Street Fighter 4 Arcade Edition, Ultra Street Fighter 4... Des extensions qui rééquilibrent le jeu mais sur des détails tellement fins qu'ils sont inaccessibles pour beaucoup, et qui ajoutent peu de personnages. Tout cela au prix fort, bien entendu.